Vengeance pornographique : presque 5000 cas rapportés en 5 ans

Le nombre de signalements de vengeance pornographique augmente chaque année depuis le passage de la Loi en matière de cyberintimidation.
Photo : Getty Images / Antonio Guillem
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le nombre de signalements de partage d'images ou de vidéos intimes sans consentement ne cesse d'augmenter depuis la création de la Loi en matière de cyberintimidation il y a 5 ans. Les autorités s'attendent à ce que le nombre total de signalements dépasse les 5000 d'ici 2020 au Canada.
Depuis l'intégration du crime à la Loi en matière de cyberintimidation en 2014, environ 20 % des signalements débouchent sur de réelles accusations criminelles.
L'abandon des procédures
Les autres cas peuvent être réglés à l'amiable, abandonnés par manque de preuves, ou parfois c'est la victime qui choisit de ne pas continuer la procédure pénale.
Cette dernière réalité ne surprend pas Jill Arnott, directrice générale du Centre des Femmes de l’Université de Regina. Vous êtes déjà en train de gérer les conséquences, le traumatisme, la gêne et la honte
, explique-t-elle.
« La procédure judiciaire c’est juste trop, trop à supporter. »
Elle voit cependant d'un bon oeil l’augmentation des signalements. Ce serait dû au fait que les victimes s’attendent à ce que les autorités leur accordent du crédit, selon Mme Arnott. Les images ou vidéos partagées constituent une preuve en soi
.
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D’ailleurs, le taux de condamnations est plus élevé dans les cas de vengeance pornographique et de sextos criminels que dans d’autres agressions sexuelles.
Le rôle des autorités
Le caporal et porte-parole de la Gendarmerie royale du Canada, Rob King, estime que cela a été un défi pour les officiers d’apprendre à enquêter sur ces signalements. Il souligne que les forces de police sont généralement aidées par des experts en informatique.
Le caporal King rapporte que les cas impliquant des garçons adolescents et ce qu’il appelle des discussions de vestiaire
peuvent être résolus sans procédure criminelle, avec la suppression des images, et à condition que cela convienne à la victime.
Selon Statistique Canada, 20 % des cas impliquent des jeunes de moins de 18 ans.
D’après Rob King, la majorité des hommes qui commettent ces crimes sont des amants déçus. Ils agissent sous la pression de leurs pairs, ou sous l’influence des stéréotypes de genres, dans l’intention de punir les victimes.
Rob King pense d’ailleurs que le nombre de déclarations continuera d’augmenter dans les prochaines années. C’est grâce à une meilleure connaissance de la loi, et à des possibilités techniques qui permettent de récupérer les fichiers mis en cause.
Les données policières compilées par Statistique Canada montrent que 340 cas ont été rapportés à la police en 2015. En 2017 et 2018, le nombre de cas a grimpé à 1500 par an.
L’aveuglement moral des jeunes
Matthew Johnson, directeur d’éducation à MediaSmart, a mené un sondage auprès des jeunes portant sur les sextos. Selon l'organisme de littératie numérique, ils auraient un angle mort moral
quand il s’agit de montrer un sexto à leurs amis, ou de le partager par texto ou en ligne.
L’étude montre aussi que les jeunes garçons qui ont des stéréotypes sur les genres ont cinq fois plus tendance à partager des images sans consentement. Selon l'étude, les jeunes garçons considèrent que les filles qui envoient des images intimes violent les normes traditionnelles féminines. Ce geste est perçu comme trop agressif et trop sexuel. Pour eux, les filles qui enfreignent les rôles des genres ne méritent plus le consentement.
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M. Johnson pense qu’il serait plus efficace de se concentrer sur l’enseignement des règles du respect et du consentement, plutôt que de débattre de la culpabilité des victimes et des raisons qui les ont poussées à envoyer ces images.
Ce serait le moyen le plus efficace d’arrêter ces crimes, puisque l’étude a aussi révélé que les jeunes ne sont pas dissuadés par la loi ou le risque d’être accusé d’un crime
explique-t-il.
Des victimes fatiguées d’être blâmées
À l’Université de Regina, des étudiantes se disent fatiguées d’être blâmées pour les actions criminelles de ceux qui partagent leurs images et vidéos intimes sans consentement.
« Ce n’est pas juste. Ce n’est pas une bonne époque pour être une fille. »
Certaines amies de Serena Thompson ont envoyé des photos à leurs compagnons. Ils les ont ensuite utilisées pour leur faire du chantage, les forcer à faire des actes sexuels, ou à envoyer plus de photos.
Veronica Ramshaw, elle aussi étudiante, pense que de nombreux adolescents qui partagent des photos le font de manière irréfléchie. Ils ne réalisent pas à quel point c’est une violation. Mais ça n’est pas une excuse
, affirme-t-elle.
Avec les informations de Bonnie Allen, CBC