Recentré et censé être mieux géré, le Fonds vert changera de nom

Le Fonds ne servira dorénavant qu'à lutter contre les changements climatiques, a souligné le ministre Benoit Charette.
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Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Québec passe de la parole aux actes et annonce une réforme en profondeur du controversé Fonds vert, qui deviendra le Fonds d'électrification et de changements climatiques (FECC). Son Conseil de gestion sera aboli, tout comme la société Transition énergétique Québec (TEQ), le gouvernement Legault souhaitant éviter les chevauchements de responsabilités.
Cette réforme majeure fera l'objet d'au moins un projet de loi déposé lors de la prochaine session parlementaire. Elle permettra au ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, de rapatrier dans son ministère l'ensemble des pouvoirs relatifs au Fonds, en laissant tout ce qui touche la transition énergétique à son collègue qui en est responsable, Jonatan Julien, ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles.
Les deux hommes ont précisé en conférence de presse, mardi avant-midi, les changements que leur gouvernement compte apporter.
« Il nous fallait simplifier la gestion du Fonds vert, sa gouvernance, c'est-à-dire clarifier les responsabilités, éviter les chevauchements et assurer l'imputabilité face à la gestion de ce Fonds, qui demeure un outil incontournable dans [l'atteinte de] nos objectifs de lutte contre les changements climatiques », a noté le ministre Charette.
Le FECC relèvera donc du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, où serait mis sur pied un Bureau de l’électrification de l’économie et des changements climatiques.
M. Charette devrait par ailleurs coordonner la conception et la mise en oeuvre du Plan d’électrification et de changements climatiques 2020-2030 du gouvernement Legault.

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Afin d'éviter l'ingérence politique et d'assurer la reddition de comptes dans la gestion du nouveau FECC, le gouvernement confiera à la vérificatrice générale du Québec le mandat de le surveiller, avec l'assistance du commissaire au développement durable.
De plus, un comité-conseil permanent en changements climatiques, composé de scientifiques et de représentants de la société civile, verra le jour pour réaliser des analyses et faire des recommandations. Ses rapports seront publics.
On a, à travers cette solution, réglé la question de la gouvernance. [...] Là où on manquait de transparence par le passé, on a certainement une belle avenue.
La vocation du Fonds sera désormais circonscrite à la lutte contre les changements climatiques.
Les sommes réservées à la gestion de l'eau et des matières résiduelles seront plutôt déposées au Fonds de protection de l'environnement et du domaine hydrique de l'État, « ce qui aurait dû être le cas dès le départ », a estimé le ministre Charrette.
« Les sommes demeurent donc les mêmes, a-t-il insisté. Il ne s'agit pas de réduire nos efforts ou nos engagements de protection de l'eau et de la gestion des matières résiduelles, bien au contraire, mais uniquement de faire transiter ces sommes par un autre chemin, afin de recentrer l'action du Fonds vert sur les changements climatiques. »
« Les changements que nous proposons aujourd'hui vont accélérer la mise en oeuvre de mesures plus ciblées et surtout contribuer à atteindre les résultats que nous estimons possibles pour 2030, c'est-à-dire une réduction de nos émissions de 37,5 % par rapport à l'année de référence, qui est 1990. »

Le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles récupérera les responsabilités et programmes de Transition énergétique Québec, a indiqué son titulaire, Jonatan Julien.
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Mise à mort de Transition énergétique Québec
Le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles de Jonatan Julien héritera de « toutes les fonctions et toutes les ressources » de TEQ, qui disparaîtra.
« Mon ministère détient déjà une grande expertise en cette matière, a-t-il signalé. Il est donc logique que l'ensemble du travail de la transition énergétique se retrouve sous le même chapeau. Pourquoi? Pour optimiser la synergie de tous les acteurs en cette matière. »
« En intégrant les ressources de TEQ, nous faisons donc en sorte d'avoir une équipe d'experts élargie, qui travailleront en complémentarité, a fait valoir M. Julien. Et j'assumerai, moi, comme ministre, la pleine responsabilité, la pleine imputabilité, de ce dossier. »
Peu connue du public, Transition énergétique Québec, qui tirait une partie de son financement du Fonds vert, avait pour mandat de favoriser l’efficacité énergétique en aidant, par exemple, des entreprises à faire la transition entre le mazout et l’électricité comme source d’énergie afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. D'autres programmes permettent de financer l'achat de véhicules électriques ou de bornes de recharge. Tous demeureront en place, à l'instar du système de quote-part annuelle des distributeurs d’énergie.
Le Plan directeur en transition, innovation et efficacité énergétique du Québec sera maintenu, mais adapté de manière à respecter les exigences du futur Plan d’électrification et de changements climatiques.
Un groupe de travail coprésidé par les ministres Charette et Julien est censé renforcer la coordination entre les deux ministères.
Et toutes les parties qui collaboreront au Plan d’électrification et de changements climatiques « devront pratiquer une gestion axée sur les résultats », selon un communiqué.
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« Géré n’importe comment »
Dès décembre, l’idée du premier ministre François Legault semblait faite quand il avait affirmé que le Fonds vert était « géré n’importe comment ».
« Lorsque j'ai été nommé ministre de l'Environnement, en début d'année, la priorité qui avait été identifiée [...] par le premier ministre était justement de revoir la gestion du Fonds vert », a d'ailleurs souligné M. Charrette mardi.
Le Fonds a été créé en 2006 pour lutter, notamment, contre les changements climatiques. Mais un rapport accablant du Conseil de gestion, rendu public il y a six mois, révélait de graves lacunes dans la pertinence des projets financés à coup de centaines de millions de dollars.
Selon le rapport, seules 17 mesures sur 185 visaient la réduction des gaz à effet de serre. Les Québécois avaient aussi été étonnés d’apprendre quelques mois plus tôt que le Fonds avait financé l’installation d’ailettes au bout des ailes de certains avions d’Air Canada.
Dans le budget du mois de mars, le ministère des Finances écrivait que la « gouvernance a entraîné de la confusion », le Conseil de gestion et le ministère de l’Environnement se disputant pour savoir quels projets devaient être soutenus.
Même constat chez le Commissaire au développement durable qui soulignait que les rôles et responsabilités de chacun étaient mal définis.
Un surplus de 1,3 milliard de dollars se trouve présentement dans les coffres du Fonds vert, qui tire ses revenus de plusieurs sources, dont le marché du carbone et les systèmes de redevances pour l’élimination de matières résiduelles et pour l’utilisation de l’eau.