La comédienne Andrée Lachapelle s'éteint à 88 ans
Cette grande dame de la culture québécoise avait fait ses débuts à la télévision dans les années 1950.

La comédienne Andrée Lachapelle en 2012
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La comédienne Andrée Lachapelle est décédée jeudi après-midi à l'âge de 88 ans. Cette grande dame de la scène culturelle québécoise aura mis son talent au service de nombreuses productions au théâtre, à la télévision et au cinéma pendant près de 70 ans.
Atteinte d'un cancer, Mme Lachapelle a demandé l'aide médicale à mourir. Selon sa fille, elle est morte sereinement, entourée de sa famille et de ses proches.
Andrée Lachapelle a fait ses débuts à la télévision dans les années 1950, où sa grâce et son élégance ont tout de suite été remarquées.
Je trouvais que ma vie à moi était trop courte pour contenir toutes les vies que j'aurais voulu faire. C'était pour toucher à toutes sortes de personnages.
Dotée d'une grande générosité, elle a aussi donné beaucoup de son temps à différentes causes sociales et humanitaires.

Andrée Lachapelle en 1955
Photo : Henri Paul
Une femme forte et anticonformiste
Née dans un quartier ouvrier de Montréal, le 13 novembre 1931, elle a grandi dans une famille unie, avec six frères et sœurs. Elle a su très jeune qu'elle voulait devenir comédienne. À 7 ans, elle s'est inscrite à ses premiers cours de diction pour ensuite faire du théâtre amateur.
Cantonnée dans des rôles de femme fatale, névrosée ou bourgeoise, Andrée Lachapelle a été un long moment prisonnière de son image. Elle est toutefois parvenue à révéler son grand talent et son large registre dans des rôles surprenants. Elle a entre autres campé des rôles marquants comme Marie-Thérèse dans le téléroman Le temps d'une paix, Jeanne dans le film Cap Tourmente, réalisé par Michel Langlois, et Albertine dans la pièce Albertine en cinq temps, de Michel Tremblay.
Je ne me suis jamais prise au sérieux. C'est peut-être ce qui fait l'unanimité, parce que je ne me suis jamais sentie ni meilleure, ni supérieure, ni plus belle, ni plus fine.

Les moments forts d'une carrière exceptionnelle, avec Louis-Philippe Ouimet, et entrevue avec la réalisatrice Louise Archambault.
Photo : André Le Coz
Elle a eu trois enfants avec le comédien Robert Gadouas, sans jamais se marier. C’était épouvantable à l’époque! Si vous saviez le nombre de lettres de bêtises que j’ai reçues, me traitant de tous les noms. Ça me faisait de la peine, mais en même temps, je pense que je suis très libre. J’avais décidé que ma vie m’appartenait
, expliquait-elle à Franco Nuovo lors d'une entrevue aux Grands entretiens en février 2017.
La comédienne a été grandement affectée, en août 2016, par la mort du cinéaste André Melançon, son compagnon de vie depuis les années 1990. Les deux complices ont travaillé ensemble au cinéma et au théâtre. André, c'était mon agent, mon chauffeur, mon cuisinier, mon amoureux, il était parfait. [...] C'était curieux, parce que plus je vieillissais avec lui, plus je l'aimais
, avait-elle raconté.
La contribution d'Andrée Lachapelle à notre univers culturel lui a valu les distinctions d'officière de l'Ordre du Canada ainsi que de chevalière de l'Ordre national du Québec.

