Enquête pour destitution : Pompeo défie le Congrès

Selon de récents reportages, Mike Pompeo a été témoin de la conversation survenue le 25 juillet entre le président Trump et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky.
Photo : Reuters / Kevin Lamarque
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les employés du département d’État convoqués par des comités de la Chambre des représentants qui enquêtent sur l’affaire ukrainienne ne témoigneront pas dans l'immédiat, a tranché, dans une lettre au ton combatif, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, s'attirant les foudres des démocrates.
Ce refus signale un nouveau bras de fer entre l’administration Trump et les comités de la Chambre, les deux camps s'accusant de vouloir intimider des témoins.
Dans une lettre adressée au Comité des affaires étrangères de la Chambre, le secrétaire d'État invoque plusieurs raisons pour expliquer son refus, assimilant d'emblée une partie de la requête des démocrates à un acte d'intimidation.
Ce comité ainsi que ceux du renseignement et de la surveillance gouvernementale ont jusqu’ici convoqué cinq personnes ayant travaillé ou travaillant encore au sein du département d’État, et ayant joué un rôle dans les relations entre les États-Unis et l’Ukraine.
Je serai clair : je ne tolérerai pas de telles tactiques et j'utiliserai tous les moyens à ma disposition pour prévenir et révéler toute tentative visant à intimider les professionnels dévoués que je suis fier de diriger et aux côtés desquels je sers au département d'État.
La demande des démocrates s'inscrit dans leur enquête pour destitution, centrée sur la conversation téléphonique survenue le 25 juillet dernier entre le président Trump et son homologue ukrainien, Volodymyr Zelensky, à l'origine de la plainte d'un lanceur d'alerte.
Ce dernier soutient que le président des États-Unis a utilisé ses pouvoirs pour solliciter l'interférence d'une puissance étrangère dans le cadre de l'élection de 2020.
M. Pompeo fait valoir que rien n'oblige les employés de son département à témoigner, car les comités ne les ont pas cités à comparaître.
Il invoque également le peu de temps accordé aux témoins sollicités pour préparer leur comparution et obtenir des conseils juridiques, mais aussi la nécessité, pour le département d’État, de s’assurer de la protection des informations potentiellement classifiées ou relevant du privilège du pouvoir exécutif.
M. Pompeo n’a cependant pas exclu le fait qu’ils témoignent, mais seulement une fois que le département d'État aura obtenu des éclaircissements sur ces questions et si des avocats de l’administration Trump sont présents.
Il a par ailleurs indiqué qu'il fournirait aux comités les documents qu'ils lui ont ordonné de produire, ce qu'il avait refusé de faire avant cette ordonnance.
Trump dénonce un coup d'État
Particulièrement actif sur Twitter depuis l'ouverture de l'enquête pour destitution, le président Trump a de nouveau tempêté contre la procédure dont il fait l'objet. J'en arrive à la conclusion que ce qui est en train de se passer n'est pas une procédure de destitution, c'est un COUP D'ÉTAT, visant à enlever le pouvoir au peuple, son vote, ses libertés, son deuxième amendement [de la Constitution], sa religion, son armée, son mur frontalier et les droits qui lui ont été donnés par Dieu en tant que citoyen des États-Unis d'Amérique!
a-t-il tonné.
Les démocrates haussent le ton
Dans un communiqué, les présidents des comités de la Chambre, chargés des affaires étrangères, du renseignement et de la surveillance gouvernementale, ont dénoncé le refus du secrétaire d'État. Insistant sur leur engagement à protéger les témoins de harcèlement et d'intimidation, ils disent s'attendre à la collaboration des employés du département d'État.
Toute tentative visant à intimider les témoins ou à les empêcher de s'entretenir avec le Congrès – y compris les employés du département d'État – est illégale et constituera une preuve d'obstruction à l'enquête de destitution.

