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L'influence... positive des influenceurs

Un téléphone avec le logo de YouTube.

YouTube est l'une des plateformes les plus consultées par les jeunes.

Photo : Radio-Canada / Maxence Matteau

Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Publicité déguisée, superficialité, égocentrisme; les étiquettes qu’on accole aux « influenceurs » dans les médias traditionnels sont rarement positives. Aussi appelés créateurs de contenu, les PL Cloutier, Lysandre Nadeau et Gloria-Bella de ce monde, peuvent pourtant jouer un rôle important, parfois insoupçonné, auprès de leurs abonnés.

Gloria-Bella a révélé être une personne pansexuelle à ses plus de 100 000 abonnés YouTube avant même de l’annoncer à certains membres de sa famille. J’ai vraiment pitché ça sur internet et espéré que le retour serait positif, et finalement le retour a été super positif.

Gloria-Bella au défilé de la Fierté à Montréal.

Gloria-Bella au défilé de la Fierté à Montréal

Photo : Instagram - gloria_bellaaa

La créatrice de contenu de 18 ans est sur YouTube depuis qu'elle a 11 ans. Dans la vidéo en question, elle explique qu'elle ne se catégorise pas par rapport à son orientation sexuelle. Je dis toujours que j’aime les humains et que ça finit-là.

Plusieurs jeunes se sont reconnus dans ses propos.

« Le "coming out" que certains jeunes ont fait à leur famille, ils ont montré ma vidéo à leur parent et ils ont dit : “Maman, Papa, moi, je suis comme ça aussi”. »

— Une citation de  Gloria-Bella, créatrice de contenu

Je t’en parle, j’ai des frissons, poursuit-elle. C’est assez spécial de savoir que ce que je vis, mes propres batailles, ça peut aider les batailles des autres.

Gloria-Bella dit vouloir véhiculer des messages positifs auprès de ses abonnés, dont celui d'assumer sa sexualité, mais aussi d'apprendre à s'aimer soi-même.

Même si le youtubeur PL Cloutier dit avant tout avoir pour but de divertir son public, il reçoit lui aussi des témoignages de sortie du placard de ses abonnés.

PL Cloutier au micro de Catherine Perrin (Archives).

PL Cloutier (Archives).

Photo : Radio-Canada / Olivier Lalande

Le créateur de contenu pense faire écho dans la communauté LGBTQ+ parce qu’il ne prend pas de détour pour parler de ses relations amoureuses.

Je ne fais pas de distinction. Si je parle que je suis attiré envers quelqu’un, je vais dire que c’est un gars et je le fais vraiment sans détour, sans gêne, sans quoi que ce soit, alors c’est sûr que ça a ouvert la porte à ce que les gens me confient beaucoup leurs histoires de coming out, leurs questionnements.

Les influenceurs deviennent des modèles pour les jeunes, particulièrement lorsqu'ils sont touchés par des enjeux plus marginaux, explique la spécialiste en communication numérique et réseaux sociaux, Nellie Brière.

« Ça peut être un jeune qui a des enjeux d’anxiété, et qui peut trouver quelqu'un qui parle d’anxiété [...] Il se retrouve accompagné, il a un modèle positif qui vit quelque chose de perçu comme négatif. »

— Une citation de  Nellie Brière, spécialiste en communication numérique et réseaux sociaux

Le créateur de contenu accompagne ainsi le jeune dans certaines réflexions que ce dernier n'est pas à l’aise de partager avec son entourage.

Le fait que les influenceurs osent parler de sujets tabous qui sont rarement traités par les médias traditionnels est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les étudiantes Kyliane Guay et Mégan Gallant s'intéressent à leurs contenus.

Kyliane Guay (gauche) et Mégan Gallant (droite).

Kyliane Guay (gauche) et Mégan Gallant (droite)

Photo : Radio-Canada / Maxence Matteau

Le fait qu’ils en parlent vraiment ouvertement, ça fait du bien de savoir que c’est normal de se poser ces questions-là ou [que] c’est normal de se sentir comme ça, dit Mégan.

« Quand j’écoute ça, ça me fait du bien de savoir que je ne suis peut-être pas la seule à ressentir ça.  »

— Une citation de  Mégan Gallant, étudiante au Cégep de Rimouski

Kyliane, qui étudie à l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), dit avoir été marquée par une vidéo de Lucie Rhéaume qui parlait d’apparence corporelle.

