L'influenceur belge Jonathan Kubben accuse Reitmans d'avoir copié son concept « Mom I'm fine »

Jonathan Kubben en plongé sous-marine avec des requins.
Photo : Jonathan Kubben
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Cela fait trois ans que Jonathan Kubben, un influenceur belge, a lancé la campagne « Mom I'm fine ». Un peu partout dans le monde, il se prend en photo avec sa pancarte pour rassurer sa maman, anxieuse à chacun de ses voyages sur la planète. L'an passé, il découvre que la compagnie montréalaise Reitmans met en vente, lors d'une opération fête des Mères, des T-shirts avec le même slogan et la même police de caractère. Dégoûté, il se bat contre l'entreprise et demande réparation et récupération de la paternité de son concept.
Jonathan Kubben est ce qu'on appelle un créateur de contenu ou un influenceur, si vous préférez. Fils d'un père belge et d'une maman mexicaine, son rêve de découvrir la planète, il veut le vivre pleinement. Il vend alors sa voiture et décide de lancer son concept de « Mom I'm fine » pour rassurer sa maman.
Photos au sommet de l'Atomium de Bruxelles, en plongée à côté d'un requin, une photo aux côtés du champion de soccer Ronaldo, ou encore son slogan sur un avion qui survole l'Amérique, partout où il passe, « Mom I'm fine » devient viral sur Instagram et les médias internationaux s'emparent du phénomène.
Similitude évidente
C'est à la fin de 2017 qu'il annonce alors la création de sa ligne de vêtements avec son désormais célèbre mot-clic. Mais il découvre que la compagnie montréalaise Reitmans le devance et lance temporairement le même type de campagne au printemps 2018. « Ils ont fait environ 10 000 t-shirts, plus de 200 000 sacs, des étuis, avec la même police, la même couleur, la même manière de communiquer sur les réseaux sociaux, tout le concept. »
La compagnie montréalaise Reitmans le contacte alors pour discuter. Elle décide de suspendre sa campagne sur les réseaux sociaux une semaine après son lancement, mais pas les ventes de produits.
Dialogue de sourds
Pendant les échanges de courriels entre lui et la compagnie, Reitmans va déposer au Canada la marque « Mom I'm fine », le 27 avril 2018. Lorsqu'il apprend cela, Jonathan Kubben qui avait déposé sa marque dans toute l'Europe et attendait des revenus pour pouvoir le faire au Canada est abasourdi.
« Au départ, ça se passe super bien, dit-il, on se parle par mails, de licence rétroactive et de voir ce qu'on peut faire ensemble, peut-être même un partenariat et puis au final, les avocats s'en mêlent et tout tombe par terre. »
Des influenceuses qui avaient participé à la campagne de Reitmans ont d’ailleurs effacé leurs publications, lorsqu’elles ont appris que les similitudes avec la campagne de Jonathan Kubben étaient trop flagrantes.
Une campagne légale, selon Reitmans
Nous avons fait une demande d'entrevue à la compagnie Reitmans, mais elle a préféré répondre par voie de communiqué. Elle estime que la campagne a été mise en place de façon légale et légitime, qu'elle respecte le travail des influenceurs et qu'elle a entrepris un dialogue respectueux avec Jonathan Kubben, mais qu'il n'a pas répondu à leur dernière communication en juillet 2018.
Devant l'impasse, Jonathan a en effet coupé court, car, dit-il, Reitmans ne proposait rien en termes d'indemnisation ni de reconnaissance de la paternité de la campagne. « J'aimerais récupérer Mom I'm fine et surtout réparation, parce que d'un point de vue moral, d'un point de vue financier, ça m'a coûté en avocats, ça m'a coûté des ventes, ça m'a coûté plein de choses. »
Une inspiration ou un plagiat?
L'inspiration des tendances dans le domaine de la mode, cela ne date pas d'hier, selon Madeline Goubau, chargée de cours à l'École supérieure de mode de l'UQAM. Elle cite notamment la façon dont la haute couture parisienne s'est rendue jusque dans nos contrées : par la copie autorisée ou non. Aujourd’hui, la copie est un phénomène accéléré à grande vitesse par les réseaux sociaux qui représentent une grande source d'inspiration pour les grandes marques.
Mais ces entreprises peuvent-elles cannibaliser sans vergogne et en toute impunité des concepts empruntés à autrui? « Oui, il y a un problème d'éthique, mais on dirait qu'il est tellement à grande échelle qu'il n'y a pratiquement rien à faire contre ça », constate Madeleine Goubau. Selon elle, la copie concerne aussi les entreprises d'ici dans le domaine de la mode. « Ces grandes boutiques-là sont les championnes de la copie et elles ont même à l'interne des gens dont la définition de tâche est de parcourir le monde à la recherche de modèles qui pourraient ensuite être copiés sous l'étiquette maison, c'est à leur job de faire ça. »
Une cause solide?
Dans le cas de Jonathan Kubben Quinones, existe-t-il des recours éventuels? Quentin Leclerq, avocat spécialisé en marques déposées chez Lecours, Hébert Avocats inc., estime que sur l'aspect similaire entre la campagne de l'influenceur belge et la compagnie montréalaise, il n'y a pas de doute, c'est identique et facile à démontrer. Mais il prévient que cela risque d'être un combat de David contre Goliath. « C'est sûr qu'il va devoir engendrer des frais pour effectivement faire cette opposition-là et éventuellement faire des recours pour avoir des dommages et cela peut-être très coûteux. »
« Mom, I'm not fine »
Arrivé à Montréal ce lundi, il a mis en ligne sur son compte Instagram, une photo de lui, la mine basse avec la pancarte « Mom, I'm not fine because of Reitmans ».
La publication a généré en une journée plus de 33 000 « j'aime » et plus de 2000 commentaires d'appui à sa cause. La voix chevrotante, Jonathan Kubben nous confie : « Pour moi, c'est le projet de toute une vie, j'ai vendu ma voiture, j'ai vendu plein de choses pour pouvoir faire ça ». Alors que Reitmans se dit à nouveau ouvert au dialogue, Jonathan Kubben attend, lui, que l'entreprise le contacte et s'excuse avant de discuter de quoi que ce soit. Après avoir déposé sa marque en Europe, il l’a depuis déposée aussi au Mexique et aux États-Unis.