Laïcité : Blanchet et Legault se braquent contre Trudeau

Les Québécois appuient majoritairement la loi 21, a insisté mardi Yves-François Blanchet.
Photo : Radio-Canada / Christian Noël
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
En gardant la porte ouverte à une éventuelle contestation fédérale de la Loi sur la laïcité de l'État, le chef du Parti libéral du Canada s'attaque à une « compétence exclusive du Québec », selon le chef bloquiste, et va à l'encontre de la « volonté populaire », selon le premier ministre du Québec.
Depuis Gatineau, Yves-François Blanchet a fait valoir mardi matin qu'en raison des positions défendues par ses adversaires, Justin Trudeau en tête, les Québécois qui veulent défendre la loi 21 du gouvernement Legault doivent appuyer le Bloc québécois le 21 octobre.
Le sujet de la laïcité a ressurgi dans la campagne électorale au lendemain du débat des chefs en anglais, où il a été longuement débattu.
M. Blanchet s’est défendu mardi d’être celui qui alimente la discussion à ce sujet. Ça n’aurait pas dû être un enjeu [au débat], parce que ça relève de la compétence exclusive de Québec
, a-t-il fait valoir.
Une fois que tu l’as répété ad nauseam, tu veux parler de projets de société, d’infrastructures, de développement des régions, du traitement des aînés
, a-t-il enchaîné. Il y a plein de choses dont il faut parler, dont on parle trop peu, parce que ce sujet-là mange tout l’espace, parce que [la position des autres partis] n’est pas claire.
Si le chef libéral a eu la vertu
de ne pas cacher qu’il pourrait contester la loi après le scrutin, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh s’est un peu fait coincer
sur cet enjeu après le débat, tandis que leur adversaire conservateur Andrew Scheer cultive l’ambiguïté
, a expliqué M. Blanchet.
Le chef du Bloc soutient qu’un fort contingent bloquiste à la Chambre des communes constituerait le meilleur moyen de défendre la loi, appuyée, a-t-il rappelé, par une majorité d’élus à l’Assemblée nationale et une majorité de Québécois.
« Assez spécial », selon Legault
Le premier ministre du Québec, François Legault, a aussi évoqué cette « volonté populaire » des Québécois. M. Trudeau s’est vanté d’être le seul qui était prêt à contester la loi 21, comme s’il voulait se distinguer, en anglais, des autres chefs. Je trouve ça assez spécial qu’il aille contre la volonté populaire des Québécois
, a déclaré M. Legault en point de presse, mardi.
« Je ne veux pas me mêler de pour qui on vote, mais il faut quand même se dire que ce qu'a dit M. Trudeau [lundi] soir, c’est très regrettable. »
Le premier ministre Legault a insisté sur le caractère « modéré » de la loi 21, qui interdit le port de signes religieux pour certains employés de l'État en position d'autorité ainsi que pour les enseignants du primaire et du secondaire du réseau public québécois, lorsqu'ils sont en fonction.
Un débat qui montre la pertinence du Bloc, dit Blanchet
Le débat entourant la loi sur la laïcité a d’ailleurs déjà démontré la pertinence du Bloc
, a soutenu M. Blanchet; sans son existence, il est clair que les fonds seraient débloqués pour contester la loi 21
en justice. Ce serait un festival de qui va frapper le plus fort sur le Québec
, a-t-il argué.
Un gouvernement minoritaire permettrait au Bloc de peser de tout son poids sur cette question, a-t-il ajouté. Le cas échéant, les électeurs vont tous vouloir que [le Parlement] fonctionne pendant un mandat normal
, ce qui obligera les partis à négocier de bonne foi
, y compris avec le Bloc.
Selon la configuration
du prochain Parlement, le Bloc pourrait d'ailleurs avoir un pouvoir considérable
. Dans ce contexte-là, si vous voulez financer quelque chose contre le Québec, bonne chance
, a encore dit M. Blanchet, évoquant « un prix politique à payer ».
Le sentiment d’appartenance de la nation québécoise à l’ensemble canadien pourrait être ébréché
, a-t-il ajouté un peu plus tard.
« Les Québécois connaissent très bien ma position », dit Trudeau
En conférence de presse à Iqaluit, Justin Trudeau a réitéré qu'il garde la porte ouverte à une intervention possible plus tard
dans ce dossier. Ce n’est pas une question de champs de compétence, c’est une question de respect des droits fondamentaux.
Je trouve qu’un gouvernement fédéral doit toujours être là pour défendre les droits fondamentaux, que ce soit des droits des minorités religieuses, des droits linguistiques des francophones à travers le pays ou des droits des femmes ou des communautés LGBT
, a-t-il répété.
Le chef libéral dit ne pas croire que cet enjeu sera déterminant le jour du scrutin. Je ne pense pas. Je pense que les Québécois connaissent très bien ma position depuis longtemps sur cet enjeu. Je ne suis pas d'accord avec cette loi
, a-t-il dit.
Singh et Scheer se défendent d'avoir changé d'avis
Pressé de questions au sujet de la loi sur la laïcité après le débat en anglais, le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a répété qu’un éventuel gouvernement néo-démocrate n’interviendrait pas dans la contestation actuelle de la loi 21 devant la Cour supérieure du Québec.
Il a cependant convenu pour une première fois qu’il pourrait ne pas rester les bras croisés advenant que la cause se retrouve devant la Cour suprême du Canada. Une position qu’il a de nouveau défendue lors d’une conférence de presse, mardi matin, à Toronto.
Quand la poursuite se rend en Cour suprême, le gouvernement a le droit de regarder ce qui se passe
, a-t-il déclaré. Seulement, ma position n’a pas changé. Je ne veux pas intervenir, parce qu’il y a une poursuite. Il ne faut pas intervenir.
« Rien n’a changé; je ne veux pas intervenir. Ce que je veux faire, c’est de gagner le cœur des gens. Je veux montrer : "Regardez-moi, je suis quelqu’un qui lutte contre la crise climatique, qui veut renforcer les droits des personnes des communautés LGBTQ, renforcer le droit des femmes […] à avoir un avortement. Je suis votre allié. Je porte un turban, mais je partage vos valeurs". »
Le chef du Parti conservateur, Andrew Scheer, maintient pour sa part que sa position concernant la loi sur la laïcité n’est pas ambiguë, contrairement à ce qu’affirme Yves-François Blanchet.
C’est clair. Mon équipe et moi avons la même position. On ne va pas intervenir dans ce cas. On ne va pas intervenir. Point final
, a-t-il affirmé lors d’un point de presse à Markham, en Ontario.
La seule façon de s’assurer qu’il n’y ait pas de contestation, comme Justin Trudeau souhaite le faire, c’est qu’il y ait un gouvernement conservateur qui soit élu le 21 octobre prochain
, a ajouté en entrevue le lieutenant québécois de M. Scheer et candidat conservateur dans Richmond-Arthabaska, Alain Rayes.