Quand l’école est le seul pilier francophone d’une communauté
L'École catholique de l'Enfant-Jésus est un des principaux lieux de rassemblement de la communauté francophone de Dryden.
Photo : Radio-Canada / Miguel Lachance
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Dans certaines municipalités du Nord-Ouest de l’Ontario, l’école francophone locale est seule ou presque pour organiser des activités en français. Selon les directions d’écoles, cela met beaucoup de pression sur les épaules du personnel pour faire vivre la culture francophone aux élèves.
Dryden est une petite ville d’environ 5500 habitants située le long de la Transcanadienne, à mi-chemin entre Thunder Bay et Winnipeg. Elle compte environ 370 francophones ou personnes bilingues.
L’École catholique de l’Enfant-Jésus est située loin du centre de la ville, en retrait sur la route de l’aéroport.
La directrice de l'école, Claudine Savage, explique qu’elle et son personnel doivent prendre l’initiative pour offrir des activités en français à Dryden, car sinon personne ne le ferait.
Ça revient plus souvent à l’école qu’autrement
, ajoute-t-elle. Mon équipe a vraiment à cœur de promouvoir la langue.
J’ai vu de la réticence de certains membres de notre communauté qui ne veulent pas s’afficher comme francophones
, raconte Mme Savage, parce que ça fait longtemps qu’ils n’ont pas pratiqué la langue.
« C’est dommage, parce qu’on voudrait leur donner la chance de se pratiquer [...] et que nos élèves voient qu’il y a des gens qui parlent français dans la communauté. »
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Claudine Savage souligne qu’il existe à Dryden un groupe d’aînées francophones, les Dames Éclair.
Ce groupe a été créé par Claire Drainville, qui a participé à la création de l’Association des francophones du Nord-Ouest de l’Ontario en 1977.
Les Dames Éclair sont actives, mais elles ne sont pas connues dans la communauté
, explique Mme Savage. Elles ne sont pas nombreuses, donc leurs activités sont limitées.
La situation est semblable dans le canton de Manitouwadge, raconte le directeur de l’École élémentaire publique Franco-Manitou, Éric Robert, et ce même si les francophones représentent une plus grande proportion de la population.
Selon le dernier recensement, un peu plus de 15 % de la population de la municipalité de 1700 personnes ont le français comme langue maternelle.
M. Robert, qui a enseigné pendant 16 ans à Timmins avant de déménager à Manitouwadge en août 2018, a rapidement remarqué l’immense différence pour l’offre d’activités en français pour les jeunes.
Comme son homologue de Dryden, il essaie régulièrement d’avoir des intervenants francophones pour parler aux élèves sur différents sujets, avec un succès limité.
Comme à Dryden, plusieurs francophones n’osent pas parler français en public parce qu’ils ne se sentent pas en confiance, avance-t-il.
Dans certains cas, il doit se contenter d’avoir des documents en français, et parfois l’école doit même s’occuper de les traduire.
Le directeur explique que selon des recherches, les jeunes auraient besoin d’être exposés au français pendant plus de 60 % de la journée pour bien assimiler la langue.
Le temps passé en classe ne suffit pas
, estime-t-il, d’autant plus que les enfants parlent en anglais lors des récréations et des activités sportives organisées par la Municipalité et les écoles anglophones.
Tout retombe sur les épaules des enseignants
, raconte M. Robert.
Ceux-ci organisent différentes activités parascolaires, entre 15 h et 16 h, pour exposer un peu plus longtemps les élèves au français pendant la journée.
Le directeur compte d’ailleurs organiser un voyage au Carnaval de Québec l’an prochain pour exposer ses élèves au patrimoine francophone.
Les parents anglophones représentent environ les deux tiers des parents qui inscrivent leurs enfants à l’École Franco-Manitou.
Le directeur veut ainsi tenir à l’automne une rencontre pour expliquer aux parents anglophones comment ils peuvent aider leurs enfants avec l’apprentissage de la langue et de la culture francophone, notamment avec des jeux ou des films en français.
Le temps et l’argent
Pour Mme Savage et ses enseignantes, il n’y a pas assez d’heures dans une semaine pour organiser autant d’activités qu’elles le souhaiteraient.
Cela nécessite beaucoup de préparation de notre part
, confie telle, en ajoutant que ce n’est pas toujours possible de trouver le temps de le faire. On travaille toutes à temps plein.
Le manque de ressources financières peut aussi être un frein, surtout pour la promotion des activités, selon Claudine Savage.
Elle ajoute que malheureusement, les efforts de communications ne portent pas toujours les fruits espérés.
Mme Savage cite en exemple le spectacle du groupe franco-ontarien Swing, auquel très peu de gens en dehors de la communauté scolaire ont assisté à Dryden en juin 2017 lors des célébrations du 10e anniversaire de l'école.
Après l’élémentaire
Pour permettre aux élèves du secondaire de parler français dans un contexte réel, Claudine Savage a établi en 2016 un partenariat avec un enseignant de l’école secondaire anglophone.
Des rencontres sont organisées entre les élèves du secondaire et ceux de l’élémentaire.
« Mon idée c’était de créer des situations de leadership en leur donnant l’occasion de parler en français de façon authentique [à l’opposé] de juste le pratiquer en salle de classe. »
La directrice aimerait bien la création d’une école secondaire francophone, mais le contexte ne le permet pas pour l’instant.
L’éducation en français à Dryden se termine donc après la 8e année. Par la suite, les élèves ont accès à un programme d’immersion française à l’école secondaire anglophone.
« C’est un service que le conseil public anglais offre, mais du jour au lendemain ils pourraient toujours annuler ce programme-là. C’est toujours une crainte que j’ai. »
Elle croit notamment que le programme d’immersion pourrait faire les frais des compressions en éducation.