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Archives

Chantale Daigle et le droit à l’avortement

Louis Lemieux se promène dans un boisé avec Chantale Daigle.

Chantale Daigle a accordé quelques entrevues au journaliste Louis Lemieux durant sa bataille juridique en 1989.

Photo : Radio-Canada

Radio-Canada

En 1989, Chantale Daigle marquait l’histoire en menant jusqu’en Cour suprême son combat pour son droit de se faire avorter. À l’occasion de la sortie de la série Désobéir, le choix de Chantale Daigle, retour sur cette bataille judiciaire très médiatisée.

Le 8 août 1989, la Cour suprême du Canada connaît l’une des journées les plus mouvementées de son histoire. Le plus haut tribunal du pays donne raison à Chantale Daigle, qui souhaitait avoir recours à un avortement contre l’avis de son ex-conjoint.

Cette décision est historique parce qu'elle crée un précédent.

Un an plus tôt, la Cour suprême du Canada avait décriminalisé l'avortement avec l’arrêt Morgentaler. Un jugement qui s’appuyait sur le droit des femmes à la liberté et à la sécurité garanti par la Charte canadienne des droits et libertés.

Avec l'affaire Tremblay contre Daigle, la Cour suprême statue que seule la femme peut décider ou non de mener sa grossesse à terme.

L'urgence qu'exige la cause est aussi exceptionnelle. En un mois, Chantale Daigle et Jean-Guy Tremblay obtiendront des décisions de la Cour supérieure, de la Cour d'appel du Québec et de la Cour suprême du Canada.

Une véritable frénésie médiatique s’installe autour de cette bataille juridique qui soulève les passions des mouvements pro-choix et pro-vie à travers le pays.

Reportage de Céline Galipeau sur l'affaire Barbara Dodd en Ontario dont le conjoint voulait empêcher l'avortement. En introduction, la présentatrice parle brièvement de l'injonction provisoire qu'a obtenu Jean-Guy Tremblay pour bloquer l'avortement de Chantal Daigle.

Voici la première mention de l’affaire Chantale Daigle dans nos archives.

Au Téléjournal du 7 juillet 1989, sans les nommer, la présentatrice Suzanne Laberge signale brièvement que Jean-Guy Tremblay a obtenu d’un juge de la Cour supérieure du Québec une injonction provisoire interdisant à Chantale Daigle de se faire avorter.

Au début du mois de juillet, la femme qui était alors enceinte de 18 semaines a quitté son conjoint. C’est en raison de cette rupture qu’elle désire mettre fin à sa grossesse.

Son ex-conjoint voit les choses autrement. Il réclame des droits en tant que père biologique et veut empêcher l'avortement.

Pour faire cette demande devant les tribunaux, Jean-Guy Tremblay s’est inspiré d’une affaire qui fait les manchettes en Ontario et dont il est question dans ce reportage de la journaliste Céline Galipeau.

La poursuite judiciaire qui oppose les Torontois Barbara Dodd et Gregory Murphy prendra fin en Cour d’appel de l’Ontario.

Dans le cas de Jean-Guy Tremblay et Chantale Daigle, d’autres péripéties tiendront le public en haleine.

Chantale Daigle devant la Cour supérieure du Québec

Chantale Daigle veut faire lever l’injonction temporaire qui l’empêche d’avoir recours à un avortement. Pour se faire, elle doit se battre en cour.

Reportage de Louis Lemieux sur le passage de Chantal Daigle en Cour supérieure du Québec, à Val-d'Or. Le bulletin de nouvelle est présenté par Robert-Charles Longpré.

Le 16 juillet 1989, le journaliste Louis Lemieux la rencontre pour le Téléjournal à la veille du jugement qui sera rendu au palais de justice de Val-d’Or.

Bien qu’il s’agisse d’une cause civile, les groupes de pression pro-vie et pro-choix ont bien saisi son importance sur la question de l’avortement.

Chantale Daigle confie au journaliste qu’un avocat pro-vie lui a offert 25 000 $ pour qu’elle garde son enfant.

La femme de 21 ans se dit imperméable au débat autour d’elle. Elle soutient que sa cause est personnelle et qu’elle est déterminée à se faire avorter.

« C’est ma décision. C’est à moi qu'il appartient de faire ce que j’entends le mieux avec mon corps. »

— Une citation de  Chantale Daigle

Le 17 juillet 1989, le juge Jacques Viens de la Cour supérieure du Québec ordonne à Chantale Daigle de mener sa grossesse à terme.

Si elle se fait avorter, Chantale Daigle risque une peine de deux ans de prison et 50 000 $ d'amende.

Chantale Daigle porte sa cause en appel.

Chantale Daigle devant la Cour d’appel du Québec

« La Cour d’appel du Québec a rendu cet après-midi une décision sans précédent au pays, une décision partagée 3 contre 2. L'injonction qui interdit à Chantale Daigle de se faire avorter est maintenue. »

— Une citation de  Le présentateur Charles Tisseyre

Reportage de Jean Larin sur la décision de la Cour d'appel du Québec de maintenir l'injonction empêchant Chantal Daigle de se faire avorter. Le bulletin de nouvelles est présenté par Charles Tisseyre.

La nouvelle fait la une du Téléjournal du 26 juillet 1989 animé par Charles Tisseyre.

La Cour d'appel du Québec donne gain de cause à Jean-Guy Tremblay.

Comme l’explique le journaliste Jean Larin, trois des cinq juges de la Cour d’appel estiment que le fœtus a des droits et que, dans le cas présent, ils priment sur ceux de la mère.

Ce jugement sans précédent au pays impose des limites au droit des femmes de disposer de leur corps.

Le présentateur Charles Tisseyre annonce en conclusion du reportage que Chantale Daigle compte en appeler devant la Cour suprême du Canada.

