ArchivesJean-Pierre Ferland : de fleur de macadam à petit roi

Le chanteur Jean-Pierre Ferland à l'émission « En habit du dimanche » le 29 avril 1963
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le 28 janvier 2007, Jean-Pierre Ferland était intronisé au Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens. De son enfance passée dans un quartier populaire de Montréal à la période de son album Jaune encensé par la critique, retour en archives sur les débuts de la carrière de ce chanteur d’exception.
Un modeste quartier vivant et inspirant
Un brin de soleil, six pieds de boucane, un escalier en tire-bouchon, les voisins d’en haut qui se chicanent, ma mère qui veille sur son balcon.

Au Montréal ce soir du 8 septembre 1988, la journaliste Martine Lanctôt retourne avec Jean-Pierre Ferland dans le quartier qui l’a vu naître le 24 juin 1934, le Plateau-Mont-Royal.
« Jean-Pierre Ferland a vécu toute sa jeunesse au cœur du Plateau », un quartier populaire de Montréal, où ses parents étaient enracinés depuis longtemps.
Il habite au 5089, rue Chambord, où il partage sa chambre avec ses quatre autres frères. Il ne quittera cet appartement que lorsqu’il décidera de se marier, à 21 ans.
C’est de ce quartier vivant que Ferland tire son inspiration pour certaines de ses chansons les plus connues.
Au départ, le quartier ne lui inspire rien, il le trouve même « très laid ».
Il y avait Tremblay qui habitait à côté, il y avait monsieur Bourassa qui était à l’autre paroisse, puis eux autres trouvaient une certaine poésie dans ce quartier-ci.
Petit à petit, il aura envie de raconter sa jeunesse. Les fleurs de macadam sont les fleurs qui percent les trottoirs. Marie-Claire « Marilo », c’est sa cousine qui réside dans l’immeuble voisin.
Sur les ondes et dans les bureaux de Radio-Canada
Avant d’embrasser la carrière de chanteur, Jean-Pierre Ferland travaille à Radio-Canada. Il est d’abord commis au courrier, puis employé au Service des annonceurs.
Entre deux tâches administratives, il chante pour les collègues en grattant sa guitare.
L’animateur Henri Bergeron lui propose de l’enregistrer. De là naît son premier disque.

À l’émission de radio Sur nos ondes animée par la journaliste Janine Paquet, Jean-Pierre Ferland, alors employé de Radio-Canada, débute comme chanteur. Il se fait appeler simplement Jean-Pierre.
Au moment de l’entrevue, Jean-Pierre Ferland chante depuis tout juste sept-huit mois.
La journaliste le questionne sur le type de chansons qu’il affectionne. Il parle de son admiration pour Félix Leclerc, « qui sait marier le poétique et le populaire ».
On a des influences comme tout le monde. On les déforme le plus possible. Pour devenir le plus personnel possible. C’est ce qui fait le caractère de chacun.
En compagnie de Clémence Desrochers et de Claude Léveillée, il fonde les Bozos, qui se produisent au cabaret du même nom.
Il quittera momentanément Radio-Canada en 1958 pour se consacrer à sa carrière d’auteur-compositeur-interprète.
En 1962, avec sa chanson Feuilles de gui, il remporte le concours Chansons sur mesure de Radio-Canada et le grand prix du Gala international de la chanson de Bruxelles.
En 1964, Jean-Pierre Ferland devient animateur de l’émission Jeunesse oblige. Il y chante parfois devant public.
Le 7 juillet 1964, Ferland chante Reste encore un peu avec la participation des jeunes de Shawinigan.

Jean-Pierre Ferland revient chez nous couvert de gloire, après Paris
Comme tous les grands chanteurs québécois de l’époque, Ferland tentera sa chance en Europe.
En 1968, il remporte à Paris le prestigieux prix de l’Académie du disque Charles-Cros pour son album Jean-Pierre Ferland (Barclay B-80006).
C’est à cette période qu’il écrit son succès Je reviens chez nous. À l’émission Aujourd’hui du 25 mars 1968, l’animatrice Michèle Tisseyre le reçoit pour discuter de sa carrière en France.

Tout ne s’est pas fait sans heurts pour Jean-Pierre Ferland en sol européen. Comme il l’explique lui-même :
Quand j’y suis allé pour la première fois il y a cinq ans, ça a été dramatique. Il y avait eu des échecs incroyables. Je n’étais pas tout à fait prêt et j’étais trop jeune. […] L’an passé, ça n’a pas marché du tout. J’ai fait un disque, on en a vendu 300, je pense.
L’artiste raconte ce que son prix Charles Cros a changé pour lui dans son métier et sa vie personnelle.
J’ai vu les plus beaux restaurants de Paris, j’ai été dans les plus grands hôtels. […] J’ai un an de contrat de signé. […] Je pense que je vais pouvoir acheter mon cheval.
La période Jaune ou comment se renouveler musicalement
En 1970, le chanteur produit l’album Jaune qui fera grand bruit.
C’est une révolution dans le monde musical québécois. Si certains adorent, d’autres crient à la trahison. Ferland arrive avec un style résolument nouveau. Des musiciens américains de renom participent à l'album, comme David Spinozza et Tony Levine. L'enregistrement de haute qualité est réalisé au légendaire studio Perry.
À l’émission Femme d’aujourd’hui du 13 janvier 1971, le journaliste Pierre Paquette discute avec Jean-Pierre Ferland de son renouvellement pour son public.

Le chanteur explique que lorsqu’il a commencé à faire ce métier-là, à l’époque des chansonniers, il s’adressait à « un public intellectuel, un public fin ».
À partir du moment où on a choisi ce public-là, fatalement, on devait s’attendre à ce qu’il évolue.
L’artiste explique qu’un des talents nécessaires à son métier est de sentir quand le public est prêt à recevoir un nouveau produit.
Je suis définitivement plus américain que je l’étais il y a cinq ans […] Les Américains nous donné un boum, un coup de pied extraordinaire. Ils nous ont montré ce que c’était que la belle musique populaire.
L’album Jaune fera entrer la chanson québécoise dans une période audacieusement moderne.
En 2008, dans le journal La Presse, 50 personnalités du disque et critiques musicaux sacrent l’album Jaune meilleur album de l’histoire de la musique au Québec.