Ça m’a vraiment fait du bien d’écouter ça, parce que ce qu’elle disait, c’est qu’on est unique et que c’est correct d’être dans le corps qu’on est.

Dans un sondage mené par The Prince’s Trust et HSBC auprès de 3120 jeunes de 11 à 30 ans au Royaume-Unis en 2018, un tiers des jeunes de 11 à 15 ans ont affirmé que certains influenceurs étaient leurs modèles.

Dans un sondage mené au Royaume-Unis, un tiers des jeunes sondés de 11 à 15 ans ont affirmé que certains influenceurs étaient leurs modèles à suivre.

Dans un sondage mené au Royaume-Unis, un tiers des jeunes sondés de 11 à 15 ans ont affirmé que certains influenceurs étaient leurs modèles.

Photo : Radio-Canada

Un ami proche

Les créateurs de contenu entretiennent de surcroît une relation de proximité avec leurs abonnés, avec qui ils échangent régulièrement.

On les écoute tellement souvent qu’on devient un peu proche d’eux, remarque Mégan. Une impression partagée par Kyliane. Veut, veut pas, on rentre dans leur vie un peu personnelle, ils nous racontent des choses qu’ils ont vécu vraiment privés […] donc on a l’impression qu’on fait un peu partie de leur petit monde.

Et le sentiment est mutuel.

« Il n’y a pas une journée où je ne croise pas quelqu’un sur la rue qui est abonnée et on se parle comme si on était des amis depuis tout le temps, c’est toujours un peu étrange, l’espèce de relation qu’on a. »

— Une citation de  PL Cloutier, créateur de contenu

Gloria-Bella se surprend du lien fort qu’elle entretient avec des personnes qu’elle n’a jamais rencontrées.

La connexion que j’ai avec ces personnes-là, qui vivent la même chose que moi, que je n’ai jamais rencontré, mais que par des événements difficiles, on se rejoint. Je trouve ça extraordinaire.

Outre le fait qu'ils sont plus accessibles que certaines autres célébrités, les influenceurs sont aussi plus proches de leur public en raison de la manière dont leur contenu est consommé.

Les résultats d'un sondage mené en décembre 2017 par l’organisme de recherche et d’innovation à but non lucratif CEFRIO auprès de plus de 1500 jeunes Québécois de 12 à 25 ans montrent que près de 60 % d'entre eux regardent quotidiennement des films, des émissions et des vidéos pour se divertir.

Infographie qui montre que 57% des jeunes Québécois regardent quotidiennement des films, des émissions et des vidéos pour se divertir.

Selon un sondage du CEFRIO, 57% des jeunes Québécois regardent quotidiennement des films, des émissions et des vidéos pour se divertir.

Photo : Radio-Canada

La plupart des vidéos proviennent de YouTube et sont plus souvent visionnés seuls, à la maison et en soirée.

On est en relation pratiquement intime avec les contenus de nos youtubeurs. On est plus dans la dynamique où la télé est centrale dans le salon, et que c’est une affaire de famille et publique […] Cette personne-là [est] presque considérée comme dans ton cercle d’ami proche, explique Nellie Brière.

Les algorithmes des médias sociaux ont aussi tendance à mettre de l’avant les contenus des pages et des profils que les internautes consultent le plus, comme ceux des créateurs de contenu, ce qui renforce leur relation avec eux.

Quelle responsabilité pour les influenceurs?

Avec une grande influence vient aussi une certaine responsabilité. Gloria-Bella dit ressentir cette responsabilité, particulièrement lorsque ses abonnés lui font part d'enjeux trop importants pour qu'elle soit en mesure de les aider.

Des fois, il y a des messages que je reçois qui sont vraiment très intenses, que je ne peux pas gérer, donc je les réfère à des professionnels de la santé, dit-elle.

Une capture d'écran de la chaîne YouTube de Gloria-Bella.

La chaîne YouTube de Gloria-Bella

Photo : Capture d'écran - Youtube / Gloria-Bella

Pour ce qui est du contenu, PL Cloutier dit vouloir avant tout divertir, mais être conscient qu’il doit respecter certaines limites.

