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Comprendre la crise politique dans laquelle s'enlise Hong Kong

Un policier de Hong Kong charge des manifestants lors des soulèvements du 10 juin 2019.

Un policier en action lors des manifestations de la fin de semaine dernière à Hong Kong

Photo : Getty Images / Anthony Kwan

Tout a commencé au début de juin avec un projet de loi controversé facilitant les extraditions vers la Chine. Depuis, les manifestations qui secouent Hong Kong sont quasi quotidiennes et de plus en plus violentes, tout comme la réponse des forces de l’ordre. Pourquoi la crise s'envenime-t-elle?

Quelle est la relation entre Hong Kong et la Chine?

Hong Kong, un important centre financier situé sur la côte sud de la Chine, est une ancienne colonie britannique. Elle a été rétrocédée à la Chine en 1997 et l’accord signé à l’époque lui garantit une certaine autonomie selon un modèle appelé « un pays, deux systèmes ».

Ce système fait de Hong Kong un territoire semi-autonome. La région possède donc ses lois bien à elle, un système de gouvernement et de justice distincts et sa propre police. Les Hongkongais jouissent aussi de certains droits dont ne bénéficient pas les citoyens de la Chine continentale, comme la liberté d’expression, la liberté d’association et l’accès non censuré à Internet.

Par exemple, c’est l’un des rares endroits en Chine où il est permis de commémorer le massacre de la place Tiananmen survenu en 1989, quand l’armée chinoise a ouvert le feu sur des manifestants pacifiques à Pékin.

L’accord de rétrocession qui garantit ces libertés et la semi-autonomie de Hong Kong échoira toutefois en 2047. Théoriquement, après cette date butoir, le territoire sera intégré au système chinois.

Or, beaucoup de Hongkongais estiment que la Chine érode déjà l’autonomie de leur territoire, le tout avec le soutien complice du gouvernement local qui est favorable à Pékin. Cette impression est fortement soutenue par le fonctionnement de l’appareil démocratique en place à Hong Kong, qui confère une influence importante à la Chine dans le choix des élus.

Qui sont les manifestants?

Hong Kong compte près de 7,5 millions d’habitants. Le mouvement de protestation actuel a vu descendre dans la rue des millions d’entre eux. Au-devant de la contestation se trouvent beaucoup d’étudiants et de jeunes, qui craignent de devoir subir de plein fouet la répression du régime chinois lorsque l’accord de rétrocession arrivera à échéance.

Or, le présent mouvement constitue la pire crise politique du territoire depuis 1997, notamment parce que la colère gagne d’autres citoyens que les étudiants et les jeunes. Il s’agit de fonctionnaires, de gens d’affaires et d’avocats, qui sont généralement réputés pour leur réserve. Leur participation est inhabituelle et révèle un large appui au mouvement au sein de la population.

Des gens en costume marchent en file dans une rue.

Des avocats et des travailleurs œuvrant au sein de l'appareil judiciaire de Hong Kong ont revêtu des costumes sombres pour prendre part à une marche silencieuse, le 7 août. Ils demandent notamment une enquête indépendante sur la crise politique déclenchée par le projet de loi facilitant les extraditions.

Photo : AFP/Getty Images / PHILIP FONG

Hong Kong n’en est pas à sa première crise politique. Comme seulement 40 des 70 sièges du conseil législatif sont élus et que le chef de l’exécutif est nommé par Pékin, les Hongkongais voient le recours à la rue comme le seul moyen véritable pour empêcher des lois d’être adoptées.

Différents mouvements ont donc agité les rues de Hong Kong, notamment en 2003 et en 2010. Mais le plus connu est celui de la révolte des parapluies, en 2014, pendant laquelle des jeunes et des militants prodémocratie avaient exigé que leur leader soit élu au suffrage universel et non nommé par Pékin. La Chine a fini par en faire la promesse, pour finalement imposer une validation en amont des candidats.

Que veulent les manifestants et quelle est la réponse du gouvernement?

Le projet de loi qui a mis le feu aux poudres visait à faciliter l’extradition de suspects vers d’autres territoires pour y être jugés. Or, la perspective que des citoyens de Hong Kong puissent être extradés vers la Chine a alerté une large partie de la population.

La raison en est que ce projet de loi érode le droit de Hong Kong de disposer de son propre système judiciaire, mais aussi parce que la transparence et l’équité du système judiciaire chinois sont fortement contestées. On craint par exemple que cette loi ne serve à extrader des dissidents pour les juger en Chine.

