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Le Canada exporte toujours des tonnes de déchets de plastique en Asie

Un chariot élévateur charge le ballot de plastique dans un camion.

chargement de plastique - entrepôt Maalouf

Photo : Radio-Canada / Jacques Racine

Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.

Bien que la Chine ait fermé ses portes en 2018 aux matières recyclables des autres pays, l’Asie demeure un marché d’exportation pour les déchets de plastique du Canada. L’an dernier, il en a envoyé plus de 100 000 tonnes à l’étranger, dont plusieurs dans des pays asiatiques. Mais un défi demeure : la réduction des quantités envoyées à l’enfouissement au pays.

Dans l’entrepôt montréalais de Khalil Maalouf, il y a du plastique partout. Des boîtes et des sacs remplis de plastique qu’il récupère de commerces et d’industries.

Khalil Maalouf est un courtier spécialisé en plastique. Il exporte des déchets de plastique partout sur la planète. « On envoie aux États-Unis, mais on envoie la plupart en Asie dans des pays comme le Vietnam, la Thaïlande, la Malaisie et l’Inde. »

Il répond aux questions dans son usine.

Khalil Maalouf est président de Fox Plastic inc.

Photo : Radio-Canada / Jacques Racine

Il exporte en moyenne cinq conteneurs remplis de plastique par semaine vers l’Asie. « On est sûr de la marchandise qu’on envoie. Il n’y a pas de poubelles », dit-il. Le voyage des conteneurs canadiens de plastique dure en moyenne de deux à trois mois.

Le président de Fox Plastic affirme que ce sont des entreprises de recyclage et des courtiers qui achètent sa marchandise. « Ils paient pour le matériel pour le transformer, pour le vendre, pour faire de l’argent », dit-il.

Alors que nous étions dans l’entrepôt, ses employés étaient en train de remplir un conteneur de rouleaux de ruban adhésif. Un type de plastique difficilement recyclable au Québec « On a essayé de le recycler localement. On n’a pas réussi malheureusement, lâche l'homme d'affaires. Maintenant, ça s’en va à l’export. Ça s’en va aux Philippines, pour être recyclé là-bas. Eux autres, ils sont capables de le recycler. Ils sont capables de le transformer. »

« On essaie toujours de favoriser le marché local, mais soyons honnête, ils ne sont pas capables. Il y a trop de volume », nous a dit un autre courtier, qui préfère ne pas dévoiler son identité.

L'Inde et la Malaisie prennent la relève

Depuis que la Chine a fermé ses frontières en 2018 aux produits recyclables du monde entier pour des questions environnementales, d’autres pays ont pris en partie la relève. Les exportations vers l’Inde ont augmenté de 75 % à près de 6500 tonnes, tandis que celles vers la Malaisie ont fait un bond de 1000 % à plus de 10 000 tonnes.

À l’époque, le Canada exportait plus de 80 000 tonnes de déchets de plastiques vers la Chine et Hong Kong, une quantité qui a fondu à 6500 tonnes.

« On a peur qu’un jour ils vont arrêter ça. »

— Une citation de  Khalil Maalouf, président de Fox Plastic

Les pays asiatiques qui ont pris le relais de la Chine se retrouvent maintenant avec des déchets de plastique de partout dans le monde, dont ceux du Canada. Une situation que déplorent de plus en plus de gouvernements dans cette région du globe, selon le grand patron du centre de tri de Montréal, Gilbert Durocher.

« Les pays qui ont voulu remplacer la Chine au niveau des plastiques commencent eux aussi à douter un petit peu de la viabilité de cette industrie chez eux. Tu as des villages qui se plaignent d'odeurs », raconte-t-il.

Gilbert Durocher, président du groupe Tiru.

Gilbert Durocher, président du groupe Tiru.

Photo : Radio-Canada / Jacques Racine

Pour l’environnementaliste Steven Guilbeault, ces exportations de plastiques outre-mer ont de quoi nous inquiéter. Selon lui, on ignore ce qu'il advient réellement des matières exportées. « Depuis que la Chine a fermé ses portes, il est très difficile de savoir ce qui se passe avec ça. Est-ce vraiment recyclé? Est-ce qu’on enfouit là-bas parce que ça coûte moins cher que de l’enfouir ici », demande l'expert.

« Dans certains cas, c’est recyclé, mais pas au sens où on l’imagine, ajoute M. Guilbeault. On sait que la Chine va utiliser une partie de ce plastique-là comme combustible parce que les besoins énergétiques sont très importants plutôt que d’utiliser d’autres formes de combustibles. »

Steven Guilbeault.

Steven Guilbeault

Photo : Radio-Canada / Jacques Racine

Des solutions existent

Au Canada, selon une étude récente de la firme Deloitte commandée par Environnement et Changement climatique Canada, 9 % du plastique est recyclé, 4 % est incinéré et 86 % se retrouve à l’enfouissement.

Ottawa a par ailleurs annoncé le 10 juin que les plastiques à usage unique seront interdits dès 2021 et que les entreprises seront désormais tenues responsables de la gestion de leurs déchets de plastique.

Depuis la crise en Chine, de plus en plus d’entreprises de recyclage du plastique voient le jour au Québec. Le grand patron du centre de tri de Montréal affirme même qu’il arrive à écouler la majorité du plastique qui se retrouve dans le bac de récupération chez des recycleurs québécois « On a la chance d'avoir développé des acheteurs pour ces plastiques-là alors que d'autres provinces canadiennes sont prises présentement avec ces ballots-là », se réjouit-il.

Des ballots sont empilés dans le centre de tri T.I.R.U.

Ballots de plastique centre de tri T.I.R.U.

Photo : Radio-Canada / Jean-Philippe-Robillard

Une vingtaine d'entreprises québécoises recyclent du plastique. Mais, selon des sources, des centres de tri envoient encore régulièrement certains types de plastique – dont ceux à utilisation unique – à l’enfouissement, faute de pouvoir les recycler ou de les envoyer à l’étranger.

Signe d’un malaise dans l’industrie, peu de gens acceptent de nous parler ouvertement du recyclage du plastique.

Steven Guilbeault souhaite que la crise qui secoue le secteur du recyclage entraîne des changements majeurs dans l’industrie. « La crise avec la Chine, la Malaisie et les Philippines va nous forcer à trouver des solutions et à arrêter d’exporter nos problèmes ailleurs », espère-t-il.

La consultante et experte du recyclage Clarissa Morawski abonde dans le même sens. « C’est une opportunité pour faire des investissements dans des entreprises pour recycler, pour réutiliser et pour que les producteurs des emballages et les producteurs des produits plastiques puissent incorporer des plastiques recyclés. C’est le changement qu’on doit faire. C’est de l’économie circulaire », explique-t-elle.

M. Guilbeault croit qu’à l’instar de l’Europe, les gouvernements doivent agir. « Si nos gouvernements encadraient la production et dictaient quels types de plastique on peut utiliser, ça deviendrait beaucoup plus facile pour tout le monde. On pourrait plus facilement trouver des débouchés », croit-il.

Voilà donc un enjeu environnemental et politique, car le Canada génère plus de 3 millions de tonnes de matières plastiques par année.

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