La Vérif : la taxe carbone est-elle efficace?

Le reportage de Vincent Maisonneuve
Photo : La Presse canadienne / Jonathan Hayward
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Depuis le début de la campagne électorale, Andrew Scheer répète qu’il compte abolir la tarification sur le carbone, en soulignant que celle-ci ne fonctionne pas. Dans les faits, cette mesure est-elle efficace pour lutter contre les changements climatiques?
Selon le Fonds monétaire international (FMI) et le Directeur parlementaire du budget (DPB), la réponse est oui. Cette mesure, d'après ces institutions, serait la meilleure option pour lutter contre les changements climatiques.
En revanche, le chef conservateur a en partie raison.
« La taxe sur le carbone ne fonctionne pas. On recule avec le plan de Justin Trudeau, et le coût de la vie va augmenter parce qu'il doit augmenter la taxe sur le carbone. »
Actuellement, selon la tarification en vigueur, cette taxe ne permettra pas d’atteindre la cible de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixée dans le cadre de l’Accord de Paris.
Pour y arriver, cela nécessitera une augmentation de cette taxe, ce qui pourrait avoir des répercussions sur le portefeuille des Canadiens.
Qu’est-ce que la taxe carbone?
La taxe carbone est une mesure qui a pour objectif de faire diminuer les émissions de gaz à effet de serre. L’idée est de taxer les produits émettant du CO2, dont l’essence. Le prix à la pompe est donc plus élevé. Le gouvernement Trudeau a imposé cette taxe aux provinces n’ayant pas déjà un plan de tarification du carbone. Le Québec en a un depuis des années avec la bourse du carbone.
Le FMI en faveur de cette taxe
L’idée que la tarification du carbone [...] est l’instrument le plus efficace pour atténuer le changement climatique suscite un consensus de plus en plus large
, ont écrit la directrice du FMI, Christine Lagarde, et Vitor Gaspar, directeur du Département des finances publiques de l’organisation internationale, dans une lettre publiée au printemps (Nouvelle fenêtre).
La tarification du carbone génère des recettes dont nous avons grandement besoin et qui devraient être affectées de façon à réorienter les finances publiques en faveur d’une croissance durable et inclusive
, soulignent-ils.
Ils reconnaissent que cette taxe « peut être problématique sur le plan politique », tout en maintenant que, dans un « scénario idéal », il faudrait « renforcer la tarification du carbone ».
Une tarification à revoir
Le Directeur parlementaire du budget se montre lui aussi en faveur de cette taxe actuellement en vigueur en Saskatchewan, au Manitoba et au Nouveau-Brunswick. Les gouvernements provinciaux de l’Alberta et de l’Ontario s’y sont opposés, et des poursuites judiciaires ont été lancées.
Le consensus parmi les économistes est que la tarification explicite du carbone est l’approche la plus rentable pour réduire les émissions de GES
, indique le DPB, dans un rapport diffusé en juin.
D’ailleurs, des géants du pétrole, comme Suncor et Shell Canada, ont déjà appuyé publiquement cette mesure.
Faut-il augmenter cette taxe pour une meilleure efficacité? La réponse est oui.
À l'heure actuelle, au Canada, la taxe carbone s’élève à 20 $ la tonne de CO2. Le gouvernement fédéral compte augmenter ce prix de 10 $ par an, jusqu’à atteindre 50 $ la tonne en 2022.
Ce montant ne sera toutefois pas suffisant pour atteindre les cibles de l’Accord de Paris, qui vise une réduction de 30 % des émissions de GES par rapport au niveau de 2005, d'ici 2030.
Pour être pleinement efficace, la taxe carbone doit grimper graduellement à 102 $ la tonne d’ici 11 ans, selon le DPB.
Cela entraînerait une hausse de 23 cents par litre d’essence.
Ces données vont dans le sens des propositions faites par le FMI. Selon l’institution financière, « même un prix de 70 $ la tonne serait insuffisant » pour les pays ayant des engagements « ambitieux ».
Des remboursement actuellement prévus
Ainsi, si les habitudes ne changent pas, la taxe carbone pourrait faire augmenter le coût de la vie. Néanmoins, il faut préciser que des mesures d'atténuation sont à ce jour prévues par le gouvernement Trudeau, dans le cadre d'un plan allant jusqu'à 2023-2024.
Ottawa s'est en effet engagé à ce que 90 % des revenus qui proviennent de cette taxe sur les carburants soient rendus aux ménages des provinces où l'argent a été collecté.
Selon un autre rapport du DPB (Nouvelle fenêtre) publié fin avril, la plupart des ménages recevront plus en transferts que la redevance sur les combustibles qu’ils auront payée
. C'est vrai pour quatre ménages sur cinq : seuls les ménages les plus aisés ne sont pas concernés.
Au-delà de 2024, le Parti libéral continuerait-il de reverser de telles sommes? Seraient-elles ajustées à une éventuelle augmentation de la taxe carbone? Aucun engagement en ce sens n'a encore été annoncé par l'équipe de Justin Trudeau.
Avec la collaboration de Nathalie Lemieux et Vincent Maisonneuve