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« Un sabotage qui revient à couvrir un crime »

Marie-Christine Bujold, mère du petit Jean-Patrick Géraud, a été condamnée à une lourde peine en France pour un crime commis au Québec. L'avocate du père dénonce les « défaillances graves » de la justice canadienne.

Gros plan de Marie-Christine Bujold.

La justice française a condamné Marie-Christine Bujold pour le meurtre de son fils de trois ans.

Photo : Facebook

Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

25 ans de réclusion : c’est la sentence imposée par la justice française à une Québécoise accusée d’avoir tué son propre enfant en 2002. Trois juges de la cour d’assises de Paris ont déclaré Marie-Christine Bujold coupable du meurtre de Jean-Patrick Géraud, son fils de trois ans.

Le père de l’enfant, Julien Géraud, est citoyen français. C’est ce qui a permis au parquet parisien de déposer des accusations, même si les événements ont eu lieu à Montréal. Le procès, qui s’est déroulé en l’absence de l’accusée, n’a duré que trois jours.

Pour Julien Géraud, la condamnation de Marie-Christine Bujold est un immense soulagement : On a enfin réussi à faire reconnaître la vérité. M. Géraud, qui est père de deux jeunes enfants, a mené un combat de 16 ans pour faire accuser son ex-conjointe en France.

« J’étais absolument déterminé, a-t-il indiqué. Seule la mort aurait pu me faire arrêter. »

— Une citation de  Julien Géraud, père de Jean-Patrick Géraud

Marie-Christine Bujold n’a jamais été accusée au Québec. En 2002, la pathologiste responsable de l’autopsie de Jean-Patrick Géraud avait déclaré ne pas pouvoir déterminer avec certitude la cause de la mort. Dans son rapport, le coroner n’avait eu d’autre choix que de conclure à une cause de décès indéterminée, tout en signalant son caractère nébuleux.

Des années plus tard, une pathologiste et une médecin légiste françaises en sont arrivées à des conclusions radicalement différentes en notant des signes clairs d’asphyxie dans les poumons de Jean-Patrick, et en concluant formellement à la noyade.

Une avocate répond aux questions de journalistes.

« En France, si ça s’était passé comme ça, j’aurais fait un procès pour dysfonctionnement du service de la justice. Et je l’aurais gagné », affirme Florence Rault, avocate de Julien Géraud.

Photo : AFP / Matthieu Alexandre

Selon l’avocate de Julien Géraud, ces expertises françaises ont été déterminantes pour les juges. Me Florence Rault s’est dite grandement satisfaite du verdict, mais a déploré les lacunes de l’enquête réalisée au Québec et le manque de collaboration de la justice canadienne.

« En France, si ça s’était passé comme ça, j’aurais fait un procès pour dysfonctionnement du service de la justice. Et je l’aurais gagné. »

— Une citation de  Me Florence Rault, avocate de Julien Géraud

Le ministère de la Justice du Canada a refusé à la dernière minute d’autoriser les témoins québécois à témoigner par visioconférence, notamment parce que Mme Bujold est citoyenne canadienne et que les faits sont survenus ici.

À quelques jours du procès, M. Géraud a tenté de convaincre plusieurs témoins québécois de se déplacer, ce qui n’a pas été possible. Pour Me Rault, c’est inexcusable.

« Je trouve que la justice canadienne a été gravement défaillante et qu’elle a saboté une enquête criminelle et que ce sabotage revient à couvrir un crime. Ça ne peut pas se dire autrement. »

— Une citation de  Me Florence Rault

Une tragédie

Jean-Patrick Géraud

Jean-Patrick Géraud

Photo : Courtoisie

C’est au matin du 8 novembre 2002 que le petit Jean-Patrick Géraud, 3 ans et demi, est retrouvé mort dans son lit par sa mère qui habite seule avec lui. Il ne souffrait d’aucune maladie.

La cause du décès n’est pas immédiatement apparente, mais plusieurs indices, dont la présence de spume (un type d’écume trouvée près du nez de l’enfant), pointent vers une noyade dans le bain.

Le jour même, une voisine, Éléna Brown, avait raconté aux policiers avoir entendu Jean-Patrick pousser de grands cris de peur au beau milieu de la nuit, accompagnés de bruits semblables à des gargouillements.

Radio-Canada a également appris que Mme Bujold avait contacté une maison funéraire de l’Ouest-de-l’Île dès la découverte du corps pour demander à l’entrepreneur de pompes funèbres de venir chercher son fils immédiatement pour le faire incinérer.

La maison avait refusé, expliquant à la mère qu’il y aurait nécessairement autopsie et enquête du coroner, et que seul le coroner pouvait autoriser la remise du corps à une maison funéraire. C’est une amie de Mme Bujold qui a finalement appelé le 911.

L’enquête policière de l’époque avait aussi révélé le caractère toxique de la relation entre les parents séparés. Une experte mandatée par la cour avait détecté un contexte d’aliénation parentale chez la mère.

Le père habitait Paris, mais visitait régulièrement son fils au Québec. Il avait demandé la garde complète de l’enfant quelques mois avant son décès.

M. Géraud n’a appris la nouvelle de la mort de son fils que le jour prévu de l’incinération, qu’il a réussi à faire stopper in extremis.

Une extradition peu probable

Même si Marie-Christine Bujold a reçu une lourde sentence, il est loin d’être certain qu’elle la purgera dans une prison française ou même canadienne. Mme Bujold a refusé de se rendre à Paris pour le procès, invoquant son état de santé. Et, selon plusieurs experts, il serait surprenant que le Canada accepte d’extrader une Canadienne pour un crime commis ici.

La partie ne sera pas facile, admet Me Rault. Je n’ai pas beaucoup d’espoir que [les autorités canadiennes] vont nous aider, vu la façon dont [elles] se sont comporté[e]s jusqu’à présent, a-t-elle affirmé. Mais il n’est pas question que l’on s’arrête ici, j’ai ce dossier depuis 16 ans.

Julien Géraud, lui, reste philosophe : La page n’est pas complètement tournée, mais ça permet quand même d’avancer.

Il a été impossible de joindre Marie-Christine Bujold pour savoir si elle avait l’intention de porter la condamnation française en appel.

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