Dans le rôle de Marie-Desneiges, dans le long métrage « Il pleuvait des oiseaux »
Photo : Les films Outsiders
Son dernier rôle
La grande dame du théâtre, de la télé et du cinéma a décidé de se retirer de la scène culturelle en 2019 après avoir été de la distribution du film Il pleuvait des oiseaux, un film réalisé par Louise Archambault et adapté du roman éponyme de Jocelyne Saucier. Un rôle à sa mesure qu'elle prendra comme un cadeau du ciel
.
Extrêmement émue, la réalisatrice a témoigné de ce qu'elle a vécu aux côtés de la comédienne, en entrevue à ICI RDI. C’est une grande dame à tous les niveaux, surtout du cœur
, a dit Louise Archambault en ajoutant combien elle était drôle comme un singe
.
Les premiers jours de tournage, on n’avait pas d’électricité
, a raconté Mme Archambault. Elle avait sa frontale sur la tête dans notre salon commun. C’était vraiment pouiche dans le bois, mais elle, elle était heureuse. Tout allait bien.
Louise Archambault dit d'ailleurs avoir beaucoup appris d'Andrée Lachapelle. Elle ne gardait que le positif du passé, et ça aussi, c’est un apprentissage de la vie. J’ose espérer que le petit legs qu’elle me fait, je suis capable de le léguer après.
Son partenaire Gilbert Sicotte trouvait fascinant de voir cette femme tourner en plein bois, lors de journées de tournage de 13, 14, 15 heures.
On était là à travailler ensemble, très, très proches, dans l’eau, dans un lit, très, très proches. J’ai l’impression d’avoir vécu avec elle la première scène d’amour qu’elle a faite au cinéma dans un lit et la dernière... Et c’est très troublant
, relate le comédien.
En entrevue avec Anne-Marie Dussault à l'émission 24/60, la comédienne Monique Miller décrit son amie comme une personne généreuse et rigoureuse.
Pascale Montpetit, à ses côtés, se remémore une parole du metteur en scène André Brassard décrivant Andrée Lachapelle.
C'est un cadeau du bon Dieu à l’humanité souffrante
, reprend-elle en riant. Elle revient aussi sur la générosité de la femme, son engagement.
Elle accueillait des animaux dans sa maison. Tous les chats qu’elle a eus, c’était des chats avec la queue coupée, l’oreille arrachée... J’ai mangé à sa table. Elle avait invité un gars qui sortait de prison pour Noël. C'était tous des chiens pas de médaille autour de la table, qu’elle ne connaissait pas, chacun avait son cadeau. Il s’est retrouvé une gang de sans-abri dans son salon sur la rue Sainte-Rose. Elle disait : "Ça ne me dérange pas, ils m'ont laissé une rose le matin".
À écouter aussi :
- Andrée Lachapelle, la rebelle élégante (entrevue aux Grands entretiens en février 2017)
- Andrée Lachapelle : 60 ans de carrière et des projets plein la tête (entrevue avec René Homier-Roy en juin 2018)
Réagissant aussi au décès de son amie, Dominique Michel s'est dite très, très émue
. J'ai beaucoup de chagrin
, a-elle confié à l'animateur Patrice Roy.
Les deux femmes s'étaient connues à Paris, à leurs débuts difficiles. Leur misère a scellé leur amitié pour la vie.
On essayait de travailler et on avait de la misère. On avait de la difficulté à manger. Je travaillais pour un monsieur Barclay qui, de temps en temps, m’invitait chez lui. Je disais toujours : "Est-ce que je peux partir avec les restes?" Parce que Andrée était à Paris avec des enfants et Robert Gadouas, et on n’avait rien à manger. Et monsieur Barclay, qui était très généreux, disait : "Oui, mais est-ce que tu veux rapporter autre chose?".
À l'émission Le National, Françoise Faucher a raconté qu'elle et Andrée Lachapelle s'appelaient les belles-mères en rigolant depuis que l'enfant de l'une avait marié l'enfant de l'autre.
Y’avait rien de faux chez Andrée, c’était une femme profonde. […] Toujours prête à rendre service à tout le monde.
Et ce rire, ce rire. C'est ce rire qui va nous manquer...
Elle l'a revue un peu avant son anniversaire. Elle lui avait fait un gâteau.
On a mangé le gâteau. Elle était allongée sur son lazy-boy. Belle, pas maquillée, les cheveux non plus blonds mais blancs, mais belle et sereine. Elle était prête. Elle savait que tel jour, cela se ferait comme prévu. On a rigolé comme deux collégiennes en se souvenant d’un télé-théâtre qu’on avait fait, qui avait eu beaucoup de succès et qui s’appelait Toi et tes nuages.
Les deux femmes parlaient d'en faire une lecture... Elles ne se sont pas embrassées. Cela aurait été trop pathétique peut-être...
, dit la comédienne.
Cet après-midi, c'est arrivé aux alentours de 14 h. Je regardais le ciel. Toute la matinée le soleil brillait, le ciel était bleu et tout d’un coup, le ciel est devenu gris et je me suis dit : "Oh! notre chère Andrée s’en va".