États-Unis : le sort des Dreamers dans les mains de la Cour suprême

Des Dreamers et des gens sympathiques à leur cause ont manifesté devant la Cour suprême au moment où le plus haut tribunal américain commence les procédures qui influeront sur leur avenir.
Photo : Associated Press / Jacquelyn Martin
La Cour suprême a amorcé, mardi, ses procédures sur la décision de l’administration Trump de mettre un terme au programme qui protège près de 700 000 Dreamers (clandestins), ces jeunes migrants entrés illégalement sur le sol américain dans leur enfance.
Selon le New York Times et NBC News, les questions posées aux deux parties par les juges, majoritairement conservateurs, laissent présager que le plus haut tribunal du pays pourrait être enclin à donner raison au département de la Sécurité intérieure, qui a ordonné la fin du programme d'Action différée pour les enfants immigrants (en anglais Deferred Action for Childhood Arrivals ou DACA), en 2017.
Contrairement à leurs quatre collègues progressistes, quatre des cinq juges conservateurs ont semblé estimer que l'administration Trump avait mis fin au programme DACA de façon adéquate. La position du juge en chef, John Roberts, qui devrait rendre le vote décisif, semblait toutefois moins tranchée.
Les juges les plus conservateurs ont semblé sensibles aux arguments du solliciteur général des États-Unis, Noel Francisco, qui a allégué que l'administration ne pouvait pas maintenir une politique illégale
et mis en avant le pouvoir discrétionnaire
de l'exécutif.
La fin du programme DACA risque d'entraîner des perturbations importantes pour les vies de 700 000 personnes, de leurs familles, de leurs communautés, de leurs employeurs
, a de son côté fait valoir l'avocat Theodore Olson, qui plaide la cause des Dreamers, mais aussi d'une coalition d'entreprises, d'universités et de groupes de défense des droits civiques. Pour prendre une telle décision, il faut donner des raisons solides
, a-t-il soutenu.
En quoi les explications du gouvernement ont-elles été insuffisantes?
, a répliqué le magistrat conservateur Neil Gorsuch.
L'administration Trump avait décidé de saborder le programme DACA en 2017 après que certains États eurent menacé de poursuivre le gouvernement dans l'espoir d'y mettre un terme. Le procureur général de l'époque, Jeff Sessions, avait affirmé au département de la Sécurité intérieure que le programme était probablement illégal et qu'il ne pouvait pas être défendu.
Ce programme, annoncé par le président démocrate Barack Obama en 2012, permet aux jeunes arrivés aux États-Unis quand ils étaient enfants de demander un statut temporaire qui les protège de la déportation et leur permet de travailler, d'étudier ou de conduire un véhicule. Renouvelable tous les deux ans, ce statut ne permet toutefois pas d'accéder à la citoyenneté.
[À ÉCOUTER] Le témoignage de Bambadjan Bamba.
— Raphaël Bouvier-Auclair (@RaphaelBouvierA) November 12, 2019
Il est l'un des près de 700 000 «dreamers», ces jeunes en quête de statut arrivés aux États-Unis avec leur parents.
La Cour suprême se penche aujourd'hui sur l'avenir du programme qui empêche leur déportation. pic.twitter.com/iZmK3ZSMjT
Un arrêt qui aura des conséquences importantes
Les juges progressistes ont semblé déconcertés par la décision de l'administration républicaine de pénaliser des personnes qui n'ont commis aucun crime, qui travaillent, paient des impôts
.
La fin du programme aurait également des impacts sur plusieurs secteurs de la société, a relevé le juge Stephen Breyer, énumérant des organisations liées à la santé, à l'éducation, à l'humanitaire, à la construction, des organisations religieuses ou municipales
.
L'affaire a d'ailleurs suscité l'intérêt de plus de 100 entreprises et groupes commerciaux, dont la Chambre de commerce des États-Unis et le géant Microsoft, qui ont exhorté la Cour suprême à permettre à DACA de continuer.
Trois tribunaux fédéraux d'instances inférieures avaient suspendu la décision de l'administration Trump, invoquant notamment une décision arbitraire et capricieuse
. Le droit administratif américain impose à l'exécutif de justifier ses décisions de manière rationnelle
.
Le président Trump souffle le chaud et le froid dans ce dossier. Plusieurs bénéficiaires de DACA, plus tout jeunes, sont loin d'être des anges. Certains sont des criminels endurcis très coriaces
, a-t-il écrit sur Twitter mardi, promettant du même souffle de s'entendre avec les démocrates afin que les Dreamers puissent rester sur le sol américain si la Cour suprême se rangeait derrière lui.
Si elle sonnait le glas du programme DACA, les centaines de milliers de Dreamers ne seraient pas immédiatement expulsés, mais retomberaient toutefois dans une situation juridique et administrative très précaire.
La Cour suprême ne rendra pas sa décision avant 2020, en pleine année électorale.