Environnement : le plan de Doug Ford ne tient pas la route, selon la vérificatrice

Le plan environnemental du gouvernement Ford manque de crédibilité, selon la vérificatrice provinciale.
Photo : Reuters / Peter Andrews
Les « principaux aspects » du plan du gouvernement ontarien pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) ne s’appuient pas sur des « preuves solides », soutient la vérificatrice provinciale, qui conclut que le plan ne « permettra vraisemblablement pas d’atteindre » les cibles fixées.
Selon le rapport de Bonnie Lysyk dévoilé mercredi, les progressistes-conservateurs de Doug Ford comptent des réductions de GES liées à des programmes qu’ils ont annulés et calculent en double ou « surestiment » l’effet d’autres initiatives dans leur plan environnemental présenté en novembre 2018.
Par exemple, le ministère de l’Environnement suppose que le nombre de véhicules électriques augmentera de plus de 3000 % en Ontario d’ici 2030, en dépit du fait que le gouvernement a annulé les mesures incitatives à l’achat de ces véhicules et à l’installation de bornes de recharge électrique.
Dans son rapport annuel, la vérificatrice conclut que les différentes initiatives du plan, déjà vivement critiqué par les environnementalistes, permettraient de « concrétiser » une baisse de 6,3 à 13 mégatonnes des émissions d’ici 2030, plutôt que les 17,6 mégatonnes prévues par la province.
« Le Ministère a reconnu qu’il doit élaborer, peaufiner et mettre à jour le plan à l’aide d’un modèle intégré afin d’estimer avec plus de précision les baisses associées aux initiatives de réduction des émissions. »
Ce rapport accablant de la vérificatrice générale survient alors que le premier ministre ontarien se bat devant les tribunaux contre Justin Trudeau et la taxe carbone que le fédéral a imposée à l'Ontario, après que M. Ford eut sorti sa province du marché du carbone avec le Québec.
La vérificatrice de l'Ontario révèle aussi :
- Le plan vert de Doug Ford estime que « l’innovation future » permettra de réduire les émissions de 2,2 mégatonnes d’ici 2030, sans fournir d’information à l’appui.
- La province se fonde sur une « note de service interne » de l’agence Metrolinx remontant à 2015 pour prédire que l’expansion du transport en commun mènera à une baisse de 0,1 mégatonne des émissions d’ici 2030.
- Le gouvernement s’appuie sur un scénario « hypothétique » de l’Association de l’énergie de l’Ontario pour prédire qu’un grand nombre de camionneurs adopteront le gaz naturel comprimé plutôt que le diesel, menant à une baisse des émissions de 0,2 mégatonne d’ici 2030.
- Le gouvernement compte en double les réductions d’émissions liées à des programmes de conservation du gaz naturel.
- Les ministères prennent des décisions en « vase clos » qui « risquent de miner les efforts de réduction des émissions », comme l’élimination dans le Code du bâtiment de l’exigence d’avoir des bornes de recharge des véhicules électriques sur les lieux de travail.
Les dossiers environnementaux étaient par le passé dans le giron du commissaire provincial à l'environnement, mais Doug Ford a aboli ce poste le printemps dernier, confiant la responsabilité à la vérificatrice générale.
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Des réactions
Pour le groupe Environmental Defence, le rapport de la vérificatrice « confirme » que le plan environnemental du gouvernement Ford n'est pas « crédible » et mine les efforts d'Ottawa d'atteindre ses cibles de réduction des GES en vertu de l'Accord de Paris.
« L'actuel gouvernement de l'Ontario ne fait pas que tarder à agir en matière de changement climatique, il bloque tout mouvement véritable. »
Pour sa part, la chef de l'opposition néo-démocrate, Andrea Horwath, accuse le gouvernement d'ignorer la « crise climatique » actuelle.
« [Doug] Ford condamne les familles ontariennes à faire face à encore plus d'inondations, de tempêtes, de tornades et de feux de forêt en ignorant les preuves scientifiques [sur les changements climatiques]. »
Des aliments périmés dans les foyers
Le rapport de la vérificatrice Lysyk relève une panoplie d’autres ratés dans le fonctionnement des ministères et dans les services provinciaux.
Par exemple, trois des cinq centres de soins de longue durée qui ont fait l’objet de vérification détaillée utilisaient certains aliments périmés. L’un de ces foyers a même servi des œufs liquides périmés depuis trois mois.
Mme Lysyk ajoute que la sécurité des patients fait parfois défaut dans les hôpitaux.
Ainsi, environ 67 000 patients par année subissent un « préjudice » durant leur séjour à l'hôpital, comme l'oubli d'un corps étranger à l'intérieur du patient lors d'une chirurgie.
Par ailleurs, des infirmières congédiées pour incompétence sont parfois réembauchées par d'autres hôpitaux, raconte la vérificatrice, ce qui pose un « risque pour la sécurité des patients ».
Mme Lysyk constate également que le nombre de décès, de visites à l'urgence et d'hospitalisations liés aux opioïdes continue d'augmenter, malgré l'investissement de 134 millions de dollars par le gouvernement d'août 2017 à mars 2019. Plus de quatre Ontariens par jour sont morts à cause des opioïdes en 2018 comparativement à environ deux, en 2016.
Le Ministère n'affecte pas de fonds aux programmes de traitement des dépendances en fonction des besoins
, indique le rapport.
La vérificatrice fait aussi état d'un manque de « transparence » de la part des hippodromes de la province, qui ont reçu environ 500 millions de dollars d'aide gouvernementale au cours des 5 dernières années. Sur les 15 hippodromes de la province, souligne Mme Lysyk, un seul affiche ses états financiers sur son site web.