Jean-Guy Tremblay considère de son côté que l’affaire est terminée : « J'ai gagné ma cause, c'est fini, j'attends l'enfant asteure ».

Chantale Daigle devant la Cour suprême du Canada

En temps normal, un cas peut mettre une dizaine d’années pour franchir toutes les étapes avant de se rendre en Cour suprême du Canada.

Dans l’affaire Tremblay c. Daigle, les neuf juges de la Cour suprême sont rappelés de leurs vacances estivales pour entendre la cause.

Les audiences s’ouvrent le 8 août 1989, un mois à peine après la première action en justice de Jean-Guy Tremblay. Du jamais-vu dans l'histoire judiciaire du pays.

Reportage de Jean Larin sur la décision de la Cour suprême du Canada en faveur de Chantal Daigle. Louise Beaudoin a recueilli les réactions de groupes pro-vie et pro-choix. Le bulletin de nouvelles est présenté par Charles Tisseyre.

Ce qui entrera également dans les annales judiciaires, c’est la surprise qui attend les juges lors de la première journée d’audience de la Cour suprême.

Au beau milieu des plaidoyers, ils apprennent que Chantale Daigle a subi dans le plus grand secret un avortement la semaine précédente.

L’avocat Daniel Bédard les convainc d’entendre tout de même la cause. D’une part parce que Chantale Daigle est à présent passible d’outrage au tribunal. D’autre part parce que le jugement de la Cour d’appel du Québec menace les droits de toutes les femmes de la province.

Après une heure de délibérations, le plus haut tribunal au pays casse dans un jugement unanime l’injonction interdisant l’avortement de Chantale Daigle.

« Aujourd’hui, la Cour suprême du Canada a unanimement donné raison à Chantale Daigle qui pourtant a fait un pied de nez au système juridique en défiant une injonction », résume le journaliste Jean Larin.

Son reportage au Téléjournal est suivi des réactions des groupes pro-vie et pro-choix recueillies par la journaliste Louise Beaudoin.

Les groupes pro-vie encouragent Jean-Guy Tremblay à poursuivre la bataille juridique et demandent une enquête sur l’avocat de Chantale Daigle, Daniel Bédard.

Les groupes pro-choix invitent Chantale Daigle à se joindre au rassemblement de solidarité qui aura lieu dans plusieurs villes du Canada au lendemain de ce jugement historique.

Chantale Daigle raconte son histoire

Entrevue de Louis Lemieux avec Chantal Daigle qui revient sur toutes les étapes de sa bataille juridique et personnelle. L'émission est présentée par Anne-Marie Dussault.

« Chantale Daigle est devenue bien malgré elle un symbole dans la lutte pour le libre choix à l’avortement. Nous vous présentons ce soir l’entrevue tant attendue qu’elle accordait à Louis Lemieux dans le but de mettre un terme à toute cette affaire. »

— Une citation de  L'animatrice Anne-Marie Dussault

Le 15 août 1989, une semaine après la décision de la Cour suprême, Radio-Canada présente en émission spéciale une longue entrevue avec Chantale Daigle.

Comme explique le journaliste Louis Lemieux à l’animatrice Anne-Marie Dussault, un journal britannique a payé pour obtenir une première entrevue exclusive avec Chantale Daigle.

Pour boucler cette affaire, Chantale Daigle accorde également une entrevue à Louis Lemieux qui a couvert dès le départ son histoire depuis Val-d’Or.

Chantale Daigle revient sur sa relation trouble avec Jean-Guy Tremblay qui a motivé sa décision de ne pas mener sa grossesse à terme. Elle explique aussi pourquoi elle est allée se faire avorter en catimini aux États-Unis.

Consciente qu’elle commettait un outrage au tribunal, Chantale Daigle était prête à y faire face, mais elle ne pouvait croire qu’on lui ferme la porte ainsi.

« Est-ce qu’il y a vraiment quelqu’un qui va oser mettre une femme en prison parce qu'elle a voulu faire valoir ses droits? »

— Une citation de  Chantale Daigle

Dans cette entrevue, elle parle aussi de l’étalage au grand jour de sa vie privée et du soutien indéfectible de ses proches.

Bien que soutenue moralement par le mouvement pro-choix, Chantale Daigle n’a jamais voulu y être associée. Elle a refusé son aide financière et a gardé le même avocat de Val-d’Or tout au long de la bataille juridique.

Maintenant que la décision de la Cour suprême a été rendue en sa faveur, Chantale Daigle comprend mieux son impact. Elle ne veut néanmoins pas devenir un symbole de cette lutte.

« Je ne suis pas pour l’avortement à 100 %. Je suis pour le libre choix à 100 %! »

— Une citation de  Chantale Daigle

Chantale Daigle affirme avoir simplement fait sa contribution et souligne l’importance de continuer à parler du droit à l’avortement.

« Ça nous a tous fait grandir sans le vouloir », conclut Chantale Daigle. « Je suis restée la même que j’étais au mois de juin, avant que tout ceci se passe. J’ai fait valoir mon droit, et puis c’est tout ».

En novembre 1989, la Cour suprême du Canada dévoile les fondements juridiques de sa décision dans l'affaire Daigle c. Tremblay.

La Cour suprême statue que seule la femme peut décider ou non de mener sa grossesse à terme. Le fœtus n’a pas de personnalité juridique et le père n’a pas de veto à opposer à la décision d’avorter de la mère.

Dans l’année qui suit, le gouvernement de Brian Mulroney dépose un projet de loi pour encadrer l'avortement. Le projet de loi est adopté aux Communes, mais il est bloqué au Sénat.

Depuis ce temps, il n'y a pas de loi restreignant le droit à l'avortement au Canada.

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