La désillusion de l'or vert

Les Néo-Brunswickois sont les deuxièmes consommateurs de cannabis au pays, après les Néo-Écossais.
Photo : Radio-Canada / Nicolas Steinbach
Un an après sa légalisation aux fins récréatives, le cannabis n'est toujours pas rentable pour le Nouveau-Brunswick.
La société Cannabis NB, responsable de la distribution et de la vente de ces produits dans la province, accuse un déficit. Des producteurs privés autorisés ont investi des sommes colossales dans la province, mais ont aussi vu leurs revenus fléchir dans les derniers mois, certains ayant perdu près de la moitié de leur valeur en bourse.
Occasions d'affaires et produits dérivés
La légalisation du cannabis était une occasion à ne pas manquer pour un homme d'affaires de Dieppe, Luc Jalbert. Il a lancé une gamme de produits répulsifs contre l’odeur du cannabis.
Nous avons une capacité de faire 1500 chandelles par jour, 20 000 bouteilles de Lucky 8 par jour, alors c'est tout dépendant du marché maintenant
, dit-il.
Il n'est pas le seul qui a misé sur le cannabis. Le producteur Organigram exploite à Moncton la plus importante serre de cannabis en Atlantique. L’entreprise aura investi un quart d'un milliard de dollars dans cette usine d'ici la fin de l'année. Elle est devenue l’un des plus importants employeurs de la région avec 850 employés.
Malgré tout, l'industrie du cannabis a encore des difficultés à atteindre la rentabilité, affirme le porte-parole d’Organigram, Ray Gracewood.
Et pour cause, Organigram a perdu 10,2 millions de dollars au dernier trimestre alors qu’elle avait engrangé un profit de 2,8 millions de dollars un an auparavant.
Quand on construit une industrie à partir de zéro, cela prend un certain temps pour générer des économies et amortir le capital, explique Ray Gracewood.
Organigram montre du doigt la mauvaise presse et les performances d’autres producteurs qui ont amené de l'incertitude dans les investissements.
Rencontré en septembre sur la question, le premier ministre du Nouveau-Brunswick a affirmé catégoriquement que la province ne gagnait aucun profit avec le cannabis. Le prix du cannabis vendu dans les magasins provinciaux n’est pas concurrentiel comparativement à celui du marché noir, a-t-il souligné.
Un nouveau produit moins cher pour sauver la mise?
Selon Cannabis NB, certains produits sont offerts pour moins de 10 $ le gramme. La société lancera le 17 octobre un produit à 5 $ le gramme. Ce prix est comparable à celui du marché illégal.
Pour le premier ministre Higgs, c'est trop peu ou trop tard, il réitère la possibilité de privatiser, en tout ou en partie, le modèle de distribution.
Cannabis NB a connu des difficultés durant cette première année d’activité : des ruptures de stock chroniques, des fermetures temporaires de magasin et des licenciements. Elle accuse des pertes de 15 millions de dollars depuis le 17 octobre 2018 et ne sait pas quand elle pourrait devenir rentable.
Il est difficile de dire exactement quand nous serons rentables
, affirme par courriel la porte-parole de la société, Marie-Andrée Bolduc.
Cannabis NB a décliné notre demande d'entrevue, préférant ne pas intervenir alors que le modèle de distribution est toujours en cours de révision
.
Nous avons obtenu les revenus que le Nouveau-Brunswick a reçus de la taxe d'accise provenant de la vente de cannabis dans la province. Depuis la légalisation du cannabis, le Nouveau-Brunswick a reçu en taxe d’accise du fédéral 2,9 millions de dollars.
Un programme de création d'emplois
Le premier ministre Higgs ajoute que le Nouveau-Brunswick compte plus de magasins par habitant que le Québec. Il compare Cannabis NB à un programme de création d’emplois.
L'ancien économiste en chef du Nouveau-Brunswick David Campbell, qui avait contribué à la stratégie de développement économique du cannabis sous les libéraux de Brian Gallant avant de quitter ses fonctions, reconnaît aujourd'hui que Cannabis NB n'était probablement pas un bon modèle de distribution.
Le cannabis n'a pas sauvé l'économie de la province, explique M. Campbell, mais le Nouveau-Brunswick compte quand même plusieurs grands producteurs qui ont créé des milliers d'emplois.
De l'espoir du côté des produits comestibles et médicinaux
Selon David Campbell, la province devrait mieux faire avec les produits comestibles du cannabis qui seront mis en vente à compter de la mi-décembre. La province devrait non seulement continuer de produire et de transformer, mais aussi vendre les produits comestibles sur les marchés domestiques et les exporter.
Nous, on a été très occupé
, ajoute Luc Jalbert. Moi, je suis fier au Nouveau-Brunswick. On est vraiment en avant.
Luc Jalbert continuera de diversifier sa gamme de produits avec une crème à base de cannabinoïde.
Il y a beaucoup de pays qui permettent la vente du cannabis médicinal, alors on va essayer de percer ces marchés-là, comme en Europe, ça commence à percer beaucoup
, indique M. Jalbert.
Les deuxièmes consommateurs au pays
Selon Statistique Canada, 20,7 % des Néo-Brunswickois consomment du cannabis, ce sont les deuxièmes consommateurs au pays. Mais, visiblement, la province n'a pas su profiter de cet engouement.
À la croisée des chemins, le gouvernement provincial veut continuer de protéger la jeunesse et la sécurité du public, tout en générant davantage de revenus.