La Terre était instable avant l’extinction des dinosaures
L’activité volcanique a rejeté d'énormes quantités de CO2 dans l'atmosphère, ce qui a mené à une acidification des océans de la planète.

Les dinosaures n'ont pas survécu à la chute d'un important astéroïde il y a 66 millions d'années.
Photo : iStock / serpeblu
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
L’analyse de coquillages mis au jour en Antarctique confirme que l’écosystème terrestre ne se portait pas très bien avant l'impact de l'astéroïde qui a mené à la disparition à grande échelle d'espèces animales et végétales.
Les chercheurs américains Benjamin Linzmeier et Andrew D. Jacobson de l’Université Northwestern de Chicago ont analysé pour la première fois la composition isotopique du calcium des coquilles de palourdes et d'escargots fossilisés remontant à l'extinction massive du Crétacé-Paléogène.

Un chercheur tient une coquille fossilisée de palourde, prélevée à l'île Seymour, en Antarctique.
Photo : Université Northwestern
Leurs analyses montrent que, dans la période précédant l'extinction, la chimie des coquillages s'est modifiée en réponse à une importante poussée de carbone dans les océans.
Selon les géoscientifiques, cet afflux de carbone est fort probablement lié aux éruptions qui se sont déroulées pendant des milliers d’années dans les trapps du Deccan, une région volcanique correspondant en gros à l’actuel territoire de l’Inde.
Nos données suggèrent que l'environnement changeait avant l'impact de l'astéroïde, et que ces changements étaient liés à l'éruption des trapps du Deccan.
Ainsi, au cours des années qui ont précédé l'impact de l'astéroïde, ces trapps ont rejeté d'énormes quantités de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère, ce qui a mené à une acidification des océans de la planète qui a grandement affecté les organismes qui y vivent.

Une coquille fossilisée d'escargot.
Photo : Université Northwestern
Une planète stressée
Il est clair que la Terre était sous pression avant l'extinction massive majeure
, estime Andrew D. Jacobson.
L'impact de l'astéroïde coïncide avec une instabilité préexistante du cycle du carbone.
De précédentes études avaient déjà exploré les effets potentiels des éruptions volcaniques, dont celles des trapps du Deccan, sur l'extinction massive des espèces qui a eu lieu à ce moment, en analysant différents sédiments à l’aide de traceurs chimiques.
Les présents travaux sont les premiers à se concentrer sur des organismes spécifiques, ce qui, selon les chercheurs, permet d’obtenir un portrait plus précis de la chimie océanique de l’époque.
Les coquilles se développent rapidement et leur croissance est fortement liée à la chimie de l'eau
, explique Benjamin Linzmeier.
Et comme la vie de ces animaux est habituellement de courte durée, chaque coquille représente une photo instantanée de la chimie de l'océan à ce moment.
Les coquilles d'animaux marins sont principalement composées de carbonate de calcium, le même minéral qui se trouve dans la craie et le marbre.
Il faut savoir que le CO2 qui se trouve dans l'eau dissout le carbonate de calcium, et qu’il affecte fort probablement la composition de la coquille sans la dissoudre.

Un chercheur de l'Université Northwestern se tient sur la formation de Lopez de Bertodano, une région bien préservée et riche en fossiles de l'île Seymour en Antarctique.
Photo : Université Northwestern
Des empreintes du passé
L’équipe de recherche a analysé des coquillages prélevés dans la formation de Lopez de Bertodano, une région bien préservée et riche en fossiles de l'île Seymour, en Antarctique, à l’aide d’une technique qu’elle a elle-même créée, qui lui permet de séparer le calcium des autres éléments des coquillages, pour ensuite l'analyser avec un spectromètre de masse.
Nous pouvons mesurer les variations des isotopes du calcium avec une grande précision. Des variations isotopiques qui sont en quelque sorte des empreintes digitales qui nous aident à comprendre ce qui s'est passé.
Le résultat de ce travail a permis de découvrir des informations pour le moins surprenantes.
Nous nous attendions à trouver des changements dans la composition des coquilles, mais nous avons toutefois été surpris par la rapidité avec laquelle ces changements se sont produits
, poursuit M. Linzmeier.
Nous avons aussi été surpris de ne pas observer plus de changements associés au moment même de l'extinction.

Un fossile, prélevé en Antarctique, dans un laboratoire de l'Université Northwestern.
Photo : Université Northwestern
Le passé dans le futur
Le fait de comprendre comment la Terre a réagi par le passé au réchauffement extrême et à l’augmentation du CO2 peut, selon les chercheurs, nous aider à nous préparer à la façon dont la planète réagira aux changements climatiques actuels causés par l'humain.
Dans une certaine mesure, nous pensons que les anciens phénomènes d'acidification des océans sont indicateurs de ce qui se passe actuellement avec les émissions anthropiques de CO2.
Peut-être pouvons-nous utiliser ce travail comme un outil pour mieux prédire ce qui pourrait se passer à l'avenir. Le système terrestre est sensible aux ajouts importants et rapides de CO2, et les émissions actuelles auront des conséquences environnementales
, conclut M. Jacobson.
Le détail de ces travaux est publié dans la revue Geology (Nouvelle fenêtre) (en anglais).