Je sais, des fois, que des parents s’attendent à ce que j’aille un rôle plus éducatif, mais ce n’est pas du tout une mission que je me suis donnée avec ma chaîne YouTube. Évidemment, je ne suis pas stupide, je ne suis pas le genre non plus à aller diffuser des affaires un peu trop controversées ou des choses qui n’ont pas d’allure, précise-t-il.

Ce souci de produire du contenu responsable n’est toutefois pas partagé par tous les créateurs de contenus. Si certains renforcent des idées positives, certains popularisent aussi des messages négatifs, comme le sexisme, déplore Nellie Brière.

Il y a vraiment de tout, il n’y a pas de régulation parce que, contrairement aux médias comme la télévision ou la radio, il y a quand même une programmation, il y a un cadre, il y a des lignes, il y a même un endroit où on peut porter plainte, un ombudsman.

Des icônes représentant différentes applications de réseaux sociaux sont affichées sur l'écran d'un téléphone intelligent.

Les médias sociaux ne sont pas aussi régulés que les plateformes plus traditionnelles comme la radio et la télévision.

Photo : AFP/Getty Images / Chandan Khanna

Parfois, c’est aussi l’accent sur l’apparence qui pose problème, particulièrement sur Instagram. Gloria-Bella dit elle-même s’être désabonnée de certaines influenceuses, qui, de façon involontaire, la complexaient.

Ces personnes-là, je les suivais parce que je les idéalisais dans un sens où moi je me réduisais, je me rabaissais en les regardant, confie-t-elle.

La youtubeuse précise toutefois que les créatrices de contenu en question n’avaient pas pour but de créer ce sentiment, qui provenait plutôt d’elle-même.

Dans la même veine, Mégan souligne qu'il est important de ne pas généraliser le phénomène.

« Ce n’est pas parce que tu es un influenceur que tu vas nécessairement prôner des valeurs moins bonnes par rapport à l’apparence. »

— Une citation de  Mégan Gallant, étudiante au Cégep de Rimouski

Kyliane avoue être l'une des rares jeunes femmes qui n'a pas Instagram, mais dit avoir remarqué que certains jeunes de son entourage étaient influencés à porter des vêtements de certaines marques publicisées par des créateurs de contenu.

L’enjeu de la publicité

L'omniprésence de la publicité dans le contenu des influenceurs laisse toutefois Kyliane et Mégan indifférentes. Elles estiment toutes deux qu’il est de leur responsabilité de ne pas se laisser influencer.

« Je pense qu’eux [NDLR les influenceurs] ont une responsabilité dans le message qu’ils veulent transmettre par rapport à leur placement de produit, mais nous aussi, comme consommateurs, on a une responsabilité. »

— Une citation de  Kyliane Guay, étudiante à l’UQAR

Ça ne me dérange pas, il ne faut juste pas que je me laisse influencer par ça et que je me mette une barrière par rapport à ça, renchérit Mégan.

Des vidéos sur la chaîne YouTube de PL Cloutier.

Des vidéos sur la chaîne YouTube de PL Cloutier

Photo : Capture d'écran - Youtube / PL Cloutier

Plusieurs créateurs de contenu préféreraient d’ailleurs ne pas faire la promotion de produits, ou en faire moins.

On n'a pas le choix d’accepter des campagnes publicitaires nombreuses. […] On dépend à 100 % des revenus publicitaires et inquiétez-vous pas que si on nous proposait des campagnes à l’année longue exclusives qui nous permettaient de dire non aux 15 campagnes qu’on aurait à faire dans l’année, soutient PL Cloutier.

La possibilité d’obtenir du financement public pourrait notamment réduire la dépendance des créateurs de contenu aux campagnes publicitaires, selon Nellie Brière.

« Si on trouve qu'il y a trop de publicité, ce qui est vrai, finançons-le alors. […] Il n’y a aucun fonds public pour soutenir ce genre de développement de contenu là. »

— Une citation de  Nellie Brière, spécialiste en communication numérique et réseaux sociaux

La spécialiste ajoute que ce type d’entente de financement permettrait également d’imposer certaines balises aux youtubeurs et de réguler certains aspects de leur contenu.

La SODEC, qui administre l’aide financière publique aux entreprises des industries de la culture et des communications au Québec, confirme toutefois qu’elle n’a pas d’aide financière destinée aux créateurs de contenu.

En France, le Centre national du cinéma et de l’image animée possède pourtant un Fonds d’aide aux créateurs vidéos sur Internet depuis 2017.

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