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Donald Trump formellement mis en accusation

Elle regarde devant et tient un maillet.

La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, après l'annonce des deux votes sur les chefs d'accusation retenus contre Donald Trump.

Photo : Reuters / Jonathan Ernst

  • Sophie-Hélène Lebeuf

Après 12 heures de débats, les élus de la Chambre des représentants ont voté mercredi soir pour les deux chefs d'accusation auxquels faisait face le 45e président des États-Unis : abus de pouvoir et entrave au travail du Congrès. Donald John Trump est ainsi devenu le troisième président dans l'histoire du pays à être mis en accusation pour crimes et délits majeurs.

La Chambre, où les démocrates sont majoritaires, a jugé que Donald Trump méritait d'être mis en accusation pour chacun des deux chefs d'accusation retenus contre lui.

Pour les deux articles d'accusation, soumis à des votes distincts, le seuil de 216 voix nécessaires à la mise en accusation a facilement été franchi, selon des lignes largement partisanes. L'adoption d'un seul chef d'accusation aurait suffi pour lancer une procédure de destitution.

Se présentant devant les médias avec le leadership démocrate de la Chambre à l'issue de ce vote historique, la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, était fière du courage moral montré par les démocrates.

18 décembre, un grand jour pour la Constitution des États-Unis, mais [un jour] triste pour l'Amérique parce que les activités irresponsables du président nous ont obligés à présenter des articles de mise en accusation.

Une citation de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants

Donald Trump, président des États-Unis

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M. Trump, sur son fauteuil du bureau ovale, à la Maison-Blanche.

Ce vote honore la vision de nos fondateurs visant à instituer une république, le sacrifice de nos hommes et de nos femmes en uniforme qui défendent notre démocratie et la république, et les aspirations de nos enfants à toujours vivre dans une démocratie, a soutenu celle qui a sciemment conservé un ton solennel tout au long de la journée.

Lors de l'annonce du résultat du premier vote, Nancy Pelosi, qui avant le début de la journée avait averti ses troupes d'éviter toute forme de triomphalisme, a d'ailleurs rappelé à l'ordre d'un signe de la main et avec un regard éloquent les démocrates qui allaient applaudir.

Donald Trump devant des gradins remplis de ses partisans.

Donald Trump tenait un rassemblement partisan à Battle Creek, au Michigan, mercredi soir.

Photo : Associated Press / Evan Vucci

Au moment où se tenait le vote, le président Trump participait à un rassemblement de campagne, à Battle Creek, au Michigan. Il a adopté un ton beaucoup plus belliqueux. Avec la mise en accusation anticonstitutionnelle et partisane illégale d'aujourd'hui, les démocrates qui ne foutent rien expriment leur haine et leur mépris profonds pour l'électeur américain, a-t-il affirmé.

Après trois années de chasses aux sorcières sinistres, de canulars, d'arnaques, les démocrates de la Chambre tentent d'annuler les bulletins de vote de dizaines de millions de patriotes américains.

Une citation de Donald Trump, président des États-Unis

Les Américains se présenteront par dizaines de millions l'année prochaine pour éjecter Pelosi du pouvoir [to vote Pelosi the hell out of office], a-t-il lancé devant ses partisans, comparant la procédure de destitution lancée par les démocrates à une marche pour un suicide politique.

Le camp démocrate accuse le président Trump d'avoir voulu extorquer aux dirigeants ukrainiens la tenue d'enquêtes favorables à sa réélection en utilisant comme levier une aide militaire, qui a été gelée pendant près de deux mois.

Au centre de l'affaire révélée par la plainte d'un lanceur d'alerte, l'entretien téléphonique que le président Trump a eu avec son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, le 25 juillet 2019.

Et maintenant?

Nancy Pelosi, devant un portrait du président George Washington, entourée de six leaders démocrates.

À l'issue du vote, la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, accompagnée de membres du leadership démocrate, a tenu une conférence de presse.

Photo : Reuters / Tom Brenner

Au cours de la conférence de presse ayant suivi les votes, la présidente de la Chambre a précisé qu'elle attendrait avant de transférer officiellement le dossier devant le Sénat, où doit se dérouler le procès au début de l'an prochain.