À la mi-juin, devant l’ampleur de la contestation, la chef de l’exécutif Carrie Lam s’est finalement excusée et a mis le projet de loi en suspens. Les manifestations n’ont toutefois pas cessé. C’est que les protestataires exigent l’abandon du projet de loi et non sa suspension, craignant qu'il ne soit adopté en catimini.

Carrie Lam, la tête baissée et les yeux fermés.

La chef de l'exécutif de Hong Kong, Carrie Lam

Photo : La Presse canadienne / AP/Vincent Yu

Leurs revendications se sont aussi élargies. Ils demandent maintenant la démission de Carrie Lam, qu’ils accusent d’avoir semé le trouble par son intransigeance, la libération des centaines de manifestants arrêtés depuis le début du mouvement et, encore une fois, l’instauration du suffrage universel, en plus d’autres réformes démocratiques.

Après sa volte-face de la mi-juin, Carrie Lam n’a fait aucune autre concession. Si elle affirme que le mouvement de contestation cause du tort à l’économie de Hong Kong, elle estime cependant que son gouvernement peut survivre à la crise en misant sur l’essoufflement des manifestants.

Résultat : les deux parties campent sur leurs positions et une escalade des tensions en résulte. D’un côté, certains manifestants se radicalisent et posent des actions violentes qui sont décriées, même si le mouvement est largement pacifique. De l’autre côté, la police n’hésite pas à faire usage de la force, suscitant de nombreuses craintes sur la scène internationale.

Le 21 juillet dernier, la violence a atteint un point culminant lorsque des individus armés de bâtons, de tringles métalliques et de battes ont fait irruption dans un train, où ils ont passé à tabac des manifestants qui quittaient un rassemblement. L’attaque a fait 45 blessés, dont quelques-uns étaient dans un état grave.

Un homme exhibe son dos couvert de blessures.

Calvin So, l'une des victimes des groupes d'hommes armés, montre ses blessures aux journalistes.

Photo : Reuters / Tyrone Siu

La police est critiquée pour avoir mis plus d'une heure à arriver sur place, malgré les appels à l'aide répétés des personnes attaquées, et de n'avoir arrêté aucun des assaillants, qui sont soupçonnés d’être liés au crime organisé chinois.

Quelle est la position de la Chine et pourrait-elle intervenir?

La Chine et Carrie Lam marchent main dans la main depuis le début de la crise, Pékin laissant le soin à cette dernière d’apaiser la colère. On dénote par contre une escalade claire dans le discours chinois.

Ceux qui jouent avec le feu périront par le feu. C’est en ces mots, au début du mois d’août, que Pékin a formulé sa menace la plus sérieuse aux manifestants hongkongais, deux mois après le début de la contestation.

La Chine a aussi qualifié, au cours de la semaine, les actes du mouvement prodémocratie de quasi terroristes, et les médias d'État ont diffusé des images de soldats et de véhicules blindés massés à Shenzhen, à la frontière de Hong Kong.

Des dizaines de véhicules sont stationnés près d'un stade.

Une centaine de véhicules militaires sont stationnés aux abords d'un stade de Shenzhen, près de la frontière avec Hong Kong.

Photo : Associated Press / Dake Kang

L'armée chinoise, qui dispose d'une garnison de plusieurs milliers d'hommes à Hong Kong, n'est pas censée se mêler des affaires du territoire. La loi autorise le commandant de la garnison à intervenir pour rétablir l'ordre seulement si les autorités locales en font la demande.

Pour le moment, la police hongkongaise affirme disposer de ressources suffisantes. Sur les 28 000 hommes et femmes dont elle dispose, environ 3000 sont engagés dans le contrôle direct des manifestations. Et des centaines de réservistes peuvent encore intervenir, assure la police.

Une action militaire risque de toute façon de ternir la réputation de la Chine sur la scène internationale et mettrait en péril le statut de territoire douanier autonome de Hong Kong, ce qui serait problématique pour Pékin, surtout dans le contexte de la guerre commerciale avec les États-Unis.

Le pouvoir central chinois et le gouvernement de Hong Kong gagnent donc, pour le moment, à miser sur l’essoufflement du mouvement. Il s'agit toutefois d'une impasse politique qui ne semble pas en voie de se résoudre.

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