Comment les mille-pattes passent-ils si facilement de la marche à la nage?

Un mille-pattes de l'espèce Scolopendra subspinipes mutilans.
Photo : Université d'Ottawa
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les mécanismes qui permettent aux mille-pattes de passer d’une locomotion terrestre à un déplacement aquatique ont été décodés pour la première fois par des biologistes européens, japonais et canadiens.
Les animaux amphibies, qui comprennent aussi les salamandres et certains poissons, possèdent une capacité d'adaptation exceptionnelle.
Mais les mécanismes essentiels qui permettent cette aptitude à se déplacer aussi bien sur la terre que sur l'eau, en changeant en temps réel la coordination de leur corps, n’étaient pas tout à fait cernés.
Pour bien les comprendre, l’équipe internationale à laquelle participent des chercheurs de l'Université d'Ottawa s’est intéressée à une espèce de mille-pattes appelée Scolopendra subspinipes mutilans.
L’équipe, dirigée par le Japonais Akio Ishiguro de l'Université de Tohoku, est parvenue à décrire mathématiquement les mécanismes de transition entre la marche terrestre et la mobilité aquatique, et à reproduire exactement ces comportements à travers des simulations.
De la marche à la nage
Le mille-pattes possède une structure corporelle homogène et très segmentée qui facilite la visualisation des changements de comportement lors de son passage entre les milieux terrestres et aquatiques. Cette réalité fait de lui un excellent modèle animal.
Le Scolopendra subspinipes mutilans se déplace sur terre en coordonnant ses nombreuses pattes, mais lorsqu'il est mis à l'eau, il plie ses pattes et nage en ondulant le tronc de son corps comme une anguille.
Dans leurs travaux, les chercheurs ont observé la transition entre la marche et la nage chez des centipèdes intacts, et chez d’autres ayant subi une section des nerfs.
Au départ, les scientifiques ont émis l'hypothèse que les transitions entre les différents modes de locomotion dépendent d’une multitude de signaux, impliquant les interactions entre le système nerveux central, le système nerveux périphérique, le corps et l'environnement.
Ainsi, les commandes de marche ou de nage générées dans le cerveau sont transmises de segments à segments de la tête à la queue via des réseaux neuronaux distribués le long du corps et appartenant au système nerveux central.
Ces commandes peuvent recevoir un contre-ordre de la part du système nerveux périphérique par des signaux sensoriels ressentis par les pattes lorsqu'elles touchent le sol, faisant par exemple passer un segment de la nage à la marche.
C’est ce mécanisme à signaux multiples que les chercheurs ont décrit mathématiquement afin de reproduire le comportement des mille-pattes dans différentes situations, grâce à des simulations informatiques.
« La marche des mille-pattes peut être entièrement contrôlée par la rétroaction sensorielle locale des jambes, en l'absence du cerveau, alors que la nage exige des signaux du haut vers le bas du cerveau pour se produire. »
« Cela suggère deux rôles nettement différents de la rétroaction sensorielle pour la natation par rapport à la marche », explique la chercheuse.
« Cela ajoute de l'information sur la façon dont les systèmes nerveux des animaux peuvent intégrer et utiliser la rétroaction sensorielle pour afficher la locomotion fonctionnelle. »
Grâce à cette découverte, les chercheurs espèrent maintenant mieux comprendre le mécanisme essentiel qui sous-tend la locomotion des animaux.
Ces travaux pourraient même aider à mettre au point des robots capables de se déplacer dans divers environnements en modifiant avec souplesse les schémas de coordination corporelle
.
Le détail de ces travaux est publié dans la revue Scientific Reports (Nouvelle fenêtre) (en anglais).