Des résidences inoccupées de Boless dans le Vieux-Hull laissent place à des activités illégales

Les usagers de ces stationnements illégaux du Vieux-Hull paient 200 $ par mois pour garer leur voiture.
Photo : Radio-Canada
Des espaces de stationnement sont loués illégalement sur les terrains du groupe Boless, là où des résidences sont laissées à l’abandon depuis plusieurs années dans le secteur du Vieux-Hull, à Gatineau, selon ce qu’a appris Radio-Canada.
À quelques pas de la Place du Portage, qui accueillent des milliers de fonctionnaires, cinq résidences voisines détonnent sur les rues Kent et Laval. Elles sont décorées de graffitis et il n’y a plus aucune trace de verdure. Les terrains servent plutôt de stationnement.
Les clients doivent débourser 200 $ chaque mois pour y garer leur voiture. Lors de l’enquête menée par Radio-Canada, trois détenteurs d’un espace de stationnement nous ont expliqué qu’il fallait contacter un employé d’un commerce situé à proximité pour obtenir le droit de s’y stationner. C’est également lui qui récolterait le paiement de 200 $ chaque mois.
La réglementation municipale interdit pourtant la location d’espace de stationnement sur des terrains résidentiels, comme ceux appartenant au groupe Boless.
Des va-et-vient quotidiens qui choquent René Brisebois, qui voit les voitures s’entasser les unes sur les autres, chaque jour, sur les terrains voisins à sa résidence. Il dénonce le laxisme de la Ville de Gatineau dans ce dossier.
On a juste l’impression que c’est n’importe quoi, que notre quartier est laissé à l’abandon. Il faudrait que les choses changent, que la Ville s’occupe du monde ordinaire
, s’exclame avec colère ce résident de la rue Kent.
Pour le moment, on ignore si l’entreprise Boless est au fait des activités illégales qui se déroulent sur ses terrains. Le promoteur immobilier n’a pas répondu à nos multiples demandes d’entrevues.
Île de Hull, paradis du stationnement illégal?
Cette pratique de location illégale est courante dans le Vieux-Hull depuis plusieurs années, rappelle l’activiste Bill Clennett, qui milite depuis plus de 25 ans contre la présence de ce marché noir du stationnement.
La Ville a lancé la serviette en disant que le problème est complexe. Ce n’est pas complexe du tout. Il y a simplement un manque de volonté politique
, déplore-t-il.
Bill Clennett mentionne que la Ville de Gatineau en avait fait son cheval de bataille, il y a plus de 10 ans, en traînant en cour des dizaines de propriétaires résidentiels.
En 2007, l’administration municipale avait embauché un inspecteur qui avait réussi à cibler et éliminer 1020 espaces de stationnement illégaux.
Deux ans après son embauche, les élus municipaux de l’époque avaient décidé de mettre un terme à son emploi, jugeant que les résultats n’étaient pas satisfaisants.
Les propriétaires qui ne se soumettent pas à la réglementation municipale sont passibles d’une amende allant de 300 $ à 1000 $. Si le propriétaire du terrain est une entreprise, son amende sera un peu plus salée, variant de 600 $ à 2000 $.
Une mesure peu coercitive, affirme Bill Clennett.
« Les gens ont tendance à payer des amendes et après ça ils continuent. La Ville peut faire une étape de plus et faire fermer le stationnement, si elle le voulait, ce qu’elle refuse de faire. »
Peu de constats d’infractions remis
La Ville de Gatineau n’a pas été en mesure de nous fournir les données, à savoir combien de constats d’infraction ont été remis dans les trois dernières années pour l’exploitation illégale d’un stationnement. Elle indique que quatre dossiers à propos d’usages non conformes ou des irrégularités liées au stationnement
ont été ouverts en 2019, en précisant qu’il peut s’agir d’autres enjeux que le stationnement illicite.
Des centaines de travailleurs du Vieux-Hull contribuent depuis quelques décennies au maintien de nombreux taudis qui empêchent la revitalisation du Vieux-Hull en garant leur voiture dans des stationnements illégaux, selon Stefan Psenak, directeur général de Vision centre-ville.
Il souligne que de nombreux fonctionnaires participent à cette économie illégale, alors que des dizaines de propriétaires laisseraient des employés se garer sur leurs terrains.
Des propriétaires vont louer leurs appartements tant par mois, en plus de louer quatre, cinq ou six espaces de stationnements qui lui sont payés comptant par un fonctionnaire qui paie moins cher que dans un parc de stationnement, ce qui freine le développement dans le Vieux-Hull
, a déploré M. Psenak.
Le conseiller municipal du district de Hull-Wright, Cédric Tessier, se dit irrité de voir que certaines personnes s’enrichissent toujours avec ce stratagème, tout en laissant leur résidence à l’abandon.
« Ça, ça m’énerve encore plus [que les maisons inoccupées], parce que nous savons que les stationnements de surface, au centre-ville, c’est un gros problème. »
Quant aux interventions de la Ville pour fermer ces espaces de stationnement, Cédric Tessier répond qu’il est difficile de mettre la main au collet des propriétaires récalcitrants.
Les pouvoirs qui sont donnés par la loi provinciale sont assez limités. C’est pour ça que je milite pour une taxe aux stationnements de surface, qu’ils soient légaux ou pas, afin que ça coûte cher aux opérants et qu’il y en ait le moins possible qui les utilisent
, a conclu M. Tessier.