Envoyé spécial
COP25 : les héros du climat

Nina Gualinga, leader autochtone Kichwa de la communauté de Sarayaku en Amazonie équatorienne.
Photo : Radio-Canada / Étienne Leblanc
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le combat pour le climat se fait au jour le jour. Des citoyens s'activent au quotidien pour lutter contre les changements climatiques. Ils sont militants, autochtones, scientifiques, économistes, écologistes ou avocats. Ils tentent à leur façon de répondre à l'urgence climatique et de mettre de la pression sur les décideurs politiques afin d'accélérer l'action. Notre envoyé spécial à la COP25 à Madrid en a rencontré quelques-uns.
Maurice Mokulu, directeur de l'ONG Visaco, qui forme des brigadiers forestiers afin de protéger la forêt en République démocratique du Congo (RDC), la deuxième plus grande forêt tropicale au monde après l'Amazonie.
La meilleure façon de lutter contre les changements climatiques, c'est de lutter contre la pauvreté. Si les paysans de la RDC coupent la forêt, c'est parce que c'est leur seul moyen de subsistance. Si on les aide à sortir de la pauvreté, ils arrêteront de couper les arbres.
Hanan Mutwakil, chargée de mission au bureau du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au Soudan.
« Le plus grand défi climatique, c'est la pauvreté. La vaste majorité des Soudanais qui vivent en région rurale dépendent de l'agriculture pour vivre. Les changements climatiques bouleversent leur mode de subsistance, leur mode de vie. »
David R. Boyd, Canadien, émissaire spécial des Nations unies pour les Droits de l'homme et l'Environnement. L'été dernier, il est allé aux îles Fidji après le passage du cyclone Winston, un voyage qui l'a transformé.
« Certains endroits, qui étaient jusqu'à récemment de véritables paradis terrestres, ont dû évacuer en raison de la montée des eaux et de la pénétration de l'eau salée dans les terres. Le passage de puissants cyclones ces dernières années a transformé des villes en bidonvilles, où la matière fécale flotte dans les mares d'eau. Fidji a aujourd'hui un des taux de choléra les plus élevés au monde. C'est la raison pour laquelle les changements climatiques sont une grande menace aux droit humains ».
Alexandria Villasenor, 14 ans, militante, surnommée la « Greta Thunberg » des États-Unis.
Après avoir rendu visite à sa famille en Californie en pleine période de feux de forêt en 2018, elle souffre d'asthme. Inspirée par la célèbre militante suédoise, elle manifeste tous les vendredis devant le siège social des Nations unies à New York depuis le 14 décembre 2018 pour dénoncer l'inaction climatique.
Les enfants sont ceux qui souffriront le plus longtemps des effets des changements climatiques. Les dirigeants de la planète ne prennent pas les actions nécessaires, car les émissions de gaz à de serre (GES) augmentent sans cesse. Nous les tenons pour responsables.
Scott Gilmore, avocat travaillant dans le grand cabinet Hausfeld. Il a aidé 16 adolescents à saisir le Comité des droits de l'enfant des Nations unies, chargé de surveiller la Convention relative aux droits de l'enfant, pour dénoncer les politiques climatiques de sept États, dont le Canada, la Norvège, la France et l'Allemagne.
Il faut tenir les leaders climatiques de la planète pour responsables, car si des pays comme la France ne veulent pas mettre en place des politiques qui répondent à ce que nous dit la science, pourquoi les autres pays le feraient-ils? C'est une question de respect de la vie au regard d'une convention internationale pour le respect des droits de la personne.
Nkosilathi Nyathi, 16 ans, militant pour le climat au Zimbabwe
« Nos dirigeants sont dix ans en retard sur la réalité. Ils ont besoin de nous, nous avons besoin d'eux. Ils doivent nous écouter davantage, entendre ce que les jeunes, qui vont vivre avec les changements climatiques au cours de leur vie, ont à dire. Nous portons une réalité qu'ils doivent reconnaître ».
Caroline Brouillette, experte en changements climatiques chez Équiterre. C'est elle qui remplace Steven Guilbeault, qui occupait ce poste avant de se lancer en politique.
« Le problème du Canada, c'est que c'est un acteur collaboratif, qui joue un rôle important à l'international, mais à la maison, malheureusement, on n'adresse pas l'éléphant dans la pièce, qui est l'expansion continue du secteur pétrolier et gazier. On ne peut pas se targuer d'être un leader climatique et de continuer à favoriser cette industrie-là ».
Léa Ilardo, étudiante à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke, co-porte-parole du collectif « La planète s'invite à l'Université » et l'une des organisatrices de la grande manifestation pour le climat le 27 septembre à Montréal, où des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue.
Il y a un tel décalage entre ce que les jeunes demandent, entre ce que la société civile réclame, et ce qui se passe dans les négociations. On a vraiment l'impression que les décideurs politiques ne ressentent pas du tout l'urgence climatique qui nous est décrite par la science. C'est vraiment très démoralisant.
Nina Gualinga, leader autochtone Kichwa de la communauté de Sarayaku dans l'Amazonie équatorienne, Équateur
Les peuples autochtones sont en première ligne de la crise climatique. Les compagnies pétrolières qui sont responsables du problème climatique viennent détruire nos terres pour exploiter les ressources pétrolières. Notre peuple a toujours protégé ces terres et laissé les énergies fossiles dans le sol, c'est là que se trouve la solution. On ne peut pas lutter contre les changements climatiques sans respecter les droits des autochtones.
Hector Martin Manchi, Association régionale des peuples autochtones de la Selva Central, Pérou.
Notre plus grand défi, c'est la préservation de la biodiversité. La perte des animaux, de la flore, des plantes médicinales, des rivières, etc. Les pays développés veulent exploiter notre territoire. Mais nous poursuivons la résistance pour assurer notre existence.
Jean Jouzel, climatologue français de renommée mondiale, conseiller de multiples gouvernements français et pionnier qui a commencé à faire de la recherche sur les anomalies climatiques dans les années 1970.
Mon regret, c'est de ne pas avoir eu de Greta Thunberg dans les années 2000, parce que justement, on n'a pas réussi à se faire entendre. L'alerte a déjà été donnée il y a une trentaine d'années, mais on n'a pas réussi à se faire entendre.
Yamide Dagnet, Guadeloupéene, ingénieure chimique de formation, chercheuse au World Resource Institute, un des plus gros groupes de réflexion américains sur la question climatique et énergétique, situé à Washington.
La question des changements climatiques affecte tout le monde. De fait, je ne peux même pas partager avec le reste de ma famille la moitié de ce que je vois dans mes recherches tellement c'est déprimant, tellement c'est brutal. On est au bord du gouffre et on continue à se diriger et à vouloir tomber dans ce gouffre. C'est encore plus viscéral quand on a des enfants.