#BeachBody, pour en finir avec la pression sociale du corps parfait

Emmanuelle a posé pour Beach body, une initiative de l'artiste Hamza Abouelouafaa, qui souhaite faire un pied de nez aux standards de beauté.
Photo : Hamza Abouelouafaa
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Noyer les quelque 10 millions de photos associées au mot-clic #BeachBody et retrouver l’essence de l’expression « corps de plage ». C’est le défi de taille – au sens propre comme au figuré – de l’artiste multidisciplinaire Hamza Abouelouafaa, qui a dévoilé cet été une série de clichés de corps diversifiés et de témoignages poignants pour déjouer la pression sociale d’avoir un corps parfait.
Tapez le mot-clic #BeachBody sur l’application Instagram.
Ce que vous y verrez, si vous prenez le temps de faire défiler les 10,6 millions de publications (c’est le nombre affiché au moment d’écrire ces lignes), ce sont beaucoup de photos de femmes ou d’hommes au corps sculpté, sans l’ombre d’un pli de ventre, la peau exempte de vergetures, lisse et bronzée.
« Ces gens-là accolent leur photo avec ce mot-clic pour dire qu’ils ont un corps rêvé pour aller à la plage et à la piscine. C’est correct d’avoir ce corps-là, mais ce n’est que celui-là qui est mis de l’avant, ou presque », explique Hamza Abouelouafaa. Et c’est ça qui pose problème, particulièrement chez nous, au Québec ou au Canada, dit-il.
C’est à partir d’une réflexion bien personnelle que l’artiste a eu envie de jouer dans les définitions étroites des standards de beauté.
Main dans la main avec l’organisme Les 3 sex*, qui milite pour la santé sexuelle, il a photographié l'été dernier près d’une vingtaine de personnes qui ont laissé leurs réserves de côté, posant devant l’objectif comme si leur corps n’était qu’un corps, tout simplement.
« Ils ont posé à froid devant moi. Ce sont des gens qui ont déjà entamé un parcours pour accepter leur corps. Pour certains, c’est un combat de tous les jours. Pour d’autres, cette initiative était une façon de réitérer qu’ils acceptent leur corps, qui est différent des normes de beauté. »
Et le photographe insiste : l’exposition Beach body ne cherche pas à faire avaler toute crue la notion d’acceptation du corps.
C’est un processus. Ça n’arrive pas du jour au lendemain. J’ai beaucoup d’empathie pour ceux et celles qui ont fait la séance, parce que je me serais choké moi-même!
À coups de photos et de témoignages, l’artiste a comme objectif ultime que la société normalise les corps... Tous les corps.
« Beach body, en français, ça veut dire "corps de plage". On veut ramener ça à son essence : un corps de plage, c’est tout simplement n’importe quel corps sur la plage. On veut enlever cette pression sociale d’avoir un corps parfait. »
Au Québec, on porte tellement de couches, et l'on s’abreuve de ce genre de photo pendant la période hivernale, ajoute-t-il. Puis quand arrive l’été, après 8 à 10 mois de rude hiver, je suis toujours un peu surpris de revoir mon corps.
Il invite d’ailleurs tous les gens à ajouter le mot-clic #BeachBody lors de la publication d’une photo sur les réseaux sociaux, « pour noyer les 10 millions de photos où l'on y montre pratiquement le même corps », explique-t-il.
Prendre la pose, une catharsis
Voici quelques photos et témoignages qui ont fait partie de l'exposition #BeachBody.
Éric
Je n'ai pas de souvenir de moi non obèse. Enfant, mais surtout adolescent, j'ai vite compris que ce corps était laid, indésirable.
« Même aujourd'hui, à l'aube de la quarantaine, je ne trouve pas mon corps beau. Le dévoiler apporte comme un murmure : des petites voix du passé en écho distant. Je dirais que j’y suis devenu plutôt indifférent avec l’estime et le temps : entre autres parce que mon corps, dans le fond, ressemble à tellement d'autres. »
Des plis, des poils, des bourrelets, mais aussi des muscles forts, des os solides, de la peau douce… Tout ce qu’il faut pour goûter, toucher et percevoir le monde, pour donner et recevoir de l’amour et de la tendresse.
Jessica
Il arrive un moment où il faut apprendre à lâcher prise, à aimer ses imperfections et à tout simplement être grateful pour notre corps, qui nous porte durant toutes ces années et qui nous permet de faire tout ce qu'on fait au quotidien.
« J'ai consacré trop de temps et d'énergie aux régimes, à détester mon corps et à me comparer aux autres. »
Certes, il y a des moments où je hais ma face ou mon ventre, mais ça finit par passer.
Marouane
Il y a, évidemment, la peur du regard et du jugement des autres, que mon corps soit perçu comme différent, bizarre ou anormal. C'est un des vestiges psychologiques intériorisés de mon enfance et adolescence, moment où j'étais obèse, car mon corps actuel ne s'éloigne pas beaucoup de la "norme".
« Les sentiments qui m’habitent quand je mets un maillot sont la honte et la pudeur. Ce sont des principes sur lesquels j'ai été éduqué pendant mon enfance dans une culture où les corps doivent être dissimulés le plus possible. »