À un journaliste qui lui demandait si elle enverrait les chefs d'accusation devant le Sénat, elle a semblé indiquer qu'elle pourrait ne pas le faire.

Ça aurait été notre intention, mais on verra ce qui se passera là-bas, a-t-elle répondu, ajoutant que les démocrates n'avaient jusqu'ici rien vu qui leur semblait équitable.

Interviewé sur les ondes de Fox News la semaine dernière, le leader de la majorité républicaine du Sénat, Mitch McConnell, a parlé d'une coordination totale avec les avocats de la Maison-Blanche.

Il a aussi fermé la porte à la requête de son vis-à-vis de la minorité démocrate, Chuck Schumer, de convoquer quatre témoins clés qui ont refusé de témoigner devant les comités de la Chambre responsable de l'enquête en destitution, comme l'ancien conseiller à la sécurité nationale John Bolton ainsi que le chef de cabinet de la Maison-Blanche par intérim, Mick Mulvaney.

M. McConnell et un autre sénateur républicain, Lindsay Graham, ont en outre admis qu'ils ne seraient pas des jurés impartiaux.

Selon CNN, Mitch McConnell annoncera d'ici la fin de la semaine la date choisie pour le début du procès.

Pour que la procédure aboutisse à la destitution de Donald Trump, il faudrait qu'une majorité des deux tiers des 100 sénateurs approuve au moins l'un des chefs d'accusation. Les républicains ayant jusqu'ici fait bloc derrière le président, ce scénario apparaît fort peu probable.

Un vote prévisible et largement partisan

Lors des votes de la Chambre, le représentant indépendant Justin Amash, qui a quitté le Parti républicain dans la foulée du rapport Mueller sur l'ingérence de la Russie dans la présidentielle de 2016, s'est joint aux 229 démocrates qui ont estimé que le président Trump s'est rendu coupable d'un abus de pouvoir.

Les 195 républicains présents sont restés soudés au président Trump. Comme prévu, deux démocrates – Collin Peterson et Jeff Van Drew – ont rejeté ce chef d'accusation.

Les résultats pour le vote sur l'entrave au travail du Congrès ont été similaires; un troisième démocrate, Jared Golden, a cependant voté avec les républicains.

Collin Peterson est dans un district remporté par Donald Trump avec une marge de 31 points, et Jeff Van Drew s'apprête à faire défection pour rallier les républicains. Il s'agirait davantage d'une décision opportuniste, puisque les sondages internes montrent que les électeurs démocrates de son district, refroidis par son opposition à l'enquête, comptaient le chasser dans les primaires de l'an prochain.

La candidate à l'investiture démocrate Tulsi Gabbard a seulement voté « présente » pour les deux chefs d'accusation.

Des débats qui n'ont infléchi aucune opinion

Un passant prend en photo un écran dans une rue.

La présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a affirmé ne pas avoir le choix d'ouvrir le débat sur la mise en accusation du président Trump.

Photo : Reuters / Shannon Stapleton

Au cours d'un débat en deux parties qui aura duré 12 heures, avec des mots parfois très durs, les deux camps se sont affrontés à coups de plaidoyers qui n'ont pas réussi à infléchir les opinions de leurs adversaires.

Lors de l'ouverture du débat sur le fond, Nancy Pelosi a appelé les représentants à se tenir debout pour lutter contre l'anarchie et la tyrannie, comparant le président à une menace continue pour notre sécurité nationale et l'intégrité de nos élections.

Malheureusement, la vision d'une république de nos fondateurs est aujourd'hui menacée par les actions de la Maison-Blanche, a-t-elle déclaré d'emblée, prenant la parole à côté d'une affiche mettant en exergue un extrait du serment d'allégeance au drapeau américain.

Il est tragique que les actions irresponsables du président rendent la mise en accusation nécessaire. Il ne nous a pas laissé le choix.

Une citation de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants

Plusieurs de ses collègues ont d'ailleurs insisté pour dire qu'ils n'étaient pas venus à Washington pour mettre un président en accusation.

Les démocrates ont l'un après l'autre fait le procès d'un président accusé d'avoir abusé de son pouvoir, certains appelant leurs adversaires à mettre le pays avant le parti et à écouter leur conscience.

