La Vérif : Blanchet a-t-il « contourné » le BAPE comme ministre de l’Environnement?

Le reportage de Vincent Maisonneuve
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Candidat vedette du Parti libéral, Steven Guilbeault accuse Yves-François Blanchet d’être « incohérent » sur ses positions environnementales, en citant les gestes faits par le chef du Bloc québécois lorsqu'il était ministre provincial de l’Environnement. Que s’est-il réellement passé?
Mardi, l’ancien directeur d’Équiterre a remis en question le bilan d'Yves-François Blanchet en tant que ministre de l’Environnement du Québec.
M. Blanchet a contourné le BAPE pour trois projets majeurs, soit l'inversion de la ligne 9B d'Enbridge, la cimenterie McInnis et le forage sur l'île d'Anticosti. Sans aucune évaluation environnementale pour ces projets-là.
Dans les faits, Steven Guilbeault a raison. Le ministre Blanchet, lors de son passage ministériel avec le Parti québécois, n’a jamais fait appel au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) pour ces trois projets d’importance.
Le BAPE, il faut le noter, n’a pas le pouvoir d’autoriser ou de refuser un projet. Chapeauté par Québec, cet organisme est chargé d’organiser des séances publiques et de consulter la population. Il peut enquêter et formuler des recommandations au gouvernement, qui est libre par la suite d'en tenir compte ou non.
Il y a cependant des nuances à apporter et des justifications mises de l’avant à l’époque à rappeler.

Le gouvernement Marois avait autorisé l'exploration pétrolière sur l'île d'Anticosti.
Photo : Radio-Canada / Marc-Antoine Mageau
Le BAPE après une exploration pour Anticosti
Yves-François Blanchet a succédé à Daniel Breton comme ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs en décembre 2012, avant de quitter son poste avec la défaite électorale du Parti québécois au printemps 2014.
Concernant le forage sur l’île d’Anticosti, le gouvernement Marois a bel et bien autorisé l’exploration dans le « but d'en confirmer le potentiel pétrolier » (Nouvelle fenêtre).
Cependant, Yves-François Blanchet n’a jamais été opposé à une évaluation menée par le BAPE. Celle-ci aurait cependant été demandée à la suite de l’exploration, selon l’ancien ministre.
Notre raisonnement à nous est à l'effet que le processus d'exploration, tel qu'il est présentement défini, va fournir les données qui permettront au BAPE de faire son analyse et sa consultation publique par la suite.
Les données scientifiques recueillies au cours de cette exploration auraient ainsi permis une meilleure évaluation du BAPE, avait-il détaillé.
Sa position était dictée, a-t-il laissé récemment entendre, par celle de son gouvernement. J’étais dans un gouvernement et, dans un gouvernement, on doit jouer en équipe
, a-t-il expliqué au cours d’une entrevue, début octobre, avec Radio-Canada.
Guilbeault ne s'opposait pas à la cimenterie
Concernant la cimenterie McInnis, qui a vu le jour en Gaspésie en 2017, l’ancien ministre ne s’est pas opposé à ce projet évoqué déjà des années auparavant, malgré les contestations de plusieurs groupes environnementalistes, qui dénonçaient l’importante quantité d’émissions de gaz à effet de serre que cela générerait.
Ciment McInnis avait d’ailleurs déposé son projet au printemps 1995, quelques semaines avant l’entrée en vigueur d’une loi permettant un examen du BAPE. Le ministre aurait néanmoins pu demander une telle analyse de cet organisme.
Porte-parole d’Équiterre, Steven Guilbeault avait de son côté dénoncé l’absence d’examen du BAPE dans ce dossier, quelques mois avant la confirmation de la construction de la cimenterie, en janvier 2014.
Cette absence de BAPE avait été contestée par des groupes écologistes et une entente avait été conclue devant la Cour supérieure début 2015, avec la création d’un comité chargé de superviser l’émission de gaz à effet de serre (GES).
Par la suite, en avril 2015, Steven Guilbeault a cessé de s’opposer à ce projet. Dans une entrevue accordée à Radio-Canada, le cofondateur d’Équiterre soulignait alors le fait que cette cimenterie serait moins polluante que d’autres entreprises similaires.
On est plutôt d'accord avec le fait que c'est probablement une cimenterie qui sera plus efficace et plus propre, en quelque sorte, que celles qui existent déjà.
La cimenterie McInnis reste cependant le plus gros émetteur industriel de GES au Québec.
La ligne 9B, un « enjeu économique » selon Blanchet
Au sujet de l’inversion de l’oléoduc 9B d’Enbrige, Yves-François Blanchet a préféré tenir une commission parlementaire plutôt que de lancer un examen du BAPE. Il avait alors mis de l’avant une volonté « politique », car « le BAPE n’a pas juridiction » sur ce dossier.
L’organisme a d’ailleurs confirmé à Radio-Canada que même si le ministre peut lui confier le dossier de son choix, l’inversion d’un oléoduc n'était pas assujettie à la procédure d’évaluation environnementale
.
À l’époque, le ministre de l’Environnement justifiait cette décision d’inverser cette ligne 9B en évoquant un « enjeu économique ».
Permettez-moi de dire que c'est une évidence que c'est un dossier économique parce que, si c'était juste un dossier environnemental, on n'aurait même pas soulevé la question. Il n'y a personne qui s'est levé un matin pour dire : "Ça me tente de regarder passer du pétrole, tu sais?" C'est parce qu'il y a un enjeu économique que nous sommes ici aujourd'hui pour définir, s'il y en a, quelles sont les conditions qui assurent la plus absolue sécurité possible pour les municipalités et les citoyens du Québec le long du parcours éventuel
, a déclaré Yves-François Blanchet le 26 novembre 2013.
Avec la collaboration de Nathalie Lemieux et Vincent Maisonneuve