264 ans plus tard, la reconnaissance de la déportation des Acadiens divise toujours

Une image tirée de la série Le Canada: Une histoire populaire pour illustrer la Déportation des Acadiens en 1755.
Photo : Radio-Canada
Un débat fait rage en Acadie : la déportation de 1755 était-elle, oui on non, un génocide?
D'un côté, il y a des nationalistes acadiens et des penseurs qui réclament une reconnaissance officielle.
De l'autre, il y a plusieurs universitaires qui répondent que le Grand Dérangement ne répond pas aux critères de la convention sur le génocide.
D'ailleurs, il s'agit d'une polémique qui refait surface à intervalles réguliers au fil des décennies.
Un débat lancé à Kedgwick
Cette fois-ci, la discussion est relancée par la Coopérative des Arcadiens de Kedgwick, dans le nord du Nouveau-Brunswick.
Lors d'une conférence de presse en mai, le groupe a lancé une campagne pour que la Déportation soit reconnue comme un génocide.
Le groupe prévoit d'ailleurs soulever la question samedi à Fredericton lors de l'assemblée générale de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick.
L'ancien ministre libéral Jean-Paul Savoie, qui a aussi été maire de Kedgwick, croit qu'une telle reconnaissance permettrait de guérir les traumatismes du Grand Dérangement.
Quand tu divises les familles, tu as l'intention de les disperser pour faire perdre conscience que t'es un peuple. De les envoyer, disons, dans les États-Unis, pour qu'ils oublient, qu'ils rentrent dans le melting pot puis qu'ils oublient qu'ils sont Acadiens. Ç'a certainement créé un traumatisme profond.
Les membres de la Coopérative des Arcadiens citent souvent les écrits d'un avocat de Québec, Christian Néron, qui est aussi un passionné de l'histoire acadienne.
M. Néron croit fermement que la Déportation constituait véritablement un génocide.
Il conclut que dès l'automne 1748, donc sept ans avant le début de la Déportation, la Grande-Bretagne a systématiquement planifié l'éradication du peuple acadien.
Ça ne consiste pas à compter le nombre de morts ou à compter les façons de mettre les gens à mort. C'est tout simplement l'intention de détruire un groupe national ou racial ou religieux. Et donc tous ces faits-là mis ensemble nous montrent l'intention et la préparation.
Cette interprétation de l'histoire est vivement contestée par de nombreux universitaires, dont l'historien Maurice Basque, de l'Université de Moncton. M. Basque ne voit pas de réelle intention de la part de la Grande-Bretagne de faire disparaître les Acadiens.
Le Grand Dérangement n'a rien à voir avec ce qui s'est passé au Cambodge, ce qui s'est passé en Arménie, ce qui s'est passé dans les camps en Allemagne, en Pologne.
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Une commission d'enquête pour régler le débat
Le président de la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick, Robert Melanson, lance l'idée d'une commission d'enquête pour déterminer si la Déportation était un génocide.
M. Melanson précise d'emblée que la question ne relève pas de son groupe. Selon lui, une telle commission devrait plutôt être formée par la Société nationale de l'Acadie, qui regroupe des personnes de partout en Atlantique et de la diaspora.
Si la question revient continuellement, [ça veut] dire que les gens se sentent insatisfaits. C'est qu'ils savent qu'il n'y a jamais eu en fait de réparation de tort d'aucune façon pour un drame en fait qui a pratiquement détruit un peuple.
Peu importe le résultat du vote de samedi, cette question continuera de diviser les Acadiens.
La déportation des Acadiens en bref
- L'Acadie compte environ 13 000 personnes lorsque commence la Déportation, en septembre 1755. Sur une période de 8 ans, plus de 10 000 Acadiens sont expulsés de leurs terres.
- Plusieurs personnes se retrouvent dans les colonies anglaises, en France, en Haïti et, plus tard, en Louisiane.
- Le nombre exact de victimes n'est pas connu, mais des milliers d'Acadiens sont morts de maladie, de faim ou lors de naufrages en mer.