Unplanned, un film anti-avortement qui raconte « une histoire fidèle », dit son réalisateur

Le film américain Unplanned raconte la conversion au militantisme anti-avortement d'une directrice de clinique de planification familiale.
Photo : Pureflix
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Unplanned, que l’on pourrait librement traduire par « non planifié », est le titre d'un film américain contre l'avortement qui suscite la controverse au Canada, à quelques jours de sa projection en salle. Basé sur une histoire vraie, ce film écrit, réalisé et produit par des groupes chrétiens dépeint l'avortement comme une intervention dangereuse et risquée, ce que dénoncent plusieurs experts et organismes pro-choix.
D'après un reportage de Nancy Caouette
Le long métrage relate un récit autobiographique basé sur l'histoire d'Abby Johnson, une ambitieuse mère de famille qui dirige un centre de planification familiale au Texas.
La femme, qui a elle-même interrompu deux grossesses, a milité pour le droit à l'avortement, jusqu'au jour où « ce qu'elle a vu a tout changé ». On en a même fait le slogan du film.
Selon les dires d'Abby Johnson, c'est lorsqu'elle a aperçu pour la première fois un fœtus de 13 semaines ressentir un inconfort, voire une douleur, au moment d'être aspiré au cours d’un avortement que son avis sur la question a changé. Cet évènement, qu’elle qualifie de traumatisant, l'a ainsi poussée à retourner sa veste pour devenir une membre influente du mouvement anti-avortement américain.
« Une histoire fidèle »
Le film, qui sera à l’affiche dans plusieurs salles au Canada, met également en scène trois avortements sanglants, quasi mortels, qu'Abby Johnson affirme avoir vus ou vécus.
Le coscénariste et coréalisateur du film, Chuck Konzelman, qualifie de « génocide » les lois en faveur de l'avortement. Il souligne que l'histoire d'Unplanned est « très fidèle » à ce qu'a vu Abby Johnson. « Nous avons pris grand soin de présenter les faits comme elle les a vécus et décrits dans son livre », dit-il, ajoutant que son histoire est plausible.
Or, plusieurs médecins qui défendent le droit des femmes et scientifiques en doutent.
Sociologue à l'Université de Californie, à San Francisco, Gretchen Sisson dirige un programme de recherche sur les représentations de l'avortement à la télévision et au cinéma américains. Elle soutient que les histoires comme celle qui est dépeinte dans Unplanned « ne sont pas basées sur les meilleures données scientifiques qui existent par rapport aux procédures d'avortement aux États-Unis ».
On présente les histoires en y intégrant les croyances du mouvement [anti-avortement], et ces films sont de plus en plus communs aux États-Unis.
La porte-parole de l'Association canadienne pour le droit à l'avortement, Marianne Labrecque, qualifie ce film, qu'elle a elle-même regardé, de propagande.
Que les fœtus se débattent pour ne pas se faire avorter, c’est faux. C’est scientifiquement faux.
Son organisme demande notamment aux propriétaires de cinémas d'afficher clairement, au début du film, qu'il s'agit d'une fiction.
Peut-on parler de propagande?
Selon le propriétaire de la seule chaîne de cinémas qui présentera Unplanned au Québec, Vincent Guzzo, il s'agit d'une fiction, certes romancée, mais qui apporte une saine diversité des points de vue. Selon lui, il est clair qu’il ne s’agit pas ici d’un documentaire.
C’est clôt, [le débat sur] l’avortement au Québec. Il n’y a rien de mal dans un débat.
Au Canada, des propriétaires de cinéma disent avoir reçu des menaces visant à les contraindre de projeter le film.
Selon Vincent Guzzo, la limite à ne pas atteindre est de présenter des films qui diffusent un message de haine ou qui incitent à la violence. Controverse ou non, le film Unplanned doit être projeté dans une soixantaine de salles de cinéma au pays.
« Ne pas avoir honte »
Aux États-Unis, le film a bien fonctionné dans les villes et les États considérés comme les plus républicains, si bien qu'il a remboursé ses coûts de production de 6 millions de dollars en une seule fin de semaine.
Le réalisateur Chuck Kolzenman espère que son film permettra d'offrir un réconfort aux femmes qui ont vécu un avortement en leur faisant comprendre que, comme Abby, elles n'ont pas à avoir honte et qu'elles peuvent militer contre l'avortement.
Dans un contexte où des États américains républicains comme l'Alabama, l'Ohio ou la Georgie multiplient les projets de loi contre l'avortement, la sociologue Gretchen Sisson affirme que ces films cherchent aussi à influencer le vote des croyants.
Ce film ne vise pas nécessairement à faire changer les gens d'opinion. Il cherche plutôt à créer un lien émotif fort avec les gens qui sont d'accord avec [son propos], pour que ces croyances se transposent dans leurs discussions politiques ou encore dans leurs manières de voter
, croit-elle.
L'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS) compile des statistiques sur les avortements pratiqués dans tous les hôpitaux du pays, sauf au Québec. En 2017, l'organisme canadien a rapporté que 98 % des avortements pratiqués dans des hôpitaux du pays n'avaient connu aucune complication.
Les hémorragies surviennent dans moins de 1 % des cas.