Kurt Volker et Marie Yovanovitch auraient tous deux exprimé leur intention de se plier à la demande de comparution transmise par trois comités de la Chambre.
Photo : Reuters / Valentyn Ogirenko/Gleb Garanich
Ils prévoyaient notamment entendre mercredi l’ex-ambassadrice américaine à Kiev, Marie Yovanovitch, retirée de ses fonctions par l’administration Trump en mai dernier, ainsi que l'ex-envoyé spécial de l'administration en Ukraine, Kurt Volker. Ce dernier a démissionné la semaine dernière, le lendemain de la publication de la plainte du lanceur d’alerte, dans laquelle il était nommé à quelques reprises.
Selon CNN et le New York Times, Mme Yovanovitch, dont la déposition était initialement prévue ce mercredi, comparaîtra vendredi de la semaine prochaine. Avant son départ forcé, la diplomate de carrière a été la cible des attaques de Rudy Giuliani, l'avocat personnel de Donald Trump, qui cherche depuis des mois des informations dommageables auprès de responsables ukrainiens.
M. Volker, qui ne travaille plus pour le département d'État, entend pour sa part témoigner comme prévu jeudi, d'après les deux médias.
Selon le lanceur d'alerte, M. Volker a rencontré des responsables ukrainiens au lendemain de l'entretien téléphonique entre Trump et Zelensky. D'après ces sources, M. Volker leur aurait offert des conseils sur la façon de piloter les demandes formulées par le président Trump.
Comparution d'urgence de l'inspecteur général du département d'État
Plusieurs comités du Congrès, dont les trois comités de la Chambre au centre de la querelle avec Mike Pompeo, ont accepté d'entendre mercredi l'inspecteur général du département d'État, Steve Linick, qui a demandé, mardi, d'être entendu d'urgence, selon plusieurs médias américains. M. Linick est indépendant du département d'État.
Une telle initiative d'un haut fonctionnaire qui joue un rôle de chien de garde est extrêmement inhabituelle, soulignent ces médias.
Selon une lettre obtenue par le Washington Post, il souhaite discuter et fournir au personnel des copies de documents relatifs au département d'État et à l'Ukraine
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D'après le quotidien, la lettre précise que ces documents ont été obtenus du conseiller juridique par intérim du département d'État, mais on ignore leur teneur.
La requête de M. Linick a été formulée après la fin de non-recevoir exprimée aux démocrates par le secrétaire d'État, rapporte CNN.
Pompeo, personne d'intérêt
Les comités de la Chambre évoquent aussi les reportages de plusieurs médias, dont le Wall Street Journal, qui ont affirmé lundi sur la foi de sources gouvernementales que M. Pompeo avait écouté l'appel entre les présidents Trump et Zelinsky.
Depuis les révélations sur l'entretien téléphonique entre les présidents américain et ukrainien, le secrétaire d'État n'en a jamais fait mention lorsqu'il a été interrogé sur la conversation téléphonique par les médias.
Si c'est vrai, le secrétaire Pompeo est maintenant un témoin dans l'enquête de destitution de la Chambre. Il devrait immédiatement cesser d'intimider les témoins du département afin de se protéger et de protéger le président, écrivent les trois leaders démocrates Eliot Engel, Adam Schiff et Elijah Cummings.
En voyage officiel à Rome, en Italie, mardi, M. Pompeo a ignoré les questions des journalistes sur sa propre participation à l’appel.
La semaine dernière, l'avocat personnel du président Trump, Rudy Giuliani, a assuré avoir agi avec la bénédiction du département d'État, nommant M. Volker, et a dit avoir les preuves pour le démontrer. Celui-ci a également été sommé de fournir des documents à ces trois comités.
Rudy Giuliani a tweeté lundi soir que l'injonction des élus démocrates soulevait de graves questions en termes de légitimité et de constitutionnalité
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À lire aussi :
Avec des informations du New York Times, du Washington Post et de CNN