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Révolution en vue dans le recyclage du plastique

Le recyclage du plastique s'apprête à faire des bonds de géants grâce à des entreprises d'ici qui misent sur la chimie.

Des matières recyclables dans un ballot.

Chaque année, on produit de 300 à 400 millions de tonnes de plastique à travers le monde.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

L’humanité croule sous le plastique : chaque année, nous en produisons l’équivalent de notre propre poids, pour un total de 300 à 400 millions de tonnes. La quasi-totalité de ce plastique finira au dépotoir, soit parce qu’il est impossible à recycler, soit qu’il n’y a aucun débouché économiquement viable.

Or, une nouvelle méthode, à laquelle travaillent des entreprises québécoises, promet d’améliorer ce bilan peu enviable, rapporte Découverte.

Le plastique doit son succès à son extraordinaire polyvalence. On peut en faire un matériau ultraléger comme la mousse de polystyrène, hyper résistant comme le kevlar ou extrêmement durable comme le caoutchouc synthétique.

Mais ces qualités deviennent ses pires défauts en fin de vie, car il existe des centaines de recettes de plastique différentes, qui ne se recyclent pas toutes aussi facilement.

Les limites du recyclage mécanique

Dans la méthode actuelle, dite de recyclage mécanique, le plastique sert de matériau pour fabriquer de nouveaux produits.

Par le biais de la collecte sélective, on récolte pèle-mêle les différents plastiques, qu’il faut ensuite trier selon le type de résine – les fameux logos 1 à 7 qui identifient les emballages –, puis par opacité ou par couleur, avant de le faire fondre pour lui donner une nouvelle forme.

Des ballots de matières recyclables au centre de tri de Montréal.

Des ballots de matières recyclables au centre de tri de Montréal.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Selon le produit qu’on désire en faire, le tri est plus ou moins sélectif.

Par exemple, pour un tuyau de drainage noir, il faut du plastique n°2, peu importe sa couleur d’origine.

D’autres applications sont beaucoup plus exigeantes, que ce soit en ce qui concerne la résistance aux impacts, aux produits chimiques ou à l’usure, ou tout simplement le contact avec des aliments.

Et c’est sans compter l’aspect visuel, comme la transparence des bouteilles d’eau ou la couleur associée à une marque en particulier.

L’écosystème actuel du recyclage doit donc composer avec un apport de plastique hautement diversifié et des exigences très précises pour le réutiliser.

Et il faut arrimer les deux de façon rentable, ce qui implique de fournir un matériau recyclé plus abordable qu’un plastique vierge issu de la pétrochimie, ce qui est particulièrement difficile quand le prix du pétrole diminue.

Résultat, la plupart des plastiques sont recyclés en produits de moindre valeur, comme les bouteilles transparentes qui sont transformées en fibres synthétiques pour l’industrie du textile ou des tapis. Et, en général, cette deuxième vie des plastiques n’est elle-même pas recyclable.

Miser sur le recyclage chimique

Partout dans le monde, de jeunes entreprises cherchent donc à ouvrir un nouveau front, celui du recyclage chimique. Et le Québec n’y échappe pas, avec notamment Pyrowave et Loop Industries.

« Le recyclage chimique, ça apporte un vent de fraîcheur, une solution aux limitations actuelles du recyclage mécanique. »

— Une citation de  Jocelyn Doucet, cofondateur, Pyrowave

Prendre des produits de très haute qualité et les transformer en un produit de moins bonne qualité, nous, on appelle ça du « downcycling », explique pour sa part Daniel Solomita, fondateur de Loop Industries. La technologie Loop, ça permet d'aller dans l'autre sens, ajoute-t-il.

Pyrowave et Loop Industries misent toutes les deux sur le recyclage chimique, aussi appelé recyclage moléculaire, qui consiste à extraire du plastique les ingrédients de base qui ont servi à le fabriquer : les monomères.

Sur le plan de la chimie, tous les plastiques sont des polymères, c’est-à-dire de longues chaînes faites d’une ou deux petites unités qui se répètent à l’infini. C’est cette structure qui confère au plastique sa résistance.

De la machinerie dans une usine de recyclage.

Le plastique n°1 produit grâce au procédé de Loop pollue moins que celui qui est produit par l'industrie pétrochimique.

Photo : Radio-Canada / Danny Gosselin

Dans ses installations de Terrebonne, Loop Industries utilise un solvant et un catalyseur pour découper la structure chimique du PET, le plastique n°1 des bouteilles d’eau, de jus ou de boissons gazeuses.

