Les Alcooliques anonymes : 75 ans de sobriété au Québec

Un vieux jeton des Alcooliques anonymes
Photo : Radio-Canada / René Saint-Louis
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les Alcooliques anonymes ont célébré cette année le 75e anniversaire de leur présence au Québec. Un anniversaire passé sous silence dans la plupart des médias.
Les AA, c'est une association d'hommes et de femmes qui partagent entre eux leurs expériences, leurs forces, leurs espoirs, dans le but d'aider d'autres alcooliques à rester sobres
, résume Lucien, coordonnateur de l'organisme pour la région 87, qui inclut Montréal et le sud du Québec.
Lucien nous a invités à participer à un Midi express à Saint-Hyacinthe. Comme son nom l'indique, il s'agit d'une rencontre qui se déroule de midi à 13 h. Il y en a quatre par semaine, du lundi au jeudi. Bien pratique pour les gens qui travaillent, note Lucien.
Sur place, une cinquantaine de personnes étaient présentes. C'est comme ça tous les midis, semble-t-il. Un peu plus du tiers sont des femmes, un peu moins du tiers sont des jeunes, les autres sont des boomers grisonnants.
Tous, sauf un, sont de la région de Saint-Hyacinthe, où il existe 14 groupes de soutien qui se rencontrent en soirée – 15 en été, puisqu'il y en a aussi un au camping de Saint-Jean-Baptiste, le Domaine de Rouville.
Le monsieur là-bas qui vient d'arriver n'est pas de la région. Il est de Saint-Jean-sur-Richelieu, je crois
, dit Lucien. L'homme en question explique qu'il roulait sur l'autoroute 20 et qu'il avait envie d'un « meeting ». Le plus près, selon l'application des AA sur son téléphone intelligent, était ici. Alors, il s'est arrêté.

Une cinquantaine de personnes ont assisté au Midi express des AA à Saint-Hyacinthe. Une telle rencontre, qui dure une heure, a lieu du lundi au jeudi.
Photo : Radio-Canada / René Saint-Louis
Au Québec, on compte 1200 groupes des AA pour 36 000 membres, en légère baisse par rapport aux années 1990, mais en légère hausse par rapport aux dernières années. Les groupes, ça va et ça vient
, mentionne Lucien. Dans le district de Saint-Hyacinthe, il y a déjà eu 17 groupes. Il n'y a pas une grosse évolution.
Le mouvement va bien parce qu'on a une structure. On a une grosse structure. Et on sera toujours là pour accueillir l'alcoolique qui souffre encore. C'est ça qui est important.
Ce qui fait aussi dire à Lucien que le mouvement va bien, c'est le fait que les membres arrivent de plus en plus jeunes.
L'alcool est insidieux, car il est accepté dans la société, contrairement aux drogues, fait-il valoir. Un alcoolique peut fonctionner longtemps, mais détruire à petit feu son couple et sa relation avec ses enfants, ou perdre son emploi.
Les drogues, on arrive très, très jeunes [dans les Narcotiques anonymes]. Moi, j'ai bu jusqu'à 32 ans, mais il y en a qui vont boire jusqu'à 40, 50 ans avant d'arriver dans les Alcooliques anonymes.
Faire du meeting
Le fonctionnement des AA repose sur des rencontres de groupes pendant lesquelles quelqu'un vient témoigner. Des échanges s'ensuivent.
Les participants rencontrés à Saint-Hyacinthe avaient cependant tous suivi aussi une, deux ou même trois thérapies individuelles avec des psychologues.
Le mouvement se qualifie avant tout de groupe d'entraide, entraide qui passe par l'implication de chacun des membres.
Certains participent à beaucoup de rencontres, comme Denise, une grand-mère âgée de 75 ans aux cheveux blancs bouclés et au visage lumineux. Voilà près de 30 ans qu'elle est dans les AA.
J'ai toujours fait deux ou trois meetings par semaine
, indique-t-elle. On ne guérit pas, vous savez. On a un sursis quotidien.
Quand je suis arrivée au mouvement, moi, ce qui m'a attirée et ce qui m'a, dans le fond, aidée à m'identifier, c'était le désir d'arrêter de boire. C'est spécial, hein. C'est la seule condition pour être membre des AA. Et puis ça, je l'avais. À chaque fois que je buvais, je voulais arrêter de boire.
La participation au meeting a toujours été très encouragée dans le mouvement.
Patrick raconte que pendant trois mois, au début des années 2000, des membres des AA de sa région sont venus le chercher tous les soirs pour lui faire faire du meeting
.
Patrick possède un vieux jeton des AA ayant appartenu à son grand-père. Dès le début des AA, le meeting était plus qu'important, c'était la clé du sevrage, explique-t-il.
Si on revient à l'histoire des AA, les premiers membres, nos fondateurs, ils faisaient un meeting [officiel] par semaine dans leur petit village où ils étaient 10, 12 membres. Sauf que les autres soirs, ils se rassemblaient quand même et, s'il en manquait un, ils allaient partout, ils voulaient le retrouver. Pour être certains qu'il ne rechute pas.

Divers jetons des alcooliques anonymes.
Photo : Radio-Canada / René Saint-Louis
Le mouvement a été fondé en Ohio en 1935. Et il est arrivé au Québec en 1944. C'est un certain Dave qui a lancé le mouvement à Montréal.
C'est un membre qui en a arraché beaucoup. Il s'est retrouvé en prison. Sa soeur, qui habitait aux États-Unis et qui aimait beaucoup son frère, avait entendu parler du Gros Livre. Elle a fait venir le Gros Livre et est allée voir son frère en prison pour le lui apporter.
Le Gros Livre, c'est un peu la bible des Alcooliques anonymes. Il s'agit du texte de base du mouvement qui décrit les 12 étapes vers le sevrage.
À sa sortie de prison, Dave a commencé à organiser des rencontres chez lui. Cinq ans plus tard, le mouvement comptait 400 membres dans 18 clubs à Montréal.
Le premier club à l'extérieur de Montréal a vu le jour en 1949 à Trois-Rivières. L'année suivante, des clubs ont vu le jour à Québec, Shawinigan, Arvida (aujourd'hui un secteur de Saguenay) et Sept-Îles. Et les autres ont suivi.