Marche pour le climat : Justin Trudeau chahuté par des manifestants

Le compte-rendu de Philippe-Vincent Foisy.
Photo : La Presse canadienne / Ryan Remiorz
Justin Trudeau a pris part à la grande marche pour le climat à Montréal, vendredi, sous les cris de quelques détracteurs qui l’ont sommé de « retourner au travail ». Un appel faisant écho aux propos de la jeune militante Greta Thunberg, qui avait demandé plus tôt au chef libéral d’en faire plus pour lutter contre les changements climatiques.
« Merci d’être ici! » a lancé à répétition Justin Trudeau à ses opposants, couvrant tant bien que mal leurs slogans, tandis qu'il avançait dans les rues du centre-ville. Il était accompagné de sa femme, Sophie Grégoire, de leurs enfants et de plusieurs candidats du Parti libéral.
« On avance pour la planète », ont-ils scandé, rivalisant de décibels avec les cris de « No pipeline » adressés au premier ministre sortant.
Bien que Justin Trudeau assure depuis le début de la campagne électorale vouloir protéger l'environnement, certains ne s'expliquent toujours pas l'achat par le gouvernement libéral de l'oléoduc Trans Mountain.
Et ils étaient au rendez-vous, parmi les dizaines de milliers de personnes qui ont défilé à Montréal, exhortant les dirigeants du monde à agir pour répondre à la crise climatique.
Juste avant de se rendre à la marche, Justin Trudeau s’était déjà fait prendre à partie par un homme pendant qu’il livrait un discours devant ses militants. Manifestement agressif, celui-ci s’est fait escorter vers la sortie par la sécurité.
Un peu plus tard, un autre trouble-fête qui transportait des œufs s’est fait arrêter par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), au beau milieu de la foule, alors qu’il tentait de s’en prendre au chef libéral.
Les leaders du Parti vert, Elizabeth May, et du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, étaient aussi de la partie. Il y a toute une génération dans la rue. J’espère que demain, ça aura changé quelque chose
, a déclaré le chef bloquiste, entouré de manifestants.
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a décidé de marcher pour le climat à Victoria, tandis que son chef adjoint, Alexandre Boulerice, a défilé à Montréal.
En se mêlant à la foule réunie devant l'Assemblée législative de Colombie-Britannique, M. Singh s'est dit « inspiré » par l'ampleur des rassemblements et par la mobilisation des jeunes. « On est ici pour appuyer la jeunesse », a-t-il dit.
De leur côté, les conservateurs ont dépêché des candidats de la région montréalaise. Leur chef Andrew Scheer ne devait participer à aucune activité pour le climat vendredi; il était en Colombie-Britannique pour annoncer son intention de prioriser les projets d'infrastructures qui réduiront le temps passé dans le trafic, selon lui.
« Écoutez la science », réclame Greta Thunberg
En avant-midi, M. Trudeau s'est entretenu pendant une quinzaine de minutes avec l'égérie suédoise de la lutte contre les changements climatiques, Greta Thunberg. La rencontre, qui a eu lieu au Musée des Hospitalières de l'Hôtel-Dieu, dans le centre-ville, s'est déroulée en privé.
Peu de temps avant le début de leur entretien, la jeune activiste suédoise et Justin Trudeau se sont échangé des salutations sous les caméras.
Saluant « sa force » en tant que tête d’affiche du mouvement, Justin Trudeau lui a demandé ce que ses amis en Suède pensaient de la marche pour le climat de Montréal. Elle lui a répondu qu'ils regarderaient l'événement, ajoutant que lors de la marche à Stockholm, ils étaient près de 60 000 manifestants.
On en aura un peu plus aujourd’hui
, a alors prédit Justin Trudeau.
Peu de temps après la rencontre, Greta Thunberg a résumé ainsi le message qu'elle a adressé au premier ministre canadien : Écoutez la science et agissez en fonction de celle-ci.
J’essaye de ne pas me concentrer sur les individus, mais bien sur le portrait d'ensemble, a-t-elle dit. C’est plus facile de blâmer quelqu’un en particulier.
« Oui, [Justin Trudeau] a beaucoup de responsabilités, et oui, évidemment, il n’en fait pas assez. Mais c’est un énorme problème, c’est le système qui est problématique. »
M. Trudeau s'est dit « chanceux » d’avoir pu discuter avec la jeune activiste. « Elle demande aux dirigeants de faire plus et de faire mieux. Et je l’écoute », a-t-il assuré.
Questionné sur cette rencontre, Jagmeet Singh s’est contenté de dire qu’il s’agissait « de la décision de Greta », avant de rappeler aux jeunes Canadiens que Justin Trudeau n’était « pas un leader de la lutte contre les changements climatiques ».
Financer la plantation d’arbres avec un pipeline
Aussitôt sa rencontre avec Mme Thunberg terminée, Justin Trudeau s’est engagé à utiliser les futures recettes du pipeline Trans Mountain pour planter 2 milliards d’arbres sur une période de 10 ans.
Pour y arriver, un gouvernement libéral réélu investirait 300 millions de dollars par année, pour un total de 3 milliards de dollars. Ainsi, ce sont 3500 emplois saisonniers qui seraient créés.
Les scientifiques nous disent qu'il s'agit d'une façon efficace pour lutter contre les changements climatiques
, a soutenu le chef libéral. Nous prouverons que planter ces arbres aura un effet réel et tangible pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) à travers le pays.
Selon ses estimations, la plantation d’arbres, la restauration de milieux humides, la protection de pâturages et la création d’incitatifs encourageant les agriculteurs à planter des cultures de couverture permettront au Canada de se rapprocher de 37 % des cibles de l’Accord de Paris.
D'ici 2030, cette mesure aura permis de réduire les émissions de GES de 30 mégatonnes, a affirmé Justin Trudeau.
Il faudra donc en faire davantage pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de l'Accord de Paris, soit d'émettre 513 mégatonnes par années d'ici 2030. En 2017, le Canada a émis 716 mégatonnes d'équivalent en dioxyde de carbone.
Le chef du NPD n'a pas tardé à réagir à l'annonce du chef libéral sur Twitter. Les arbres ne cacheront pas le pipeline que vous avez acheté. Point final
, a écrit Jagmeet Singh.
Cette semaine, les libéraux se sont aussi engagés à rendre le Canada carboneutre d’ici 2050 et à protéger 25 % des zones terrestres et maritimes d’ici 2025 et de 30 % d’ici 2030. Justin Trudeau a toutefois donné peu de détails sur la façon dont il compte atteindre ces cibles, qu’il juge « ambitieuses ».