Des tonnes de matières recyclables à l'enfouissement
Site d’enfouissement Complexe Enviro Connexions Lachenaie
Photo : Radio-Canada / Pierre Deshaies
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Environ la moitié des matières recyclables générées par les Québécois se retrouvent encore aujourd’hui dans des dépotoirs plutôt que d’être recyclées. Le ministre de l’Environnement du Québec, Benoît Charette, promet d’y voir.
Le site d'enfouissement de Lachenaie à Terrebonne au nord de Montréal surprend n'importe quel visiteur par son ampleur. Le va-et-vient continuel de camions à ordures témoigne de l'importance du site, qui est un des plus importants au Québec et le seul sur le territoire de la grande région de Montréal.
« On dépose les déchets de 40 % des gens du grand Montréal. »
Chaque jour, de 500 à 800 camions de déchets viennent décharger leur cargaison qui provient des municipalités de la Communauté métropolitaine de Montréal. Des ordures comprenant plusieurs tonnes de matières recyclables que les gens ont mises à la poubelle plutôt que dans leur bac de récupération.
Selon André Chulak, qui est coordonnateur aux communications au Complexe Enviro Connexions et qui y travaille depuis 20 ans, il est fréquent de voir ces matières côtoyer les déchets sur le site. « On retrouve beaucoup de plastique, de papier, de carton et du verre. On peut retrouver parfois des pneus. Des matelas qui sont recyclés aussi au Québec. Donc, il y a plein de matières qui peuvent être recyclées et qui souvent ne vont pas dans la bonne filière. » Il ajoute : « Il y a une bonne partie, comme on peut le remarquer, qui n'a simplement pas été mise dans le bac. »
Environ la moitié des matières recyclables générées par les Québécois sont envoyées à l'enfouissement. Au coeur du site, on constate rapidement l'omniprésence de ces matières. Partout autour de nous, des sacs des plastiques et des pellicules plastiques notamment jonchent le sol. « On retrouve beaucoup de plastiques à usage unique, beaucoup d'emballages, donc des objets qui ont servi à envelopper, emballer d'autres objets. »
Des matières qui proviennent des ordures ménagères et des rejets des centres de tri.
« Nous ce qu'on reçoit des centres de tri, c'est les rejets, les matières qui ne sont pas recyclables. »
Le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard, estime que trop de matières recyclables, dont celles provenant des commerces, se retrouvent aux ordures . « Si les coûts d'élimination étaient beaucoup plus élevés qu'ils ne le sont actuellement, on aurait peut-être moins de plastique dans les dépotoirs, mais actuellement, malheureusement, pour une compagnie qui regarde un peu son budget, l'enfouissement coûte encore beaucoup moins cher que le recyclage. »
Dans le site de Lachenaie à Terrebonne, plus d'un million de tonnes de déchets sont enfouies par année. En plus d'y envoyer plusieurs tonnes de plastiques, le site reçoit également du verre de la cueillette sélective, de la matière rejetée par les centres de tri, selon André Chulak du Complexe Enviro Connexions. « C'est du verre, des pots de cornichons, des bouteilles de vin qui ont été déposées. C'est une qualité de verre qu'on reçoit qui pourrait être rejetée, mais que nous on va valoriser en construisant des routes, des routes qu'on a besoin sur notre site. Il est récupéré, mais il n'est pas recyclé. »
Le ministre québécois de l'Environnement, Benoit Charette, juge que la situation est inacceptable et qu'elle doit être corrigée parce qu’elle mine la confiance du public. « Ce sont les gens qui finissent par se demander "est-ce que ça vaut la peine de faire ce geste ou faire cet effort de mettre la bouteille de vin ou le contenant de plastique dans le bac bleu?" »
Le ministre Charette promet d'agir pour corriger la situation. « Comme gouvernement, avec les centres de tri et l'industrie, on a la responsabilité maintenant de trouver des débouchés pour toute cette matière qui arrive semaine après semaine aux centres de tri. »
Selon Recyc-Québec, 72 % du verre et 65 % du plastique généré par les Québécois se retrouvent dans des sites d'enfouissement. Le directeur général du Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets, Karel Ménard, ne voit rien d'étonnant dans le fait d'avoir autant de plastiques dans les dépotoirs.
« On produit trop de plastiques, donc c'est sûr que ça se retrouve dans les lieux d'enfouissement. Un commerçant aujourd'hui, un producteur, peut mettre sur le marché un produit non recyclable, moi je trouve ça aberrant. Au moins, on devrait s'assurer qu'un produit mis en marché au Québec soit recyclable et recyclé, parce qu'il y a une grosse nuance et, idéalement, localement », précise-t-il.
À Lachenaie, André Chulak voit d'un bon oeil la promesse du gouvernement de Justin Trudeau d'interdire les plastiques à usage unique en 2021. « Si on jette un coup d'œil, plusieurs objets qui sont visuellement apparents, ce sont des objets qui ont servi à peine une fois, donc c'est eux qui vont disparaître. Ça va faire une belle différence. »
Le ministre Charette affirme pour sa part qu'« il faut diminuer à la source, l'usage de ce type de plastique là. »
Le gouvernement fédéral et les provinces se sont entendus pour élaborer un plan d'action visant à harmoniser progressivement le recyclage et la réduction des déchets de plastique au pays, quoique les détails de cette stratégie nationale restent à préciser.