Grève au CN : « On veut du propane », scandent des agriculteurs
« Il faut que M. Trudeau mette de la pression sur le CN [...] pour que le CN priorise le transport du propane » nécessaire au séchage des grains, insiste le président de l'UPA, Marcel Groleau.
Des agriculteurs touchés par le conflit au CN demandent au premier ministre Justin Trudeau de mettre de la pression sur l'entreprise ferroviaire pour qu'elle transporte du propane en priorité. Plusieurs d'entre eux transportent des sacs de maïs pour illustrer leur problème.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Des agriculteurs québécois ont manifesté devant le bureau de circonscription du premier ministre canadien Justin Trudeau pour lui demander d’intervenir dans le conflit de travail au Canadien National (CN).
Ils soutiennent que leur gagne-pain est compromis par la pénurie de gaz propane engendrée par la grève des 3200 employés du transporteur ferroviaire, qui entre dans sa septième journée.
Le propane est notamment utilisé pour chauffer des porcheries ou des poulaillers, mais aussi pour sécher des grains et des céréales, afin qu’ils puissent être entreposés sans risque de pourrir.
Répondant à un appel de l’Union des producteurs agricoles (UPA), plusieurs dizaines d'agriculteurs s'étaient donné rendez-vous lundi matin au complexe sportif Claude-Robillard.
Ils se sont rendus en fin d'avant-midi devant le bureau de circonscription du premier ministre Trudeau, situé à l’angle du boulevard Crémazie et de l’avenue Christophe-Colomb.
Plusieurs brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire garde-manger en danger
ou d'autres slogans du même ordre. On veut du propane
, ont-ils scandé sur leur route.
Nombreux sont ceux qui transportaient de petits sacs de maïs pour illustrer l'objet de leur désarroi. Leur contenu a finalement été versé devant le bureau de M. Trudeau.

Des agriculteurs québécois ont déversé des sacs de maïs devant le bureau de Justin Trudeau en signe de protestation, lundi à Montréal.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Si je récolte des grains qui sont humides, je vais avoir des toxines. Je ne peux pas donner ça à mes animaux après
, a expliqué une agricultrice inquiète de la tournure des événements. Donc, je dois racheter des grains que moi j’avais déjà fait pousser. Donc, pour moi, c’est sûr que c’est stressant.
Pas d'agriculteurs, pas d'agriculture. Pas d'agriculture, pas de nourriture. Quand il n'y aura plus de nourriture, vous allez voir, on ne sera peut-être pas les seuls dans la rue
, a prophétisé un autre.
Certains agriculteurs privés de propane qui ont manifesté devant les bureaux du premier ministre disent anticiper des pertes de 80 000 $, voire 100 000 $.
Le temps presse, dit Groleau
En entrevue à RDI matin, le président de l'UPA, Marcel Groleau, n'a pas demandé à ce que le gouvernement Trudeau adopte une loi spéciale pour forcer le retour au travail des grévistes.
Il assure que son syndicat ne souhaite pas s'immiscer dans le conflit de travail, et convient qu'une loi spéciale ne peut être adoptée avant le retour des députés fédéraux aux Communes, le 5 décembre.
« On est sur le qui-vive. C’est une situation qui est intolérable. Il faut que le gouvernement Trudeau, il faut que M. Trudeau mette de la pression sur le CN […] pour que le CN priorise le transport du propane. »
Selon M. Groleau, la situation est particulièrement difficile pour les producteurs de grains, qui doivent absolument récolter le fruit de leurs efforts dans les jours qui viennent.
Ce matin, probablement que plusieurs d’entre eux seraient en train de battre du maïs; ils ne le feront pas, ils ne pourraient pas le sécher
, a-t-il illustré.
La situation est moins dramatique pour les producteurs de viande, qui ont du propane à l'heure actuelle. Mais s’il arrivait un froid intense dans les prochains jours et que la consommation augmentait beaucoup, pendant combien de jours est-ce qu’on pourrait les approvisionner?
, demande-t-il.
Jusqu’à nouvel ordre, le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, n’a donné aucun signe qu'il entend s'immiscer dans ce dossier. Il a affirmé à plus d'une reprise la semaine dernière qu’il revient aux deux parties de trouver une entente.
Je peux vous assurer que [...] nous voulons une résolution le plus rapidement possible
, a-t-il affirmé en point de presse vendredi, après avoir assuré que son gouvernement comprend la gravité de la situation.
« Nous sommes d'avis que la façon la plus probable et la plus rapide de résoudre ce conflit est par la négociation collective. »
La ministre fédérale de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Marie-Claude Bibeau, a réitéré le même message lundi, après avoir rencontré des agriculteurs dans le cadre de la Canadian Western Agribition, à Regina.
Nous poussons très fort pour que les deux parties en arrivent à une entente dans les plus brefs délais
, a-t-elle dit.
Pas de progrès, malgré la poursuite des pourparlers
Les 3200 chefs de train, agents de train et agents de triage du CN représentés par la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC) débraient depuis le 18 novembre.
