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Le bar rayé : avant tout un symbole de réussite dans le Saint-Laurent

Un bar rayé dans une rivière.

La population de bar rayé du fleuve Saint-Laurent serait en progression et peut-être même en meilleure posture que son statut d'espèce en péril ne le laisse présager.

Photo : Pêches et Océans Canada/Meghan Wilson

Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Que le bar rayé fasse l'objet d'autant d'attention ces jours-ci est en soi une bonne nouvelle. Son grand retour dans le fleuve Saint-Laurent après une absence de près de 40 ans démontre qu'il est possible pour l'homme de réintroduire une espèce qu'il a lui-même contribué à faire disparaître.

Le bar rayé se trouvait en abondance dans les eaux du Saint-Laurent.

La surpêche et la destruction de son habitat, notamment lors de l'aménagement de la voie maritime, au milieu du XXe siècle, ont contribué à sa perte.

Sous pression, la population du fleuve a complètement disparu.

Les derniers individus ont été pêchés dans les années 60. Quelques années plus tard, on a déclaré sa situation "disparu", rappelle Pascal Sirois, professeur à l'Université du Québec à Chicoutimi et titulaire de la Chaire de recherche sur les espèces aquatiques exploitées.

Réinsertion réussie

Des efforts de réintroduction du bar rayé ont été entamés en 2002. Les biologistes ont prélevé des larves et de jeunes individus de la population de la rivière Miramichi, au Nouveau-Brunswick, pour ensemencer le Saint-Laurent.

En à peine 10 ans, une progression a été observée. On a constaté une reproduction naturelle. La population se reconstituait par elle-même, explique M. Sirois.

D'une certaine manière, l'erreur du passé a été corrigée. Du moins les pronostics sont optimistes pour qu'elle le soit.

« Je trouve que c'est un beau symbole. C'est une espèce qui a disparu en raison des pratiques des humains, sans souci de l'environnement. [...] Il faut le voir très positivement cet événement-là. On a réussi à ramener cette espèce-là. »

— Une citation de  Pascal Sirois, professeur et titulaire de la Chaire de recherche sur les espèces aquatiques exploitées

L'expert ne pointe pas seulement les initiatives ciblées pour expliquer ce succès. Le fleuve Saint-Laurent, de manière générale, est en bien meilleure santé que dans les années 50.

Il faut comprendre le contexte de l'époque. On n'avait pas les lois environnementales d'aujourd'hui. On n'a plus de tuyaux d'un demi-mètre de long qui sortent des usines et qui polluent le fleuve. Je ne dis pas que c'est parfait, mais les conditions sont meilleures, relève M. Sirois.

Dans les années 50, la population du bar rayé était énorme dans le fleuve Saint-Laurent. Quelques années plus tard, il était disparu. Voici pourquoi

Optimisme

Les observations réalisées en 2012 ont permis de faire évoluer le statut du bar rayé dans le Saint-Laurent, passant de disparu à en voie de disparition. Il demeure donc protégé par la Loi sur les espèces en péril.

Mais les données disponibles, bien qu'incomplètes, laissent croire que la population serait en meilleure posture que ce que son statut ne laisse présager.

Ma perception, c'est que le bar va mieux que son statut. On peut imaginer qu'il va perdre son statut de vulnérabilité bientôt, croit Pascal Sirois. Bientôt, est-ce que c'est 2 ans, 5 ans, 15 ans? Je ne peux pas vous le dire.

« Ces évaluations-là se font à intervalles assez longs, une dizaine d'années. On peut s'imaginer que la population est dans un meilleur état. »

— Une citation de  Pascal Sirois, professeur et titulaire de la Chaire de recherche sur les espèces aquatiques exploitées

Deux frayères ont été trouvées jusqu'ici. La première, une certitude, se trouve dans la rivière du Sud, à Montmagny. L'autre serait la baie de Beauport.

C'est cette dernière zone de reproduction qui pose ou posera problème pour divers projets comme le troisième lien, le nouveau pont de l'île d'Orléans et l'agrandissement du port de Québec.

La présence du bar, et surtout de son habitat essentiel, pourrait compliquer les processus d'évaluation environnementale.

Vue du port de Québec à partir de l'île d'Orléans.

La zone entre la pointe ouest de l'île d'Orléans et le port de Québec, y compris la baie de Beauport, est considérée comme un habitat essentiel du bar rayé. Ce serait en fait un lieu de reproduction.

Photo : Radio-Canada / Léa Beauchesne

Zones d'ombre

Des inconnues persistent quant à l'utilisation de la baie de Beauport par le bar rayé.

Le statut de la baie de Beauport comme habitat de reproduction n'est pas encore établi formellement par tous les scientifiques, il y a encore des débats là-dessus, souligne Michel Baril, biologiste à la Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs.

Et s'il s'avère qu'il s'agit bien d'une frayère, d'autres données seront à préciser.

Par exemple, le port de Québec, pour son projet d'agrandissement, a récemment été invité par l'Agence canadienne d'évaluation environnementale à revoir son calcul du temps de résidence du poisson dans la baie de Beauport pendant la fraie.

Le bar [du Saint-Laurent] vit grosso modo entre Trois-Rivières et Rivière-du-Loup, explique Michel Baril. Selon lui, chaque partie du fleuve sert à son développement, d'où l'importance de comprendre le rôle que remplit chacune des sections du fleuve.

Ces données sont importantes puisqu'elles pourraient jeter les bases d'un calendrier des travaux, et ce, pour de nombreux projets.

Pascal Sirois est du même avis. Je pense qu'il faut quand même décortiquer un peu mieux le cycle vital, dit-il.

Le spécialiste n'est pas de ceux qui croient que le bar rayé empêchera carrément des projets de voir le jour. La réalité est plus nuancée et son cycle de vie demeure la clé de l'énigme. Il y a peut-être des aménagements à faire, des modalités qu'on peut appliquer tout en s'assurant qu'on protège l'espèce.

Et, en attendant, ce sont aussi les pêcheurs qui trépignent d'impatience d'en découdre avec ce poisson combatif. Pour l'instant, il faut se rendre en Gaspésie pour le taquiner.

La population de la Miramichi y est bien installée, avec près d'un million d'individus. Au tournant des années 2000, même cette population en arrachait, avec environ 5000 reproducteurs recensés. En deux décennies, sa progression y a été fulgurante.

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