S’ensuivent différentes étapes de filtration, d’évaporation et de condensation pour purifier les deux monomères, qui peuvent ensuite être assemblés à nouveau pour fabriquer du PET.

Ce plastique est identique à celui issu de la pétrochimie, mais moins polluant à fabriquer.

Le procédé permet de recycler des plastiques moins bien triés ou encore ceux qui contiennent des colorants, des charges minérales pour les rendre opaques ou tout simplement des restes d’aliments.

La dépolymérisation, ça brise la chaîne entre les deux monomères, on les sépare, et tous les déchets, les contaminants, les additifs et les couleurs, on les enlève, explique Daniel Solomita, qui compte même recycler les tapis et autres textiles synthétiques pour refaire du plastique vierge.

Les géants comme Coke, Danone et Pepsi, qui utilisent des millions de tonnes de plastique par année, ont signé des ententes d’achat avec Loop Industries. Et même si la première usine n’en produira que 40 000 tonnes par année, Loop y voit un premier pas prometteur et, surtout, une formidable occasion de croissance.

Et pourquoi pas un micro-ondes géant?

De la machinerie dans une usine de recyclage.

Les installations de Pyrowave permettent à la compagnie de recycler le polystyrène.

Photo : Radio-Canada / Danny Gosselin

Du côté de Salaberry-de-Valleyfield, l'entreprise Pyrowave utilise un autre outil pour ramener le plastique sous forme de monomères : un micro-ondes géant!

L’entreprise l’utilise pour faire chauffer très rapidement un mélange de polystyrène, le fameux plastique n°6, souvent boudé par les programmes de recyclage.

Jocelyn Doucet et Jean-Philippe Laviolette espèrent lui redonner ses lettres de noblesse, et Pyrowave compte elle aussi sur des partenaires majeurs dans l’agroalimentaire et la pétrochimie.

« On positionne notre technologie comme le chaînon manquant, donc ce qui permet de reconnecter le recyclage avec le chaînon du début, qui est la production. »

— Une citation de  Jocelyn Doucet, cofondateur, Pyrowave

Pyrowave a mis 10 ans à peaufiner sa recette pour le polystyrène, mais compte bien l’appliquer à d’autres plastiques qui ont des chimies semblables, comme les plastiques n°2, 4 et 5.

Certains de ces plastiques ont de la difficulté à trouver preneur, et sont parfois regroupés en ballots de plastiques mixtes qui sont exportés vers l’Asie, où on perd toute traçabilité.

Notre vision, à Pyrowave, ça a toujours été que le plastique mixte, c'est du pétrole... c'est du pétrole qui a été transformé! Et on ne penserait pas, par exemple, à retourner du pétrole dans le sol au même titre qu'on retourne du plastique dans les centres d'enfouissement, résume Jocelyn Doucet.

À terme, le recyclage chimique pourrait permettre d’extraire des ballots de plastiques mixtes les monomères qui ont servi à leur fabrication.

À l’image du pétrole brut qu’on raffine, le recyclage chimique produirait différents concentrés de monomères, plus faciles à séparer que ne le sont les plastiques sous leur forme rigide.

Le plastique est un fléau pour l'environnement.

Une plage jonchée de déchets à Jakarta, capitale de l'Indonésie.

Photo : Reuters / Willy Kurniawan

Un problème beaucoup plus vaste

Le recyclage chimique est une avenue prometteuse, mais il ne résoudra pas à lui seul la crise du plastique qui sévit en ce moment.

Il existe des centaines de recettes de plastique, dont certaines sont beaucoup plus difficiles à recycler et finissent directement à l’enfouissement.

Dans bien des pays en développement, il n’existe tout simplement pas de système de collecte pour le recyclage.

Plusieurs organisations non gouvernementales estiment ainsi que près de 90 % des déchets de plastique qui se retrouvent dans les océans proviennent de quelques-uns de ces pays, situés en Afrique et, surtout, en Asie.

Mais le principal enjeu, qui sous-tend tous les autres, c’est notre appétit insatiable pour le plastique.

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, la production de plastique a connu une croissance vertigineuse et les analystes prévoient que la demande pourrait encore tripler d’ici 2050.

L’humanité a donc tout intérêt à mieux recycler les différents plastiques.

Le reportage du journaliste Tobie lebel et de la réalisatrice et Hélène Morin sera diffusé à l'émission Découverte, sur ICI TÉLÉ dimanche à 18 h 30.

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