ArchivesEaton : le colosse aux pieds d’argile

Vingt ans après la fermeture de la grande enseigne, le nom et l’héritage d’Eaton demeurent bien vivants.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Le 27 février 1997, l'entreprise Eaton se plaçait sous la protection de la loi de la faillite. Puis, en août 1999, elle annonçait la fermeture de grands magasins dans tout le pays, dont les fleurons de la rue Sainte-Catherine à Montréal et de la rue Yonge à Toronto.
« On s’en doutait, c’est maintenant officiel. Après 130 ans d’existence et plusieurs mois d’incertitude, Eaton disparaît », annonce la présentatrice Michèle Viroly au Téléjournal du 21 août 1999.
Le géant canadien éprouvait de sérieuses difficultés financières depuis quelques années. En 1997, il s’était placé sous la protection de la loi sur les faillites.
Certains caressaient néanmoins l’espoir que le groupe se relève à la suite d'une restructuration.
Mais voilà qu’Eaton baisse officiellement pavillon, comme l’explique le journaliste Maxence Bilodeau dans ce reportage.
Après une journée d’incertitude le 20 août, Eaton se place sous la protection des tribunaux pour liquider ses actifs.
Dès lors, les 64 succursales de la bannière canadienne cherchent essentiellement à écouler leur marchandise pour le syndic de faillite.
À terme, 13 000 employés perdront leur gagne-pain.
Un symbole qui tire sa révérence

L'édifice historique du Eaton de la rue Sainte-Catherine dans les années 80
Photo : Radio-Canada
Fondé en 1869, Eaton est un véritable empire au Canada.
Timothy Eaton a révolutionné le commerce de détail canadien avec son système novateur d'achat par catalogue et un slogan qui fera date : « satisfaction garantie ou argent remis ».
D’abord établi en Ontario, le grand magasin s’étend d’un océan à l’autre dans le premier quart du XXe siècle.
Robert Young Eaton, le neveu de Timothy, acquiert en 1925 le grand magasin Goodwin's à Montréal. Après quelques travaux, l’enseigne Eaton de la rue Sainte-Catherine deviendra, avec ses neuf étages, la plus belle du Canada.
S’ajoutent ensuite les succursales de Régina en 1926, de Hamilton et de Moncton en 1927, de Halifax et de Saskatoon en 1928, puis de Calgary et d'Edmonton en 1929.

Montréal ce soir, 20 août 1999
Au bulletin de nouvelles Montréal ce soir du 20 août 1999, le journaliste Claude Frigon dresse l’histoire du fleuron d’Eaton de la rue Sainte-Catherine à Montréal.
Peu d’entreprises au pays peuvent se vanter d’avoir été un pôle d’attraction économique, un révolutionnaire de la vente au détail, et d'être devenues au fil des ans un symbole comme l’a été Eaton.
Le catalogue, objet de convoitise et de référence jusque dans les années 70, le restaurant du 9e, conçu dans un pur esprit Art déco, et le défilé du père Noël dans la rue Sainte-Catherine, voici quelques symboles que le journaliste Claude Frigon attribue à Eaton au Québec.
Dans les années 60, le grand magasin se retrouve au cœur du débat linguistique. Des bombes du Front de libération du Québec (FLQ) visent ce symbole de la domination anglaise.
La francisation du nom de l'entreprise au Québec provoquera plus tard des tensions et même des manifestations.
Le journaliste se souvient également que le ministre libéral Pierre Macdonald avait fait une sortie publique sur l'incapacité des vendeuses anglophones chez Eaton à offrir un service en français.
Dans les années 80, la récession économique, l'arrivée de nouveaux concurrents et la fragmentation de la clientèle altèrent la vitalité du grand magasin.
Malgré ses tentatives de repositionnement, Eaton amorce son déclin.
Le magasin Eaton de la rue Sainte-Catherine ferme définitivement ses portes à l'automne 1999.
L'édifice vacant après la faillite abrite désormais le complexe les Ailes ainsi que des boutiques et des commerces variés.
Le mémorable restaurant du 9e étage est pour sa part classé monument historique depuis l’an 2000.