Leur convention collective est échue depuis le 23 juillet et les négociations en vue de son renouvellement achoppent sur les conditions de travail, notamment sur des enjeux de santé et de sécurité du travail.
Les deux bords continuent de négocier, mais à l’heure actuelle, on n’est pas plus proche d’une entente que lors du déclenchement de la grève
, a indiqué lundi le directeur des affaires publiques du syndicat, Christopher Monette.
« On veut arriver à une entente dès que possible, mais la balle est vraiment dans le camp de l’entreprise. »
Des employés fatigués, forcés de travailler, selon le syndicat
Lundi après-midi, le syndicat des Teamsters a publié un communiqué dans lequel le syndicat accuse la direction du CN
de forcer des employés à conduire des trains dans un état de fatigue avancé sous peine de suspension.Le syndicat a fourni avec ce communiqué un enregistrement audio d'une présumée conversation entre un chef de train et son supérieur qui lui demande de poursuivre son travail pendant encore plusieurs heures, même si le cheminot et son ingénieur de train avaient déjà effectué une dizaine d'heures de travail.
Le chef de train qui a refusé de déplacer le convoi a été suspendu sans solde pendant 14 jours, selon le communiqué.
Le syndicat souligne que cela illustre les problèmes de santé et sécurité que les travailleurs dénoncent au CN
.Dans un communiqué transmis aux médias, le CNse penche sur ce dossier
.
Le CN a proposé des solutions visant à mettre fin à la grève ou pour continuer les négociations sans nuire davantage à l’économie. La Compagnie a proposé au syndicat de retourner au travail et de soumettre les différends restants à l’arbitrage exécutoire volontaire, ce que le syndicat a refusé jusqu’à maintenant
, ajoute le communiqué du CN .
Le syndicat des Teamsters a déjà indiqué avoir rejeté une demande d'arbitrage exécutoire de la partie patronale, en affirmant que le CNréaliser des gains inatteignables par voie de négociation
.
Les conservateurs veulent une loi spéciale, mais pas le Bloc
Les agriculteurs qui manifestent ont l'appui du Bloc québécois et du Parti conservateur, qui ont des représentants sur place lundi.
Les deux partis divergent toutefois d'avis sur la voie à suivre; si les conservateurs pressent le gouvernement Trudeau d'adopter une loi spéciale pour forcer le retour au travail, les bloquistes s'y opposent fermement.
Selon le député conservateur Luc Berthold, rencontré sur place, les députés fédéraux auraient dû être convoqués la semaine dernière pour adopter une loi spéciale.
« Qu'on convoque immédiatement le Parlement. [...] Tous les partis doivent pousser M. Trudeau pour qu'on convoque le Parlement et qu'on adopte cette loi spéciale. »
Vendredi, il pourrait manquer de propane. Les producteurs qui sont ici sont désespérés [...] Il y en a qui ne savent plus quoi faire, il y en a qui sont vraiment désespérés, pas uniquement financièrement, mais psychologiquement
, fait-il valoir.
Les gens ont eu un automne épouvantable, et cette crise ajoute un niveau de stress qui est vraiment, pour eux, intolérable.
Selon la porte-parole du Bloc québécois en matière de travail, Louise Chabot, Ottawa devrait plutôt utiliser la voie réglementaire pour imposer des règles de sécurité accrues à la hauteur des attentes des travailleurs du CN
.
« C’est une façon légitime et nécessaire non seulement de priver le CN de sa position irresponsable à l’encontre des travailleurs et des Québécois, mais aussi de favoriser un règlement durable du conflit par la voie de la négociation. »
Mme Chabot soutient que les travailleurs du CN sont particulièrement sensibles aux enjeux de sécurité depuis le drame de Lac-Mégantic.
Son collègue Yves Perron, porte-parole du Bloc en matière d'agriculture, déplore pour sa part que les producteurs de grains aient été abandonnés, peut-être même utilisés
par Ottawa et les producteurs de pétrole de l'Ouest.
Il en veut pour preuve qu'aucun plan d'urgence n'a été mis en place, même si la date du déclenchement de la grève était connue.
Il est déplorable que l’Alberta en fasse un argument pour favoriser le développement d’un réseau de pipeline vers le Québec, et ce, en période de tension entre le Québec et l’Alberta sur les enjeux environnementaux des énergies fossiles
, a-t-il noté, en référence à des propos récents du premier ministre albertain, Jason Kenney.
Le ministre de l’Agriculture du Québec, André Lamontagne, rappelle pour sa part que François Legault s’est prononcé en faveur d’une loi spéciale, la semaine dernière.
J’écoutais le ministre des Transports, Marc Garneau, vendredi soir et il n’y avait aucune urgence dans ses propos
, a-t-il déploré dans une entrevue accordée à Radio-Canada.
« Il faut mettre toute la pression possible pour que le gouvernement fédéral intervienne. Il ne faut pas attendre qu’il y ait un règlement [...] car les gens n’ont pas l’air à discuter. »
Selon le ministre Lamontagne, la situation est urgente et son gouvernement fait tout ce qu'il peut pour faire venir du propane au Québec.
Avec la collaboration de Justine Cohendet