L'oxygène de plus en plus rare dans les profondeurs du Saint-Laurent
La tendance se poursuit et on sait maintenant que c'est la hausse du CO2 dans l'atmosphère qui est responsable de ce phénomène qui met en péril la biodiversité du Saint-Laurent.

L'estuaire du Saint-Laurent, tout près de la route 132 à La Martre, en Gaspésie.
Photo : Radio-Canada / Laurie Dufresne
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
L'année 2018 a battu tous les records de bas niveau d'oxygène dans la couche inférieure de l'estuaire et dans le golfe du Saint-Laurent. La hausse du CO2 dans l'atmosphère serait responsable de ce phénomène qui met en péril la biodiversité du Saint-Laurent.
La concentration d'oxygène dissous se situait sous la barre de 55 micromoles à 300 mètres sous l'eau dans l'estuaire en 2018. Jamais, avant 2015, ce niveau n'avait passé sous la barre des 60 micromoles. Depuis cinq ans, chaque année, cette marque est abaissée.
À l'embouchure du golfe, dans le détroit de Cabot, le même phénomène est observé. Là aussi, les concentrations d'oxygène mesurées en 2018 n'ont jamais été aussi basses.
Des chercheurs, dont Denis Gilbert, de Pêches et Océans Canada, ont mis au point un modèle qui permet de mesurer l'impact du CO2 sur l'apport en oxygène dans le chenal laurentien.
Leur constat est frappant. Plus il y a de gaz carbonique dans l'atmosphère et moins les couches inférieures du Saint-Laurent sont oxygénées.

À gauche du graphique, en rouge, montre l'entrée massive d'oxygène dans le golfe du Saint-Laurent, provenant du courant du Labrador. Ce modèle était celui qui prévalait vers 1850, soit avant l'émission massive de gaz carbonique dans l'atmosphère. À droite, la modélisation de la modification des courants marins induit une augmentation du CO2 dans l'atmosphère. L'oxygène n'est plus poussé vers le chenal laurentien.
Comment le CO2 influence-t-il la quantité d'oxygène au large de Tadoussac ou des îles de la Madeleine?
Le phénomène de type réaction à la chaîne est complexe, précise Denis Gilbert, mais on peut le résumer en disant que la concentration de gaz carbonique dans l'atmosphère influence les vents qui, à leur tour, jouent un rôle dans la manière dont les courants marins se comportent.
Dans le cas qui nous intéresse, le courant du Labrador qui descend la côte est de Terre-Neuve a moins tendance ensuite à remonter dans le détroit de Cabot vers le golfe du Saint-Laurent.
« Le courant du Labrador, dans le cas où on augmente le CO2, quand il arrive à la queue des Grands Bancs de Terre-Neuve, ça va être beaucoup plus rare qu'il arrive à nous amener de l'oxygène. »
Impacts pour la biodiversité
Difficile de quantifier exactement les impacts de cette diminution de l'oxygène dans les profondeurs du fleuve. On sait cependant que la morue, entre autres, a tendance à éviter les secteurs moins oxygénés.
Denis Gilbert précise cependant que des espèces vont inévitablement devoir quitter certaines zones de l'estuaire ou du golfe.
« Quand il y a moins d'oxygène, il y a un impact sur la biodiversité. »
Le chercheur ajoute que certaines espèces opportunistes pourraient profiter du retrait des autres, moins tolérantes à la rareté de l'oxygène, mais, dans l'ensemble, il y aura plus de départs que d'arrivées.
Impossible de prévoir quand cessera cette tendance et si l'ensemble du Saint-Laurent deviendra une zone d'hypoxie, c'est-à-dire où il y a peu d'oxygène dissous dans l'eau.
Déjà, les scientifiques ont identifié une telle zone au large de Rimouski et de Matane, car on note des concentrations d'oxygène de 45 micromoles par kilogramme d'eau.