Il y a 40 ans, l’école de la résistance ouvrait ses portes à Penetanguishene, en Ontario

Manifestation silencieuse devant Queen's Park le 11 octobre 1979.
Photo : Photo d'archives de Julien Laramée
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le 3 septembre 1979, l’École secondaire de la Huronie est inaugurée à Penetanguishene pour sa première et seule rentrée scolaire. D'anciens élèves se souviennent de cette année comme l’une des plus intenses de leur vie, entre une lutte acharnée pour l’éducation en français, des manifestations et des conflits familiaux.
C’est le début d’une longue crise scolaire à Penetanguishene, lorsque 54 élèves s’inscrivent en 1979 à une école non reconnue par le ministère de l’Éducation. Un moyen de pression pour attirer l’attention du gouvernement provincial, devant le refus du conseil scolaire de Simcoe d’ouvrir une école secondaire de langue française.
Mais les élèves, enseignants et membres de la communauté sont loin de se douter que ce moyen de pression allait se poursuivre pendant toute l’année scolaire.
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Les deux premières semaines ont été extrêmement mouvementées. Ça devait être temporaire. Puis il y a eu la période où l’on a décidé de continuer l’année scolaire par des cours par correspondance
, se souvient Victor Dupuis.
En 13e année, à l’époque, il est très investi en tant qu’élève et président de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO), notamment.
« C’était une expérience de vie qu’on n’aurait pas pu vivre ailleurs. On n’aurait pas pu apprendre ça en théorie. »
Sa camarade de classe de l’époque, Bernadette Marchand, se souvient d’une année remplie d’actions politiques et de manifestations, une année au cours de laquelle elle se sentait un peu rebelle.
Elle décrit cette époque comme l’une des plus belles années de sa vie.
« Je n’ai jamais rien vécu de similaire après. De vivre en groupe une cause et de tout faire pour cette cause, ce n’est pas donné à tous de vivre ça. »
Une lutte franco-ontarienne
Micheline Marchand, à l’époque en 12e année, se souvient pour sa part de la solidarité qui venait de partout en Ontario et qui lui a donné l’énergie de lutter toute l’année.
« Sans la solidarité provinciale, on n’aurait pas tenu le coup, selon moi. »
Elle cite en exemple la campagne de financement « 10 sous pour Penetang ».
Des élèves franco-ontariens envoyaient des pièces de 10 cents par la poste au conseil scolaire de Simcoe, une façon ironique de contribuer au financement de l’école que le conseil scolaire refusait de construire.
Ces petits gestes nous donnaient le courage de continuer, explique Micheline Marchand.
Rapidement, le mouvement s’étend aux quatre coins de la province et devient bien plus qu’une bataille locale, fait remarquer Victor Dupuis.
On était exposé à la province et au pays en entier
, affirme l’ancien élève. Il se souvient que, lors des manifestations, des gens d’ailleurs en Ontario venaient les appuyer.
Division au sein des familles
La lutte pour une école de langue française a aussi créé des déchirements dans la communauté de Penetanguishene, puisque la question divisait les gens. Des francophones aussi s’y opposaient.
Victor Dupuis décrit ce mouvement de l’époque comme de l’ignorance
du fait français dans un contexte où l’assimilation était bien présente.
Selon lui, les opposants au projet se sentaient menacés et avaient peur qu'on les force à parler français et à aller à l'école française
.
« C’était une période terriblement émotive et passionnée dans les deux camps. Il y avait beaucoup de tensions dans la communauté. »
Les déchirements se sont reflétés dans sa propre famille.
Il explique que sa famille immédiate l’a toujours appuyé dans ses revendications, mais que certains oncles et tantes n’ont plus jamais reparlé à sa mère après les événements, puisqu’ils s’opposaient fermement à la création d’une école de langue française dans la région.
C’était une division très difficile. Je voyais que mes actions lui faisaient mal [à ma mère]. Les oncles et tantes ont arrêté de venir nous visiter
, raconte-t-il.
Certains de ses oncles et tantes, des francophones, se sont joints au groupe Concerned Citizens for Bilingual Unity qui s’opposait à la création d'une école où tout se ferait uniquement en français.
Gain de cause pour les francophones
Il faudra plusieurs années avant de voir l’ouverture officielle de l’école dans la région. Les efforts se poursuivent après l’année à l'École de la Huronie.
Les embûches se multiplient à chaque étape du processus. La Ville et le conseil scolaire continuent de s’opposer au projet.
Micheline Marchand explique que la communauté de la région fait tout pour que le projet échoue
.
En avril 1982, l’École secondaire Le Caron célèbre finalement son ouverture officielle.
À la suite de ses études universitaires, Micheline Marchand revient dans sa région et devient enseignante à l’École Le Caron, où durant toute sa carrière elle partage avec ses élèves sa fierté d’être francophone.
Ça fait partie de qui je suis. C’est important de prêcher par l’exemple et d’être qui on est
, affirme-t-elle.
Les 40 ans de la crise scolaire seront célébrés mardi soir à Penetanguishene, dans les anciens locaux de l'école de la résistance, à l’occasion du dévoilement d’une exposition permanente créée par La Clé d’la Baie.