Vente de terrains : Oka met en demeure le conseil de bande de Kanesatake
Le projet immobilier du Domaine du Calvaire d'Oka est au centre d'une mise en demeure envoyée au promoteur par le conseil de bande de Kanesatake.
Photo : Municipalité d'Oka
La municipalité d’Oka a fait parvenir jeudi matin une mise en demeure au conseil de bande de Kanesatake concernant la vente de terrains revendiqués par la communauté mohawk.
La démarche de la municipalité survient après une mise en demeure que le conseil de bande a lui-même adressée à des entrepreneurs qui souhaitent acquérir des terres à Oka en vue du développement immobilier du Domaine du Calvaire d’Oka afin de les avertir qu'il s'agit de territoires revendiqués par la communauté mohawk.
« Soyez avisé [qu'une] telle campagne de dissuasion à l’endroit des citoyens de notre municipalité qui ne font qu’exercer leur droit de la manière la plus légitime qui soit, ne [saurait] être tolérée et fera l’objet d’une intervention directe de notre cliente afin de s’opposer à de telles démarches en raison des principes les plus élémentaires en droit civil québécois », peut-on lire dans la mise en demeure envoyée par la Ville d'Oka.
« On fait fuir ces acheteurs-là par des mises en demeure, ce qui est tout à fait inacceptable. Moi, je n'accepterai pas ça sur mon territoire », a déclaré le maire Pascal Quevillon en entrevue à Radio-Canada.
Radio-Canada a d'ailleurs obtenu la lettre envoyée à la Ville par un promoteur de terrains qui a renoncé récemment à un projet immobilier de 165 maisons sur un terrain situé dans l’est de la municipalité, près du parc national d’Oka, après avoir reçu une mise en demeure envoyée par les Mohawks. Il dit comprendre « l’histoire et la bataille des Mohawks » et préfère développer de nouveaux projets « comptant moins de contraintes dans d’autres municipalités ».
« Les citoyens d’Oka [...] sont chez eux, ils paient des taxes, ils paient des hypothèques sur ces terrains-là. Donc, ils sont tout à fait dans leur droit de vendre ces propriétés. »
Les revendications du conseil de bande concernent l'ensemble de l'ancienne seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes, mais les autres municipalités qui sont sur ce territoire ne font pas l'objet de mises en demeure, signale le maire Quevillon.
« On développe à Mirabel, on développe à Saint-Joseph-du-Lac, on développe à Sainte-Marthe-sur-le-Lac, mais [pour] eux ce n'est pas grave. Je crois que c’est de l’acharnement sur Oka », lance-t-il.
Leurs revendications « doivent se régler entre le gouvernement fédéral et la communauté mohawk de Kanesatake, affirme le maire Quevillon. Nous, on n'a pas à être pris entre l'arbre et l’écorce. »
Depuis la crise d’Oka, en 1990, des projets de développement sur l’ancienne seigneurie empoisonnent les relations entre des Mohawks et la Ville d’Oka, mais également entre le conseil de bande et les traditionalistes de la communauté.
Le maire Quevillon a déjà dénoncé une « expropriation déguisée ».
La communauté mohawk d’Akwesasne, qui vit une situation semblable, a récemment voté en faveur d’une offre de 240 millions d’Ottawa pour régler un grief foncier vieux de 130 ans.
Négociations en cours entre Ottawa et Kanesatake
Les territoires revendiqués par les Mohawks font l'objet de négociations entre le gouvernement canadien et le conseil de bande Kanesatake.
Radio-Canada n'a d'ailleurs pas pu obtenir la réaction du grand chef de la communauté mohawk de Kanesatake, Serge Otsi Simon, qui participait à des négociations à Montréal.
On s'attend depuis plusieurs mois que les discussions débloquent. Généralement, ce genre de négociations comprend des compensations financières, qui pourraient atteindre dans ce cas-ci des centaines de millions de dollars.
Un compromis
Grégoire Gollin, le plus important propriétaire de terrains potentiellement développables à Oka, a pour sa part accepté de geler toutes ses transactions pour favoriser le transfert de ses terres aux Mohawks.
« Seul un compromis équitable nous permet d’aboutir à une réconciliation tant attendue ici à Oka. Pas de compromis, pas de réconciliation », analyse-t-il.
« Il va falloir que tant les non-Autochtones, via leurs élus de la Ville d’Oka, que Kanesatake, via son conseil de bande et ses traditionalistes, comprennent qu’un compromis équitable vaut mieux qu’une bonne crise. »
La municipalité d'Oka redoute d’être enclavée dans un territoire mohawk agrandi et craint que cela nuise au développement de la municipalité et même que cela entraîne une baisse de la valeur des propriétés de ses citoyens.
Une « crainte très légitime », estime M. Gollin. Si la communauté mohawk obtient ces sommes, elle pourrait ensuite se tourner vers les propriétaires d'Oka dont les terrains les intéressent, souligne-t-il.
« Ils vont mettre sur la table de l'argent, qui va être certainement au-dessus de [leur] valeur marchande et [les propriétaires d'Oka] vont probablement avoir une offre qu’ils ne peuvent pas refuser », prédit M. Gollin.
D'après des informations de René Saint-Louis.