« Un citoyen pauvre, ce n'est payant pour personne » – Pierre Lapointe à TLMEP

Le chanteur Pierre Lapointe
Photo : Karine Dufour
Invité à Tout le monde en parle pour la sortie de son nouvel album (Nouvelle fenêtre), Pierre Lapointe a tiré plusieurs flèches contre les paradis fiscaux, la richesse sans conscience sociale, les gouvernements et les GAFA (Google, Amazon, Facebook et Apple). Du côté artistique, il a dévoilé qu’il ouvrirait le Gala de l’ADISQ avec le groupe Voivod.
Pierre Lapointe a passé trois semaines à Monaco l’été dernier pour la mise en scène d’un spectacle du Cirque du Soleil. S’il décrit l’expérience artistique comme étant l’une des plus belles de sa vie, il en ressort avec un goût amer en ce qui a trait à la vie quotidienne dans la principauté.
« C’est très dérangeant d’être dans l’un des paradis fiscaux les plus flashy de la planète. L'un des gros problèmes de notre société, en ce moment, ce n’est pas les nouveaux arrivants, c’est le climat et l’évasion fiscale. À partir du moment où l'on enraye le problème de l’évasion fiscale, on en a de l’argent, ça pleut. Il ne manque pas d’argent. »
Le chanteur a dit avoir ressenti un malaise devant la grande richesse, le manque de partage et de conscience sociale des personnes qui l’exposent à Monaco. Je connais bien la mode, des femmes avaient 300 000 euros [de vêtements] sur le dos. Je ne comptais même pas les bijoux
, a-t-il ajouté.
L’inaction des gouvernements contre les GAFA
Signataire d’une lettre ouverte dénonçant le manque d’action des gouvernements contre les géants du web, Pierre Lapointe a réitéré son indignation en regard du fait que les géants du web ne paient pas d’impôts au Canada.
« On se fait tous [et toutes] voler. Je ne comprends pas qu’il n’y ait personne dans les rues en ce moment pour réclamer [des actions] et que, pendant les élections, ça n’a pas été un plus gros enjeu. On a besoin d’argent. [...] Dans quelques années, le gouvernement aussi sera ébranlé, car il ne sera plus maître chez lui. Ces compagnies, si on passe des lois, elles vont finir par se plier, c’est arrivé ailleurs dans le monde. J'en parle en tant que citoyen, on est tous dans la merde. Un citoyen pauvre, ce n'est payant pour personne. »
Il rappelle que ça fait 15 ans que l’industrie de la musique se bat contre les géants du web, qui font de l’argent sur le web et le place ensuite où ils le veulent.
Ce n’est pas l’artiste qui parle, c’est le citoyen canadien, j’insiste là-dessus. Quand on fait de l’argent, on en redistribue une partie dans un fond commun au gouvernement sous forme d’impôts, ça sert à payer plein de choses. Je suis fier de participer à une société où l'on aide les plus démunis, les gens qui arrivent d’ailleurs, les gens en dépression pendant six mois. C’est important, cette solidarité.
Le chanteur a ajouté que la crise commençait maintenant à toucher les compagnies de publicité, les chauffeurs de taxi, les commerçants au détail, l'hôtellerie et, surtout, les médias d’information. Il avoue ne pas comprendre la haine montante contre les médias.
« On doit avoir une diversité d’opinions dans les médias, c’est nécessaire pour la démocratie. Les médias et les journalistes d’enquête, entre autres, vont surveiller les politiciens et les grandes entreprises, et vont s’assurer de sortir les histoires quand c’est le temps. Il n’y a pas un journal qui est impartial, les journalistes ne sont pas vraiment impartiaux, par contre, en additionnant cette diversité d’opinions, on finit par garder un équilibre.Tout est en train de s’effondrer. Ce n’est plus juste la musique, c’est toute la structure du Canada. »
Une première animation
Outre le fait qu'il sera à l'animation du Premier Gala de l’ADISQ mercredi, Pierre Lapointe a aussi dévoilé qu’il allait faire le numéro d’ouverture de ce Gala avec Voivod et Éric Lapointe. Une idée à lui.
« Ils n’ont jamais chanté à l’ADISQ, je me sens un peu mal. J’ai déjà vu des documentaires avec Guns N’ Roses et Metallica, et ils citaient Voivod comme une influence. C’est un groupe majeur, et parce qu’il ne fait pas un son radiophonique consensuel, on n’en entend pas parler. »
L'artiste n’a pas voulu se prononcer sur les allégations d’agressions sexuelles contre le chanteur français Patrick Bruel, avec qui il a chanté en avril dernier à l'émission Bonsoir bonsoir. C’est très délicat de parler de ça, parce qu’on ne peut pas minimiser ce genre de dénonciations. Il n’y a pas encore eu de procès, mais ça n’a pas d’importance
, a-t-il dit, en ajoutant qu'il était mal à l'aise d'en dire plus.
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