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Le monde assiste à la « mort cérébrale de l’OTAN », juge Macron

Emmanuel Macron et Donald Trump, assis face à face.

Le président français Emmanuel Macron, en entretien avec le président américain Donald Trump à l'Élysée le 10 novembre 2018.

Photo : Getty Images / AFP/SAUL LOEB

Radio-Canada

Dans un long entretien publié jeudi dans The Economist, le président français Emmanuel Macron affirme que l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), dont fait partie le Canada, est aujourd’hui en « état de mort cérébrale ».

De plus en plus, le gouvernement américain tourne le dos à l’Europe sur des sujets stratégiques, notamment sur la situation au Moyen-Orient, une région dont se sont désengagés les États-Unis sous la présidence de Barack Obama, puis celle de Donald Trump.

M. Macron invite conséquemment ses partenaires européens à affirmer leur souveraineté militaire et technologique, afin de donner naissance à une Europe de la défense, dotée d’une autonomie stratégique et capacitaire sur le plan militaire.

La réflexion du président français sur l’OTAN s’inscrit dans le cadre d’une réflexion stratégique sur l’avenir de l’Union européenne, un projet né au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale pour éviter de nouveaux conflits, et qui a fait de l’Europe l'associé minoritaire (Junior Partner) des Américains dans le monde.

C’est ce qu’il y a derrière le Plan Marshall dès le début. Cela allait de pair avec des États-Unis bienveillants, garants en dernier ressort d’un système et d’un équilibre de valeurs, fondé sur la préservation de la paix dans le monde et l’hégémonie des valeurs occidentales, affirme-t-il.

Il y avait un prix pour ça, c’était l’OTAN et le soutien à l’Union européenne, affirme-t-il.

Un changement dans la politique étrangère américaine s'est cependant opéré depuis une décennie, soit depuis que Barack Obama s'est proclamé président du Pacifique. Cela a confirmé, croit le président Macron, que les États-Unis regardent ailleurs que dans la cour de l'Europe et s'intéressent davantage à la Chine et au continent américain.

La Syrie comme révélateur de l'affaiblissement de l'OTAN

Cette approche du président Obama s’est concrétisée par une géopolitique des blocs commerciaux et un désengagement du Moyen-Orient, qui s'est soldé en fin de compte par un affaiblissement de la cohésion occidentale.

Le révélateur de cet affaiblissement a été le refus des États-Unis d’intervenir en Syrie après que le régime de Bachar Al-Assad eut utilisé des armes chimiques contre des opposants. Washington avait pourtant cette perspective comme une ligne rouge à ne pas franchir.

En agissant de la sorte, le président Obama a indiqué que le Moyen-Orient ne faisait plus partie de la politique de voisinage des États-Unis.

La non-intervention face aux armes chimiques en Syrie […] marque déjà un premier effondrement du bloc occidental, parce qu’à ce moment-là les grandes puissances de la région se disent “les Occidentaux sont faibles”. Implicitement, les choses qui s’amorcent alors se sont révélées ces dernières années.

Une citation de Emmanuel Macron, président français

Cette situation s’est répétée le mois dernier, lorsque les Américains se sont retirés du nord de la Syrie, donnant du coup le feu vert à la Turquie, membre de l’OTAN, pour attaquer les milices kurdes syriennes. Ces dernières s’étaient pourtant alliées aux Occidentaux pour combattre le groupe armé État islamique.

Vous avez des partenaires qui sont ensemble dans une même région du globe, et vous n'avez aucune coordination de la décision stratégique des États-Unis d’Amérique avec les partenaires de l’OTAN. Il n’y en a pas, déplore le président Macron.

Nous assistons à une agression menée par un autre partenaire de l’OTAN qui est la Turquie, dans une zone où nos intérêts sont en jeu, sans coordination. Il n’y a pas eu de planification ni de coordination par l’OTAN. Il n’y a même pas eu de déconfliction par l’OTAN.

Cette situation, de fait, ne met pas en cause selon moi l’interopérabilité de l’OTAN qui est efficiente entre nos armées, ça marche pour commander des opérations. Mais sur le plan stratégique et politique, force est de constater qu'il y a un problème.

