Affaire Matzneff : Denise Bombardier a donné la force d'écrire à Vanessa Springora

Denise Bombardier
Photo : Avanti Groupe / Karine Dufour
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La polémique au cœur de laquelle se retrouve l'écrivain français Gabriel Matzneff remet sur le devant de la scène les propos que l’autrice Denise Bombardier avait tenus à son égard en 1990. Celle-ci a d’ailleurs affirmé, vendredi sur les ondes de l’émission Première heure, que sa position de l’époque a contribué à la récente dénonciation de Vanessa Springora, autrice du livre Le consentement.
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En entrevue avec l'animateur Alexandre Duval au sujet de cette affaire qui fait grand bruit dans le milieu littéraire français, Denise Bombardier a d’ailleurs mentionné que Vanessa Springora et elle devaient discuter par téléphone de cette histoire vendredi après-midi.
Les deux femmes ont toutefois déjà échangé par courriel. Je lui parlerai, mais je lui ai [déjà] écrit pour lui dire à quel point j’ai été bouleversée par son livre, a-t-elle précisé. Elle m’a dit que le fait d’avoir été la seule à dénoncer – sur le coup, elle était jeune, elle n’avait pas compris que je la défendais – ça a fait son chemin.
« Elle a compris avec le temps. Elle m'a dit [...] que c'est ce qui lui avait donné la force d'être capable d'écrire ce livre. Et ça, je dois dire que c'est la chose la plus bouleversante. »
Denise Bombardier s’est dite chamboulée par toute cette affaire et estime avoir de la difficulté à en parler. Ça lui a pris 30 ans [pour dénoncer]. Elle me l’a dit dans son courriel : "Ma vie a été flétrie pour toujours."
Je sais qu’elle a refait sa vie, je sais qu’elle a un compagnon, des enfants. Mais vous vous rendez compte? Il y en avait des centaines, pour ne pas dire des milliers, comme elle. Et celui-là, ce prédateur, il écrivait ça dans ce qu’il appelait des romans. Mais dans les romans, il racontait en détail comment il sodomisait les petits enfants. C’est horrible.
Un milieu gangrené?
Sollicitée depuis jeudi pour revenir sur sa présence remarquée à l’émission Apostrophes en 1990, Denise Bombardier avoue ne pas comprendre pourquoi certaines figures importantes du milieu littéraire français se rangent toujours du côté de Gabriel Matzneff et crient à la chasse aux sorcières.
Selon elle, ce n’est pas que le milieu littéraire français « qui est pourri ».
C’est plus large que ça. C’est la société française en général. Vous savez, le mouvement #MoiAussi, en France, ça a pris plus de temps [qu’ailleurs] pour réagir. [En France], on ne touche pas au rapport entre les hommes et les femmes.
« Dans le cas de la pédophilie – je l’ai découvert quand j’étais là-bas [en France] – je me suis rendu compte qu’il y avait une tolérance. »
Je veux juste ajouter quelque chose : il faut toujours qu’il y ait un adulte qui s’interpose entre l'enfant et le pédophile. C’est ça mon message
, a-t-elle ajouté.
Rappelons que Gabriel Matzneff, aujourd'hui âgé de 83 ans, n’a jamais caché ce « goût proclamé » pour les jeunes filles et les jeunes garçons. C’est d’ailleurs ce qui se trouve au centre de l'ouvrage de l'autrice Vanessa Springora.
Brève réaction de Bernard Pivot
Alors animateur de l’émission Apostrophes, c’est Bernard Pivot qui avait reçu Gabriel Matzneff et Denise Bombardier sur son plateau. [L’écrivain] Alexandre Jardin était là et tout le monde s’est tu
, se rappelle Denise Bombardier.
En pleine controverse, l’ancien animateur a réagi vendredi par l’entremise d’un simple gazouillis sur Twitter, stipulant que la littérature passait autrefois avant la morale, et qu’aujourd’hui, l’inverse était la norme.
Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale; aujourd’hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c’est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d’un pays et, surtout, d’une époque.
— bernard pivot (@bernardpivot1) December 27, 2019