Nous avons un président qui semble croire qu'il est un roi ou au-dessus de la loi, a lancé le démocrate James Clyburn, qui a promis, à l'instar de plusieurs de ses collègues, de respecter son serment à l'égard de la Constitution.

Ce message – personne n'est au-dessus de la loi – a d'ailleurs été repris par plusieurs démocrates.

D'autres ont évoqué l'héritage qu'ils laisseront aux générations futures.

C'est un moment qui sera mentionné dans vos livres d'histoire. Aujourd'hui, je voterai pour mettre en accusation le président des États-Unis, et je veux que vous sachiez pourquoi, a déclaré le démocrate Joseph Kennedy, disant s'adresser à ses enfants. Il a enfreint nos lois. Il a menacé notre sécurité. Il a abusé de la fonction la plus haute et la plus sacrée de notre pays. Je veux que vous sachiez que je ne le fais pas de gaieté de cœur.

Les républicains unis derrière le président

Le Capitole à la tombée du jour

La Chambre des représentants a tenu un vote historique.

Photo : Reuters / Joshua Roberts

C'était un tout autre son de cloche du côté des républicains, qui se sont d'un bloc portés à la défense d'un président qui n'a pas violé la loi.

Plusieurs ont accusé les démocrates d'avoir voulu destituer Donald Trump dès son arrivée au pouvoir, en affirmant que ceux-ci visaient à annuler le résultat de la présidentielle de 2016.

L'un d'eux, Drew Ferguson, a défendu les électeurs qui ont levé leur majeur politique collectif pour élire Donald Trump. Quand on assèche le marécage, le marécage se défend, a-t-il dit, évoquant un des messages véhiculés en 2016 par le candidat républicain à la présidence.

Le vote d'aujourd'hui ne concerne qu'une seule chose : ils détestent ce président, a renchéri Chris Stewart.

La seule chose dont le président Trump est coupable, c'est d'avoir battu Hillary Clinton. Les démocrates refusent d'accepter cette défaite, a pour sa part répété Jim Jordan, l'un des plus ardents défenseurs du président.

Certains d'entre eux ont en outre rivalisé de comparaisons pour critiquer un processus qualifié entre autres de partisan, de bidon et de risible.

Mike Kelly a par exemple parlé d'une date qui restera marquée par l'infamie, allusion à un discours du président américain Franklin Roosevelt sur l'attaque du Japon contre Pearl Harbor. Un deuxième, Barry Loudermilk, a invité Jésus-Christ dans le débat.

Au cours de ce simulacre de procès, Ponce Pilate a accordé plus de droits à Jésus que les démocrates n'en ont accordé à ce président et à ce processus.

Une citation de Barry Loudermilk, représentant républicain de Georgie

Plusieurs républicains ont retourné l'accusation d'abus de pouvoir contre les démocrates, du même souffle accusés de vouloir influencer les élections de 2020.

En matinée, les travaux ont commencé avec un autre débat, d'une durée d'une heure, consacré aux règles encadrant le débat sur la mise en accusation. La procédure a elle aussi été adoptée selon des lignes partisanes, les deux démocrates qui ont ensuite rejeté les deux chefs d'accusation votant toutefois avec les républicains.

Ces derniers ont par ailleurs échoué à faire adopter, dès les premières minutes, une motion visant à ajourner les travaux et une autre, subséquente, pour condamner la gestion de l’enquête en destitution par les démocrates.

Ils n'ont pas davantage réussi à allonger la durée des débats.

Dans une série de tweets où se sont multipliés les points d'exclamation et les majuscules, le président Trump avait de son côté, pendant la journée, vilipendé les démocrates et clamé son innocence.

Pouvez-vous croire que je serai mis en accusation aujourd'hui par la gauche radicale [...] ALORS QUE JE N'AI RIEN FAIT DE MAL!, a-t-il écrit.

C'EST UNE ATTAQUE CONTRE L'AMÉRIQUE, ET UNE ATTAQUE CONTRE LE PARTI RÉPUBLICAIN!!!!

Une citation de Donald Trump, président des États-Unis
  • Sophie-Hélène Lebeuf

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