Archives1969 : Que se cache-t-il derrière la Maison du pêcheur de Percé?

La Maison du pêcheur a été un reflet des revendications de la société québécoise de la fin des années 1960.
Photo : Radio-Canada
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
À l’été 1969, certains jeunes qui fréquentent la Maison du pêcheur à Percé déclenchent l’hostilité d’une partie de la population de ce village gaspésien. Les journalistes de Radio-Canada nous aident à mieux comprendre la signification de cette histoire.
Faudrait pas que ça revienne, ça, parce que ça fait pas de bien.
C’était le choc, et des générations et des gens de la ville par rapport aux gens de village. Alors eux, ils pensaient aller faire de l’animation sociale, ils voulaient communiquer, mais le message ne passait pas.
Des jeunes voyageurs expulsés de Percé
À l’été 1969, ça a brassé dans le village de Percé, en Gaspésie.
On a expulsé des jeunes voyageurs en les faisant arroser par les pompiers et en condamnant leur lieu de rencontre.

L’incident fait tellement de bruit qu’à l’été 1970, une équipe de l’émission Format 60 vient à Percé pour interroger les citoyens du village.
Le reportage, diffusé le 12 juin 1970, nous montre la journaliste Denise Bombardier recueillant les réactions de la population locale à un possible retour de jeunes voyageurs qui pourrait provoquer de nouveau la bisbille dans le village.
La Maison du pêcheur
Ces interviews nous replongent dans ce qu’on peut appeler l’histoire de la Maison du pêcheur de Percé.
À l’été 1969, un groupe de jeunes, venant principalement de Montréal, a mis sur pied à Percé ce qui a été appelé la Maison du pêcheur.
Il s’agit d’un endroit où les jeunes peuvent venir loger pour visiter sans trop de frais le village de Percé, qui est déjà à cette époque un site de villégiature prisé.
La Maison du pêcheur se veut aussi un lieu de rencontre et de discussion avec la jeunesse locale.
Parmi ces jeunes Montréalais, il y a les frères Jacques et Paul Rose et Francis Simard. À ces jeunes de la métropole se joint Bernard Lortie, un fils de pêcheur gaspésien.
Ces noms d'inconnus feront la une des nouvelles en octobre 1970.
Ces jeunes voyageurs, dont plusieurs sont des étudiants, dérangent plusieurs personnes à Percé.
On les trouve trop débraillés et trop libres. On soupçonne qu’ils consomment de la drogue. Les commerçants du coin les accusent de faire « fuir les touristes ».
En juillet 1969, le conseil municipal de Percé adopte une résolution de fermeture de la Maison du pêcheur et expulse ceux qui y vivent.
Une maison qui reflète les changements de la société québécoise
Avec les gens autour de Paul Rose à la Maison du pêcheur, c’est qu’ils se préoccupent tout à coup des gens.
L’histoire de la Maison du pêcheur pourrait être anecdotique. Elle ne l’est cependant pas.
Ceux qui habitent la Maison du pêcheur, et leurs motivations pour créer ce lieu, reflètent les importantes transformations que vit la société québécoise à l’époque.
C’est l’analyse que propose le cinéaste Alain Chartrand, qui réalise un film sur ce sujet en 2013.

Il y avait un contexte social à l'histoire de la Maison du pêcheur.
Photo : Radio-Canada
Le 15 septembre 2013, l’animateur de RDI matin, Louis Lemieux, interviewe Alain Chartrand et le dramaturge Jean-Claude Germain sur le contexte qui entoure l’histoire de la Maison du pêcheur.
À l’été de 1969, racontent-ils, le monde est en ébullition et revendique.
On est un an après Mai 1968 et le printemps de Prague en Europe. Aux États-Unis, les manifestations pour les droits civiques et la fin de la guerre du Vietnam se font entendre aux quatre coins du pays.
Au Québec, on assiste à la montée du mouvement nationaliste et à la contestation de décisions gouvernementales comme celle de fermer des villages en Gaspésie.
Les jeunes qui habitent la Maison du pêcheur font écho à cette rumeur du monde.

Jeune de la Maison du pêcheur de Percé en 1969
Photo : Radio-Canada
Le 6 août 1969, l’émission Aujourd’hui présente une entrevue avec certains de ces jeunes qui montre leur haut niveau de conscience sociale.
On entend notamment Paul Rose et Francis Simard partager leur vision de la société.
Paul Rose dénonce notamment l’exploitation des Gaspésiens et du peuple québécois. Il vante par ailleurs l’unité et l’action collective.
Les paroles de Paul Rose et de Francis Simard laissent déjà entrevoir le déroulement d’événements qui auront lieu quelques mois plus tard au Québec.
En octobre 1969, quelques semaines après leur expulsion de la Maison des pêcheurs, les frères Rose, Francis Simard et Bernard Lortie quittent Percé.
Ils fonderont par la suite la cellule Chénier qui s’intégrera au Front national de libération du Québec (FLQ).
En octobre 1970, la cellule Chénier enlèvera le ministre québécois de l'Immigration, du Travail et de la Main-d’œuvre Pierre Laporte.
C’est un des principaux épisodes de ce qu’on appellera la crise d’Octobre 1970.
Mais ça, c’est une autre histoire.