Changements climatiques : un autre rapport d'experts sonne l'alarme

La fonte des glaciers comme celui de Hubbard, en Alaska, contribue à l'élévation du niveau des océans.
Photo : iStock / Don Mennig
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Une nouvelle étude, réalisée par les principales organisations mondiales de climatologie en vue du sommet des Nations unies sur le climat, souligne l'écart flagrant – et de surcroît croissant – entre les objectifs fixés pour faire face au réchauffement climatique et la situation actuelle.
Le rapport intitulé United in Science (Unis dans la science) souligne notamment l'urgence d'une transformation socio-économique fondamentale dans des secteurs clefs, tels que l'énergie et l'utilisation des sols, afin d'éviter des répercussions environnementales potentiellement irréversibles.
Les données et les conclusions scientifiques présentées dans le rapport représentent les toutes dernières informations faisant autorité sur ces sujets.
Ce groupe, composé de spécialistes hautement reconnus et possédant une expertise dans différents aspects du changement climatique, insiste sur la nécessité d'élaborer rapidement et collectivement des mesures concrètes pour enrayer le réchauffement climatique et ses effets dévastateurs.
Le document a été écrit en collaboration avec des organismes comme l'Organisation météorologique mondiale, le Programme des Nations unies pour l'environnement ou encore le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).
Une synthèse sera présentée aux dirigeants mondiaux lors du Sommet sur l'action pour le climat, lundi.
Prédictions alarmistes pour un constat alarmant
La température moyenne de la planète pour cette dernière période quinquennale (2015-2019) est en voie d'être la plus chaude de toutes les périodes équivalentes jamais enregistrées. On l'estime actuellement à 1,1 °Celsius (± 0,1 °C) au-dessus des temps préindustriels (1850-1900).
L'étendue de la glace de mer et de la masse de glace est également en diminution constante. Dans l'Arctique, on estime à environ 12 % la perte de glace par décennie entre 1979 et 2018, tandis que la fonte des glaciers a été ces cinq dernières années la plus élevée jamais enregistrée.
L'élévation du niveau de la mer s’accélère aussi, passant de 3,04 mm par an pendant la période 1997-2006 à environ 4 mm par an pour la période allant de 2007 à 2016. La fonte graduelle du Groenland et de la partie ouest de l’Antarctique contribue à cette élévation des eaux océaniques. De plus, l'eau de mer a connu une augmentation de son acidité de l'ordre de 26 % depuis le début de l'ère industrielle.

Le Groenland est recouvert à 85 % de glace et sa fonte s'accélère en raison du réchauffement climatique.
Photo : Getty Images / JONATHAN NACKSTRAND
La concentration record de gaz à effet de serre dans l'atmosphère est également scrutée avec minutie par les experts. La dernière fois que l'atmosphère terrestre contenait une concentration de 400 parties par million (ppm) de dioxyde de carbone (C02) c'était il y a environ trois à cinq millions d'années. À cette période, les températures moyennes à la surface du globe étaient de 2 à 3 °C plus élevées qu'aujourd'hui.
Simultanément, les émissions de dioxyde de carbone ont crû de 2 % pour atteindre un niveau record de 37 milliards de tonnes de CO2 en 2018. Les tendances économiques et énergétiques actuelles suggèrent que les émissions seront au moins aussi élevées en 2019.
Entre dominance et soumission énergétique
Malgré la croissance extraordinaire des carburants renouvelables sur les marchés au cours de la dernière décennie, le système énergétique mondial est toujours dominé par les sources d'énergie fossiles.
Les capteurs naturels de CO2 comme la végétation et les océans, qui éliminent environ la moitié de toutes les émissions provenant des activités humaines, deviennent moins efficaces à cet égard. Ce constat illustre la nécessité de réduire la déforestation, mais également d'accroître la quantité de capteurs de CO2, en restaurant par exemple des milieux naturels détruits.
Le rapport révèle que les émissions « nulles » – nécessaires pour stabiliser le climat – requièrent une double exigence : celle d'associer une accélération de l'utilisation des sources d'énergie non carbonées à une diminution rapide des combustibles fossiles.
Néanmoins, les émissions mondiales ne devraient pas culminer d'ici 2030 – encore moins d'ici 2020 – si les politiques climatiques actuelles et l'ambition des Contributions déterminées au niveau national (CDN) sont maintenues.
On estime que les CDN actuels réduiront les émissions mondiales en 2030 d'environ six gigatonnes d'équivalent de dioxyde de carbone (GtCO2e) avec la poursuite des politiques actuelles.
Cette ambition, quelque peu mesurée, doit être grosso modo triplée pour s'aligner sur l'objectif d'une limite de 2 °C et elle doit être multipliée par cinq pour s'aligner sur la limite de 1,5 °C.
Techniquement, il est encore possible de combler l'écart pour que le réchauffement climatique demeure inférieur à 2° C et 1,5° C, mais il faudrait a fortiori des transitions sans précédent dans tous les aspects de la société.
Les preuves consolidées renforcent ainsi l'influence de l'homme comme cause dominante des changements dans le système terrestre. Qui plus est, les répercussions climatiques croissantes augmentent les risques de franchir des points de rupture : il s'agit de seuils qui, s'ils sont franchis, entraînent des changements profonds qui s’avéreront parfois irréversibles.
Quelques chiffres contenus dans le rapport :
- Les villes consomment environ 78 % de l'énergie mondiale et produisent plus de 60 % de l'ensemble des émissions de CO2.
- Environ 23 % des émissions totales de gaz à effet de serre proviennent de l'agriculture, de la foresterie et d'autres activités liées à l'utilisation du sol et des terres.
- Si toutes les subventions accordées au marché des combustibles fossiles étaient progressivement supprimées, les émissions mondiales de carbone seraient réduites d'environ 10 % d'ici 2030.
- Les niveaux actuels de dioxyde de carbone (CO2), de méthane (CH4) et de protoxyde d'azote – aussi appelé oxyde nitreux –(N2O) dans l'atmosphère représentent respectivement 146 %, 257 % et 122 % des niveaux préindustriels (avant 1850).
- La mise en œuvre actuelle des Contributions déterminées au niveau national (CDN) entraînerait une augmentation de la température moyenne mondiale comprise entre 2,9 °C et 3,4 °C d'ici 2100.
- Le potentiel de réduction des émissions en 2030 est estimé entre 30 et 40 GtCO2e.