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Québec submergée par les eaux : les projections de Climate Central « surestimées »

Les vagues déferlent le long de la côte

Les grandes marées frappent l'est du Québec

Photo : Radio-Canada / Radio-Canada/Isabelle Damphousse

Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Le Vieux-Limoilou inondé dès 2030, Sainte-Anne-de-Beaupré menacée, l'autoroute Dufferin-Montmorency et la 138 englouties : une récente carte de projections (Nouvelle fenêtre) de la montée des eaux mise en ligne par Climate Central a de quoi faire peur, notamment au Québec. Mais les données qu'elle contient sont à interpréter avec prudence à l'échelle locale, selon des chercheurs québécois.

Publiée la semaine dernière dans la revue Nature Communications, l'étude menée par des scientifiques de Climate Central, un collectif américain indépendant spécialisé sur les changements climatiques, a fait le tour de la planète.

On y affirme que trois fois plus d'êtres humains que prévu, soit 300 millions, vivent dans une zone à risque d'être submergée d'ici 2050, conséquence de la hausse du niveau des océans.

Les auteurs soutiennent que les précédents modèles surestimaient l'élévation des régions côtières, et donc sous-estimaient les risques de submersion. Climate Central affirme maintenant combler un vide grâce au développement d'un outil plus précis appelé CoastalDEM.

Résultat spectaculaire... et inquiétant

À Québec, la carte interactive de Climate Central montre un quartier Limoilou à risque d'être submergé dès 2030 si la pollution ne diminue pas, que la température moyenne continue de grimper et que la hausse du niveau de la mer se poursuit selon un scénario plus ou moins pessimiste. Vanier et Saint-Roch n'y échapperaient pas non plus.

Une carte de Québec avec, en orange, les quartiers centraux à risque de submersion dès 2030 selon Climate Central

Selon les prédictions pessimistes de Climate Central, si la pollution ne diminue pas d'ici 2030, la ville de Québec verra plusieurs de ses quartiers inondés chaque année d'ici dix ans.

Photo : Climate Central

La carte a notamment été partagée par le député Sol Zanetti, qui habite le quartier Limoilou. 2030 c’est dans pas long, c’est presque demain matin, écrivait-il dans un message invitant la population à faire pression sur le gouvernement.

Exagéré

S'il y a consensus sur le fait que les océans vont continuer de gonfler, les projections de Climate Central laissent certains scientifiques perplexes.

Pour Pascal Bernatchez, professeur à l'Université du Québec à Rimouski et titulaire de la Chaire de recherche du Québec en géoscience côtière, il ne fait pas de doute que les projections pour la province sont exagérées, à Québec comme ailleurs dans l'estuaire.

Je regardais leurs données pour 2050, et ça va beaucoup plus loin [les zones à risque de submersion] à l'intérieur des terres que nos estimations pour 2100, affirme le chercheur. Il faut vraiment prendre ces données-là avec précaution parce que les modèles numériques de terrain qu'ils ont utilisés, pour le Québec, ne sont pas précis.

Si Climate Central affirme avoir développé un outil à faire pâlir les précédents modèles, il semble malgré tout inégal.

Contrairement aux données topographiques utilisées pour les États-Unis, produites par la technique LiDAR (par laser), celles pour la province de Québec proviennent de sources moins affinées. Plutôt que la marge d'erreur verticale (du relief) soit de 10 à 20 centimètres, leur précision peut varier jusqu'à deux mètres.

Deux mètres, quand tu fais de l'analyse de submersion, c'est énorme, affirme M. Bernatchez.

« Quand on compare les données de Climate Central avec des secteurs où on a fait l'analyse de la submersion future, on voit vraiment que c'est une surestimation qui ne fait pas de sens. »

— Une citation de  Pascal Bernatchez, professeur à l'Université du Québec à Rimouski

Le chercheur fait également remarquer que les structures d'atténuation ou de protection, qu'elles aient été construites par l'homme (digues) ou qu'elles soient naturelles (dunes), ne sont pas prises en compte dans l'étude.

Le fleuve menace de déborder près de la rue Dalhousie, à Québec

Québec est habituée aux débordements côtiers dans le secteur de la rue Dalhousie.

Photo : Radio-Canada / Pascal Poinlane

M. Bernatchez souligne que toutes les limites de l'étude sont bien expliquées par ses auteurs. Quand on fait la lecture, ils indiquent clairement les limitations. Sauf que pour le commun des mortels, il n'est pas toujours facile de s'y retrouver, admet-il.

« Je sais que ce genre de carte-là peut vraiment apeurer certains citoyens côtiers, donc créer du stress, alors que peut-être que ces citoyens-là ne sont pas dans une zone à risque de submersion. »

— Une citation de  Pascal Bernatchez

S'il se montre critique face aux conclusions de Climate Central, Pascal Bernatchez ne croit pas qu'ils ont raté leur cible pour autant. Eux, l'objectif, c'était planétaire. [...] Ça leur permet quand même d'identifier les points chauds sur la planète, souligne-t-il.

Sensibiliser... sans faire peur

Pascale Biron, hydrogéomorphologue et professeure à l'Université Concordia, abonde dans le même sens que son collègue de l'UQAR.

Elle aussi souligne d'entrée de jeu l'absence de données LiDAR disponibles pour le Québec. Certaines ont déjà été produites, mais ne sont pas nécessairement accessibles à Climate Central.

Si le Québec souhaitait faire le même exercice pour son territoire, mieux vaudrait utiliser les données locales plutôt qu'une valeur mondiale.

Comme M. Bernatchez, elle croit que l'objectif de Climate Central était international, et que toute analyse locale a ses limites. C'est certain que c'est de la très bonne science, sauf que la question de l'applicabilité pour passer un message aux gens de Québec [est plus discutable], dit-elle.

« Il faut faire attention de ne pas envoyer un message à la population qui est un peu paniquant parce que, 2030, c'est quand même dans 10 ans. »

— Une citation de  Pascale Biron, professeure à l'Université Concordia

Une fois la carte publiée et publique, elle peut être interprétée à toutes les sauces. Et c'est là le grand défi des scientifiques qui travaillent sur les changements climatiques, croit Mme Biron.

Beaucoup de gens nous accusent de crier au loup, dit-elle. [Des climatosceptiques] vont se servir de ça pour discréditer la science.

Or, il est indéniable que le niveau de la mer augmente et qu'il faudra s'adapter, souligne-t-elle.

Pour sensibiliser sans apeurer, la ligne semble mince. La communication, c'est la clé.

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