Aux États-Unis, le suprémacisme blanc nourrit la violence

Un rassemblement de suprémacistes blancs a viré au drame à Charlottesville, en Virginie, le 12 aoùt 2017.
Photo : Getty Images / Chip Somodevilla
En 2017 et 2018, selon le centre d'analyse New America, les violences d'extrême droite ont fait plus de victimes aux États-Unis que les attaques djihadistes. La fusillade survenue au Texas confirme les craintes d’un « terrorisme blanc », galvanisé par l'idée d'un « grand remplacement » orchestré par les populations immigrantes.
« Les vies perdues à Charleston, San Diego, Pittsburgh et, vraisemblablement désormais aussi à El Paso, sont les conséquences d'un terrorisme nationaliste blanc », a estimé Pete Buttigieg, candidat à la primaire démocrate, en référence à des attaques menées dans une église noire et deux synagogues et à celle de samedi dans un centre commercial du Texas.
Samedi, un homme blanc de 21 ans a tué 20 personnes, dont 6 Mexicains, à El Paso, au Texas. Cette ville, située tout près de la frontière mexicaine, compte plus de 80 % d’Hispaniques ou de Latino-Américains d’après le Bureau du recensement des États-Unis.
Rapidement, la police a mis la main sur un manifeste publié par le tireur dans lequel il dénonce « une invasion hispanique du Texas ». Il fait également référence à l’attentat commis par un suprémaciste blanc dans des mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, qui avait fait 51 morts.
L’affaire d’El Paso est donc traitée comme un cas de « terrorisme intérieur », ont annoncé les autorités fédérales.
Depuis le début de l’année, le FBI a déclaré avoir arrêté 100 personnes soupçonnées de vouloir commettre des actes de terrorisme intérieur.
L’an dernier déjà, le FBI avait procédé à davantage d'arrestations liées à du terrorisme intérieur qu'au terrorisme international.
Le directeur du FBI, Christopher Wray, a déclaré en juillet dernier que les personnes impliquées dans la majorité des affaires de terrorisme intérieur sont motivées par l’idéologie véhiculée par les suprémacistes blancs.
L’extrême droite est responsable de la majorité des attentats qui ont lieu aux États-Unis depuis le 11 septembre 2001
, a indiqué Francis Langlois sur ICI RDI. Il est chercheur associé de l’Observatoire sur les États-Unis à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques.
Pourtant, encore aujourd’hui, les attentats commis par des djihadistes sont plus craints.
Même sous le gouvernement du démocrate Barack Obama, les services de renseignements ont souvent ignoré les menaces d'extrême droite pour des raisons politiques
, a écrit en mars Robert McKenzie, du centre d'analyse New America.
Christopher Wray s'était alors défendu en assurant que ses services étaient très actifs
face à la menace posée par les suprémacistes blancs.
Trump accusé
Plusieurs élus démocrates montrent du doigt le comportement du président Donald Trump, accusé d’attiser la haine et de donner une légitimité aux idéologies des suprémacistes blancs.
La rhétorique du président encourage des crimes haineux comme celui qu’on a vu à El Paso
, a dit Beto O’Rourke, candidat à l’investiture démocrate et originaire de la ville texane.
« On récolte ce que l'on sème. Il est en train de semer des graines de haine dans ce pays. La violence à laquelle nous assistons peut lui être reprochée. »
Le président depuis sa première campagne utilise, dans ses discours, des bribes de ce qui se dit dans le milieu de l’extrême droite. Il est allé chercher des idées de l’Alt Right
, indique également Francis Langlois, tout en précisant toutefois que jamais Donald Trump n'a appelé au meurtre.
Donald Trump a repris à son compte l'idée d'une « invasion » de migrants, a refusé de condamner des manifestations violentes d'extrême droite à Charlottesville, en août 2017, et a récemment appelé des parlementaires de l'opposition issues des minorités à « retourner » dans leur pays.
Après l’attentat de Christchurch, il a assuré que le nationalisme blanc n’était pas une réelle menace et que cela ne concernait qu’un petit groupe de personnes.
La Maison-Blanche a toutefois assuré que le président condamnait ces actes.
Ce sont des gens malades, et le président le sait
, a dit Mick Mulvaney, le chef de cabinet par intérim de la Maison-Blanche lors d’une entrevue sur la chaîne ABC.
Le président Trump a qualifié la fusillade d'El Paso d'« acte de lâcheté », sans s'étendre sur les motifs présumés du suspect. Dans les deux cas, c’est de la maladie mentale
, a-t-il encore dit.
Le maire républicain d'El Paso a réduit la tragédie dans sa ville à l'acte d'un « homme dérangé, purement diabolique ».
Toutefois, pour certains républicains, cette explication ne suffit plus.
La lutte contre le terrorisme est déjà une priorité, je pense qu'elle devrait inclure de s'opposer avec fermeté au terrorisme blanc
, a tweeté George P. Bush, le neveu de l'ancien président George W. Bush élu au Texas. C'est une menace réelle et actuelle
, a-t-il poursuivi.
La suprématie blanche, comme toute autre forme de terrorisme, est un fléau qui doit être détruit
, a tweeté la fille du président Ivanka Trump.
Plusieurs voix se sont également levées pour demander un meilleur contrôle de l’accès aux armes à feu dans le pays.
Donald Trump a promis que son gouvernement « allait s'occuper » de ce problème en faisant référence aux meurtres de masse. Il n'a fait aucune allusion à un renforcement de la législation contre les armes à feu.