Voici les mensonges qui ont circulé pendant la campagne électorale fédérale

Le Buffalo Chronicle publie depuis février des fausses nouvelles à propos du Canada.
Photo : Capture d'écran - Buffalo Chronicle
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
La campagne électorale qui vient de se terminer a connu son lot de fausses nouvelles et de rumeurs non fondées sur les réseaux sociaux. Voici les mensonges que les Canadiens ont pu voir défiler sur leurs fils d'actualité pendant la campagne.
Des tentatives de désinformation organisées
La campagne électorale a été marquée par deux tentatives organisées de désinformer les Canadiens.
La plus importante de celles-ci a sans doute été le Buffalo Chronicle, un site obscur basé dans l'État de New York, qui s'est subitement mis à publier depuis février des textes scabreux, invérifiables ou même carrément faux à propos de la politique canadienne.
Ce site, géré par l'Américain Matthew Ricchiazzi, a cherché à s'immiscer dans l'élection canadienne en publiant de fausses rumeurs peu avant les deux débats. Il en a ensuite remis de plus belle en publiant des articles chaque jour avant l'élection, générant au passage des dizaines de milliers de partages sur les réseaux sociaux.
M. Ricchiazzi, qui habite Buffalo, dans l'État de New York, avoue ouvertement publier des articles à propos du Canada parce qu'il est en désaccord avec le gouvernement Trudeau (Nouvelle fenêtre). Vendredi, Buzzfeed révélait qu'il avait déjà publié des attaques personnelles sur son site en échange d'argent (Nouvelle fenêtre).
Justement, le Globe and Mail et Radio-Canada/CBC révélaient, vendredi, l'existence d'une campagne d'influence clandestine visant à nuire au Parti populaire (PPC) de Maxime Bernier au profit des conservateurs. Selon des documents obtenus d'une source confidentielle, Daisy Group, une firme de relations publiques appartenant à l'ancien stratège libéral Warren Kinsella a mis au point ce qu'elle appelait le « projet cactus ».
Ce projet consistait entre autres à créer un compte Twitter appartenant supposément à une organisation antiraciste, mais dont le véritable but était de mettre l'accent sur des publications des candidats et des partisans du PPC jugées racistes pour mieux faire paraître les conservateurs. Selon la source anonyme, ce sont ces derniers qui ont retenu les services de Daisy Group pour mener à bien ce projet. Le chef des conservateurs, Andrew Scheer, a refusé de le confirmer ou de la nier.
Notons que M. Kinsella, qui est aussi chroniqueur au Toronto Sun et farouchement critique du premier ministre libéral Justin Trudeau, a été une des premières personnalités influentes du web à propager certaines des rumeurs qui se sont retrouvées dans le Buffalo Chronicle.
Des manipulations vidéo peu sophistiquées
L'hypertrucage (« deepfake »), technique qui consiste à créer des manipulations vidéo extrêmement fidèles à l'aide de l'intelligence artificielle, inquiète beaucoup d'observateurs. Toutefois, cette campagne électorale démontre qu'on n'a pas besoin de telles technologies pour berner les électeurs.
Une vidéo tronquée d'un discours que M. Trudeau a prononcé au traditionnel souper de la Tribune de la presse parlementaire a énormément circulé. Dans cette vidéo, on voit le premier ministre supposément se vanter d'avoir obtenu une couverture favorable des médias (Nouvelle fenêtre) en échange d'une aide à la presse écrite. Deux problèmes : il s'agit d'un événement humoristique où le but est de se moquer de soi-même; et la fin de la séquence a été tronquée.
Pourtant, lorsqu'on écoute la version originale (Nouvelle fenêtre), il est clair que M. Trudeau blague et qu'il n'a pas acheté une couverture favorable : la séquence enlevée au montage montre des grands titres des médias accablants pour M. Trudeau.
Malgré son aspect trompeur, la vidéo a été vue des centaines de milliers de fois et a été utilisée par le groupe Canada Proud dans une publicité Facebook.
Autre preuve qu'on peut tromper son auditoire avec des méthodes peu sophistiquées, une photo de l'ancien premier ministre conservateur du Canada, Stephen Harper, s'est mise à circuler chez les partisans libéraux au lendemain de l'éclatement du scandale « blackface » qui a écorché M. Trudeau. Dans l'image, on voyait M. Harper avec le visage peint et arborant une coiffe autochtone (Nouvelle fenêtre). Les partisans libéraux disaient « vous voyez! Stephen Harper a lui aussi porté des costumes racistes! »
Or, le contexte est tout autre. La photo avait été prise en 2011 lors d'une cérémonie officielle (Nouvelle fenêtre). Une première nation de l'Alberta avait alors accordé à M. Harper un titre honorifique, et avait elle-même peint le visage du premier ministre de l'époque.
La validité du scrutin remise en question
L'année dernière déjà, plusieurs acteurs sur le web cherchaient à convaincre les électeurs canadiens que l'issue du scrutin ne serait pas valide. Au moins deux fausses nouvelles affirmaient que le gouvernement Trudeau allait permettre à « des millions » d'immigrants de voter illégalement. Les deux s'appuyaient sur de nébuleuses conspirations à propos du Pacte mondial pour les migrations de l'ONU, un texte non contraignant qui nulle part ne forçait les pays signataires à permettre aux non-citoyens de voter. Une de ces fausses nouvelles provenait directement d'un mouvement suprémaciste blanc européen.
Puis, cette année, une autre fausse nouvelle prétendait que 2,8 millions de non-résidents s'apprêtaient à voter. Il est vrai que de nouvelles règles électorales allaient permettre aux non-résidents habitant à l'étranger depuis plus de cinq ans de voter, mais ils étaient non pas 2,8 millions, mais... 52 000.
La Cour suprême du Canada avait d'ailleurs confirmé ce droit.