Une citation de Emmanuel Macron, président français

Trudeau réagit aux propos de Macron

Commentant  les propos du président français, M. Trudeau a déclaré que « l’OTAN continue de jouer un rôle extrêmement important non seulement dans l’Atlantique Nord, mais également dans le monde […] Et très franchement, le fait que le Canada ait su faire preuve d’un leadership important tant à Bagdad à la tête de la mission de formation en Irak que sur le front est de l’OTAN en Lettonie. (Ce) sont des exemples où l’OTAN a toujours un rôle important à jouer ».

Le Canada compte actuellement environ 250 formateurs militaires engagés dans une mission de l’OTAN pour former des militaires locaux en Irak et 600 autres soldats qui participent à une mission de l’OTAN en Lettonie.

Une solidarité à reconsidérer

Selon le président français, ces développements font en sorte qu’il convient de s’interroger sur l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, qui stipule que les États membres doivent obligatoirement offrir une assistance militaire à l'un d'eux en cas d'attaque.

C’est quoi l’article 5 demain? C’est-à-dire que si le régime de Bachar Al-Assad décide de répliquer à la Turquie, est-ce que nous allons nous engager? C’est une vraie question, se demande le président français.

Le paradoxe, c’est que la décision américaine et l’offensive turque dans les deux cas ont un même résultat : le sacrifice de nos partenaires sur le terrain qui se sont battus contre Daech, les Forces démocratiques syriennes. C’est ça le sujet. D’un point de vue stratégico-politique, ce qui s’est passé est un énorme problème pour l’OTAN.

Une citation de Emmanuel Macron, président français

Les États-Unis n’en demeurent pas moins un grand allié de l’Europe, précise tout de même M. Macron. Nous en avons besoin, nous sommes proches et nous partageons les mêmes valeurs. Je tiens beaucoup à cette relation et j’ai beaucoup investi avec le président Trump, convient-il.

Mais pour la première fois, nous avons un président américain qui ne partage pas l’idée du projet européen, et la politique américaine se désaligne de ce projet. On doit en tirer les conséquences.

Les conséquences, nous les voyons en Syrie en ce moment : le garant en dernier ressort, l’ombrelle qui rendait l’Europe plus forte, n’a plus la même relation avec l’Europe. C’est pourquoi notre défense, notre sécurité, les éléments de notre souveraineté, doivent être pensés en propre, affirme M. Macron.

Des termes radicaux, estime Merkel

La chancelière allemande Angela Merkel a commenté ces déclarations lors d'une conférence de presse à Berlin avec le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg.

Je ne pense pas qu'un tel jugement intempestif soit nécessaire, même si nous avons des problèmes, même si nous devons nous ressaisir, a-t-elle déclaré. Les termes radicaux de M. Macron ne correspondent pas à mon point de vue au sujet de la coopération au sein de l'OTAN, a ajouté la chancelière.

M. Stoltenberg a de son côté estimé que l'OTAN restait forte, affirmant que les États-Unis et l'Europe travaillaient ensemble plus que nous ne l'avons fait depuis des décennies.

Enfin, le secrétaire d'État américain Mike Pompeo a jugé, lors d'une conférence de presse à Leipzig, en Allemagne, que l'OTAN, restait historiquement un des partenariats stratégiques les plus importants.

Il en a profité pour rappeler l'exigence de Donald Trump (qui avait lui-même qualifié l'OTAN d'organisation obsolète en janvier 2017) aux pays membres de l'Alliance de mieux partager le fardeau de son financement.

La porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, a salué de son côté sur sa page Facebook des paroles en or. Sincères et qui reflètent l'essentiel. Une définition précise de l'état actuel de l'OTAN.

Le président français a cependant eu dans la même interview des mots sévères sur la Russie dont le modèle anti-européen, de surmilitarisation avec une population déclinante et un PIB équivalent à celui de l'Espagne n'est selon lui pas soutenable.

Si elle ne veut pas devenir un vassal de la Chine, la Russie n'a d'autre alternative qu'un partenariat avec l'Europe, a-t-il ajouté.

Avec les informations de The Economist et Agence France-Presse

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