Le parti élu le 21 octobre pourra dire merci aux millénariaux
Comment se comportera la génération du millénaire le 21 octobre?

Des étudiants de l'Université York qui pourront exercer leur droit de vote pour la toute première fois lors du scrutin fédéral du 21 octobre
Photo : Radio-Canada / Marc Godbout
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Pour la toute première fois, les 18-38 ans forment la plus importante cohorte de l’électorat. À eux seuls, ces Canadiens représentent maintenant plus du tiers des électeurs. Les millénariaux ont le pouvoir de faire basculer l’élection fédérale. Mais il y a une condition : ils doivent voter.
Il est 8 h 50. Brian Silvera marche d’un pas rapide, presque à bout de souffle. Son cours à l’université commence dans 10 minutes.
Rattraper le temps perdu est son lot quotidien, matin, après-midi et soir. Il a dû faire une bonne heure et demie de route pour se rendre à l’Université York au nord de Toronto.
À 29 ans, Brian Silvera poursuit ses études en sciences informatiques, mais il doit le faire à temps partiel. J’aimerais avancer plus rapidement, mais je n’ai pas le choix. C’est trop difficile financièrement.

Brian Silvera, 29 ans, est un étudiant en sciences informatiques à l’Université York à Toronto.
Photo : Radio-Canada / Marc Godbout
Lui et sa conjointe arrivent difficilement à joindre les deux bouts. Le couple a donc choisi de quitter Toronto et de s’installer à Hamilton pour payer moins cher son loyer.
Ainsi, Brian Silvera doit maintenant passer plus de trois heures sur la route pour aller à l’université ou se rendre à son travail à l’aéroport Pearson.
Nous aimerions avoir des enfants, mais c’est impensable. Je ne vois pas comment nous pourrions arriver financièrement.
L’accès à la propriété est particulièrement difficile. Une pénurie de logements place la génération du millénaire sous pression. Elle force bon nombre de jeunes adultes comme Brian Silvera à s’installer en lointaine banlieue de Toronto.

Le prix moyen d’un condominium dans le Grand Toronto est évalué 619 307 $ et celui d’une maison à 795 200 $.
Photo : Radio-Canada / Marc Godbout
Et la situation pourrait s’aggraver. En quête d’une première maison, 700 000 millénariaux du grand Toronto chercheront à sortir du sous-sol de leurs parents dans la prochaine décennie
, indique une récente étude du chercheur Frank Clayton de l’Université Ryerson. Or, les baby-boomers ne devraient pas libérer les logements destinés à la revente avant le milieu de 2040.
Juste avant d’entrer en salle de cours, Brian Silvera résume ainsi ses attentes. Pour moi, le coût de la vie et l’accès à la propriété doivent être abordés en priorité dans cette campagne. Il ne faut pas juste promettre, il faut faire beaucoup plus.
Le poids des millénariaux
Environ 10 millions d’électeurs issus de la génération du millénaire pourront voter lors du prochain scrutin fédéral. Leur poids n’aura jamais été aussi important.
Pour la première fois depuis plusieurs décennies, le plus important groupe d’électeurs ne sera pas constitué de celui des baby-boomers.
David Coletto de la firme de sondages Abacus Data s’intéresse de près à la génération Y.
Ses recherches et coups de sonde des dernières années lui ont permis d’obtenir un portrait assez précis de cette cohorte d’électeurs.
Les millénariaux ne sont pas nécessairement attachés à un parti ou à un autre. Il y a beaucoup plus d’agents libres dans ce groupe que ceux des autres générations.
Si pour les jeunes l’accès au logement est un enjeu primordial, ils réclament beaucoup plus d’actions dans la lutte contre les changements climatiques.
David Coletto constate également que la génération Y soutient un système d'immigration plus ouvert. De plus, elle est pour les dépenses gouvernementales avant de s’attaquer aux budgets équilibrés. Ils [millénariaux] sont à l’aise avec l’idée d’un gouvernement plus interventionniste
, selon David Coletto.

David Coletto, le PDG de la firme Abacus Data.
Photo : Radio-Canada / Benoit Roussel
Pas un hasard si le quatrième et dernier budget du gouvernement Trudeau ciblait notamment les millénariaux avec une série de mesures visant justement à faciliter l’accès à la propriété. Une promesse que Justin Trudeau s’est empressé de bonifier à Victoria, dès la deuxième journée de campagne.
Les conservateurs tentent de s’attaquer au coût de la vie en général, pour séduire notamment les familles de cette génération.
Vers quel parti se tourneront les millénariaux?
Tous les partis savent que les politiques et les promesses pourraient ne pas suffire. La génération du millénaire n'a pas la réputation d’être la plus fiable le jour du scrutin.

Les millénariaux représentent maintenant environ 37 % de l'électorat au Canada.
Photo : Radio-Canada / Marc Godbout
Mais l’histoire récente prouve que si les jeunes électeurs se mobilisent et sont motivés, ils peuvent certainement changer la donne, comme cela s’est produit en 2015.
Un bond de 18 % dans le taux de participation des jeunes de 18 à 24 ans a grandement contribué à l’obtention d’une majorité pour Justin Trudeau.
David Coletto n’est pas certain que cet élan se répétera en octobre. Je constate qu’ils sont moins excités qu’en 2015. Il y a une certaine déception
, affirme-t-il.
Il suffit de passer quelques heures sur le campus de l’Université York pour comprendre que certains qui avaient voté en 2015 et donné leur appui aux libéraux sont restés sur leur faim.
Sahil Mehta est déçu et se demande même s’il ira voter cette fois. Je m’attendais à beaucoup plus sur le plan de l’environnement. On nous avait aussi promis une réforme électorale
, indique Sahil Mehta.
Rencontrée dans le même parc, Sabrina Porrovecchio est enthousiaste à l’idée d’aller voter. Elle vient tout juste d’avoir 18 ans. J’envisage de voter pour les verts. Je ne suis pas prête à dire que je vais écarter Justin Trudeau. Je dois voter parce que l’enjeu des changements climatiques est crucial.
663 159 Canadiens âgés de 18 ans ont été ajoutés au Registre national des électeurs depuis 2015
Source : Élections Canada
Si les libéraux ne parviennent pas à mobiliser les jeunes cette fois-ci, le parti sera nettement désavantagé.
Justin Trudeau surtout, mais aussi Jagmeet Singh et Elizabeth May ont beaucoup à perdre. Une faible participation des jeunes électeurs le jour du scrutin pourrait jouer en faveur d’Andrew Scheer, estime David Colleto d’Abacus Data.
Si le taux de participation diminue et que les jeunes électeurs restent à la maison, les bénéficiaires seront principalement les conservateurs, dont le soutien est généralement constitué d’électeurs plus âgés et donc beaucoup plus fiables.
En fin de journée, avant de reprendre la route pour Hamilton, Brian Silvera rappelle qu’il avait voté pour la première fois en 2015, motivé par l’effet Trudeau.
Et en octobre? Il répond après une longue hésitation.
Je ne sais pas. Personne, pour l’instant, n’est à la hauteur de mes attentes.