Comment concilier usage et protection du territoire aux Îles?
Lever de soleil aux Îles-de-la-Madeleine
Photo : Radio-Canada / Jean-François Deschênes
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Pour les Madelinots, la notion de territoire revêt une signification bien concrète. Comme l’espace est limité, la possibilité pour eux de jouir des beautés du territoire en toute liberté entre parfois en conflit avec la nécessité de protéger les milieux naturels, de plus en plus vulnérables.
Toutefois, les organismes environnementaux comme Attention FragÎles, le Comité ZIP et la Société de conservation des Îles-de-la-Madeleine font des progrès dans leurs efforts de conciliation entre les usages du territoire et sa protection.
Par exemple, les critiques reviennent régulièrement sur les réseaux sociaux, à propos de la circulation des VTT, qui se fait été comme hiver.
Toutefois, une collaboration entre Attention FragÎles et le Club de VTT, qu’on aurait crue impossible il y a 10 ans, a permis d’importantes avancées.
Depuis cinq ans environ, les deux organismes travaillent de concert pour en arriver à ce que les quadistes puissent continuer à pratiquer leur activité tout en limitant les conséquences sur l’environnement.
Il y a de l’espoir, selon la directrice générale d’Attention Fragîles, Marie-Ève Giroux. Avant, les perceptions étaient différentes, mais peu à peu, on s’est rapprochés
, raconte-t-elle.
On n’est pas dans une approche "cloche de verre"
, ajoute-t-elle. On travaille en concertation. La seule façon de protéger le territoire, c’est de s’assurer que les gens qui l’utilisent comprennent les impacts environnementaux de leur activité, qu’ils voient localement comment on peut améliorer les choses avec un aménagement adéquat.
« On n’a pas d’arrière-pays ici. Il n’y a aucun endroit qui n’est pas utilisé et des aires protégées, il y en a à peu près partout. »
Une autre donnée vient compliquer les choses. Des habitats ont été désignés dans le passé, mais c’est resté sur papier
, dit-elle. Certains secteurs relèvent du fédéral et d’autres, du provincial. Parfois, ça fait longtemps et les gens en ignorent les limites et ne savent plus pourquoi ils sont protégés.
Elle cite en exemple des projets menés à la Pointe-de-l’Est où il y a deux aires protégées, une de juridiction fédérale et l’autre, provinciale.
On s’est rendu compte qu’il y avait 300 km de traces de sentiers qui passaient dans des aires protégées et on a réussi à réduire ça à un réseau de 30 km, officiel et balisé
, mentionne Marie-Ève Giroux. Si les gens respectent ça, on arrive à réduire l’impact. C’est le genre d’approche qu’on veut travailler.
« Des fois, il y a des conflits d’usage. On essaie toujours de voir comment les gens peuvent cohabiter sans se nuire et sans nuire à l’environnement. »
De 1200 à 1300 VTT aux Îles
Président du Club de VTT des Îles-de-la-Madeleine depuis deux ans, Pierre Desjardins dit consulter Attention Fragîles ou le Comité ZIP chaque fois que des travaux doivent être effectués. Mes prédécesseurs ont développé le réflexe
, dit-il. Aujourd’hui, quand j’ai besoin d’information, je me fie à eux. Ils sont au courant de toutes les problématiques.
Le Club compte actuellement plus de 400 membres, précise le président, un chiffre appelé à augmenter en ce début de saison. Selon lui, il y aurait de 1200 à 1300 VTT aux Îles. Les adeptes disposent de 125 km de sentiers. On peut circuler sur les plages seulement l’hiver
, mentionne-t-il. L’été, il faut une remorque pour transporter les véhicules d’une île à l’autre.
Selon M. Desjardins, la plupart des quadistes respectent les règlements. Mais on n’a aucun contrôle sur ceux qui ne sont pas membres. Aussi, des fois il y a des jeeps, des fois des motoneiges ou des motocross qui passent sur des terres où le club a droit de passage. C’est déjà arrivé que des propriétaires [n'aiment pas] ça et que le club [perde] ses privilèges après, à cause de ça
, explique-t-il.
Quand il y a des conflits, le Club peut servir de médiateur. Des fois il y en a qui viennent nous voir. Tout le monde se connaît ici. Ils ne veulent pas chiâler directement contre le voisin pour pas partir de chicane
, indique M. Desjardins.
Le club travaille aussi avec le Comité ZIP pour la protection des milieux humides et la construction et réparation de ponceaux.
Une ambiance de confrontation pendant longtemps
Selon le directeur de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme aux Îles-de-la-Madeleine, Serge Bourgeois, la collaboration entre le Club VTT et Attention FragÎles est exceptionnelle. J’étais là dès les premières rencontres et c’était un esprit de confrontation
, se souvient-il.
C’est très sensible comme activité par rapport aux conflits que ça peut amener
, estime le directeur.
La Municipalité travaille avec les trois organismes environnementaux. Aujourd’hui, on ne pourrait pas s’en passer
, dit-il.
Il n’y avait pas nécessairement de surveillance sur le territoire, rappelle-t-il. On s’est dotés d’un règlement sur la circulation de véhicules hors route, il y a quelques années. Ça n’a pas réglé tous les problèmes, mais ça a permis de mettre en place un cadre, selon lui.
Malheureusement, il reste toujours des récalcitrants
, déplore M. Bourgeois. Le problème qu’on a, c’est dans les moyens de faire appliquer les règles.
« Avec l’érosion des berges et les changements climatiques, je peux vous dire qu’on a besoin de se concerter parce qu’on n’est pas sortis de l’auberge. »
Serge Bourgeois ajoute que la création d’un parc régional à partir des terres publiques fait partie des projets de la Municipalité.
Un vaste projet pour Attention FragÎles
Récemment, Attention FragÎles se voyait octroyer 700 000 $ d'Environnement et Changement climatique Canada pour un projet de protection des espèces en péril.
L’organisme souhaite mener son projet dans le même esprit de collaboration avec la communauté. Ce qui est différent avec ce projet-là
, souligne Marie-Ève Giroux, c’est qu’au lieu d’avoir un financement pour un projet qui est ponctuel pour une année, là on a vraiment quelque chose qui est sur l’ensemble du territoire, avec tous nos partenaires. On veut voir ce qui est important, ce qui doit être protégé localement, dans quelle mesure chacun peut agir et ajuster sa façon de faire.
Entre autres, une tournée des villages est prévue pour voir comment chacun pourrait collaborer. On veut établir un portrait de la situation pour que les gens saisissent bien les enjeux, indique l’environnementaliste.
Les résultats sont attendus à plus long terme, mais elle a bon espoir de voir la collectivité madelinienne arriver au but.