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Les applications de gestion de poids suscitent des inquiétudes

Il est préférable de se faire conseiller par un professionnel de la santé avant de suivre un régime amaigrissant, jugent les experts.

L'application est affichée sur l'écran d'un téléphone.

L'application Kurbo, offerte en anglais seulement, vient d'être lancée par WW, l'entreprise autrefois appelée Weight Watchers.

Photo : Radio-Canada

Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Dans un monde où diètes et programmes de perte de poids sont facilement accessibles en ligne ou par des applications, des professionnels de la santé s’inquiètent de ces solutions qui s’attaquent à un problème d’une grande complexité, a appris L'épicerie.

En août dernier, WW (anciennement Weight Watchers) lançait Kurbo, une application de gestion de poids destinée aux enfants âgés de 8 à 17 ans, qui a depuis été vivement critiquée par plusieurs médecins et nutritionnistes.

C’est une catastrophe d’avoir permis la mise en marché de cette application, soutient Julie St-Pierre, pédiatre à la Clinique 180.

Cette dernière consacre sa carrière à lutter contre l’obésité chez les enfants. Elle est membre de comités internationaux qui travaillent à trouver des solutions durables pour contrer cette épidémie.

« On va entretenir le mythe de la solution facile et miracle. »

— Une citation de  La Dre Julie St-Pierre
Les trois femmes discutent dans le bureau de la médecin.

La Dre Julie St-Pierre reçoit en consultation Marylou Maisonneuve et sa mère Marie-Josée Bastien-Vallerand.

Photo : Radio-Canada

Kurbo : des aliments rouges, jaunes ou verts

Kurbo classifie les aliments en trois catégories. Rouge : à éviter; jaune : à consommer modérément; vert : aucune restriction.

Cette méthode soulève des questions.

Il semble que les aliments soient classifiés selon [...] l'apport en calories et non pas selon la valeur nutritionnelle de l’aliment, explique Paule Bernier, présidente de l’Ordre professionnel des diététistes du Québec.

Par exemple, explique-t-elle, le beurre d’arachides se retrouve dans les rouges alors que la teneur en protéines est élevée. Ce n'est pas un mauvais aliment, c’est juste une question d’équilibre. Et cette application-là ne permet aucune nuance.

Une page extraite du site de Kurbo indique que les fruits et légumes sont catégorisés en vert, les céréales en jaune, et les aliments sucrés en rouge.

Kurbo attribue chacune des trois couleurs d'un feu de signalisation à une catégorie d'aliments.

Photo : Radio-Canada

Par ailleurs, les experts consultés soutiennent que toute démarche de gestion de poids devrait être préalablement évaluée par un professionnel de la santé.

Mettre dans la tête des enfants qu’ils doivent perdre du poids sans avoir eu une évaluation par un professionnel qui valide effectivement ce besoin-là est en soi un danger, ajoute Paule Bernier.

Des démarches qui pourraient même avoir des conséquences néfastes sur la santé des jeunes, selon nos experts.

C’est très préoccupant, parce qu’un régime hypocalorique ou une application qui fait la promotion d'un régime hypocalorique a des effets très inquiétants sur la croissance des jeunes. On sait que ce jeune-là va reprendre le double du poids qu'il a perdu pendant qu'il était sous le régime, explique le Dre St-Pierre.

La réponse de Kurbo

Face aux critiques soulevées par nos experts, WW a répondu ceci :

« Kurbo n’est pas une diète, mais un programme de gestion de poids qui mise sur les changements d’habitudes de vie telles que la saine alimentation et l’activité physique. [...] Les programmes de gestion du poids basés sur le comportement ne causent pas de troubles alimentaires. »

— Une citation de  Gary Foster, Ph. D., conseiller scientifique en chef, WW

De plus, WW affirme que l’application Kurbo n’est pas destinée au marché canadien.

Pourtant, lors de notre enquête, il nous a été facile de télécharger l’application disponible en langue anglaise.

Notre carte de crédit a même été débitée de 69 $ US afin d’accéder à un service d’accompagnement à distance.

« Je pense qu'une application, c'est pas comme aller chez le docteur dans une clinique, où on peut avoir un suivi vraiment adapté. »

— Une citation de  Marylou Maisonneuve, participante au programme de la Clinique 180

Une approche multidisciplinaire pour contrer l’épidémie d’obésité

Pour contrer l’obésité chez les jeunes, l’approche par des groupes multidisciplinaires composés de médecins, de nutritionnistes, de kinésiologues, de psychoéducateurs ou de psychologues est une avenue prometteuse.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESSS) recommandent 25 heures d’interventions personnalisées par année auprès des familles afin de lutter contre ce fléau.

À la Clinique 180 et au Centre Circuit, on travaille selon cette approche.

On va travailler petit à petit sur différents objectifs au cours des deux ans. Normalement, après deux ans, on a transmis beaucoup d'informations, beaucoup de compétences à la famille pour qu'elle puisse continuer à maintenir de saines habitudes de vie, explique France Biron, coordonnatrice clinique du Centre Circuit.

Une femme est assise sur un vélo stationnaire dans une salle d'entraînement, une autre lui donne des instructions.

Sophie Bissonnette, à l'entraînement, suivant les conseils de France Biron, coordonnatrice clinique du Centre Circuit.

Photo : Radio-Canada

Manque de financement

Pendant que les listes d’attente pour ces types de centres atteignent des sommets inégalés, le financement des gouvernements demeure absent. Les cliniques survivent grâce à des dons.

C'est au-dessus de 400 requêtes qu'on a reçues sur une période de six mois, quand, dans les années antérieures, on recevait à peu près 200 requêtes par année. Donc, on a plus que doublé le nombre de requêtes dans les six derniers mois. Et on peut voir en bas de 300 personnes par année, signale France Biron.

Récemment, plus de 200 pédiatres québécois ont signé une lettre adressée au premier ministre François Legault pour demander au gouvernement de s'engager pour lutter contre ce qu'ils considèrent comme une épidémie de santé publique.

Au Québec, 500 000 jeunes sont en surpoids.

De ce nombre, la moitié vont développer une forme d’obésité.

« On a une augmentation des maladies chroniques comme le diabète, les maladies du coeur et le cancer, qui ont pour dénominateur commun l’obésité. »

— Une citation de  La Dre Julie St-Pierre

En 2013, l’American Medical Association (AMA) reconnaissait l’obésité comme une maladie. Depuis, des voix s’élèvent pour que le Canada et le Québec fassent de même.

Je pense que ça prend des patients, des familles qui souffrent et qui exigent d'avoir des soins de santé, qui exigent que la maladie soit reconnue, qui exigent que les gouvernements actuels cessent de faire l'autruche et sortent la tête du sable et reconnaissent la maladie, conclut Julie St-Pierre.

Le reportage de la journaliste-animatrice Johane Despins, de la journaliste à la recherche Barbara Ann Gauthier et du réalisateur Pierre Huard sera diffusé dans le cadre de l’émission L’épicerie mercredi à 19 h 30 à ICI Télé.

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