Nouvel acte de vandalisme contre le projet de prison pour immigrants à Laval

C'est au 600, montée Saint-François que sera construit le nouveau centre de surveillance des immigrants de Laval. Le lieu sert actuellement de centre de formation à Service correctionnel Canada.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Un groupe de militants opposé à la construction d’un nouveau centre de surveillance des immigrants à Laval a revendiqué cette semaine la dégradation d’un véhicule de la société Englobe, laquelle a mené une étude préalable à l’assainissement de l'emplacement de la future prison. C’est au moins la troisième fois en un peu plus d’un an que des entreprises participant au projet sont victimes de vandalisme.
La revendication anonyme a été publiée lundi sur mtlcontreinfo.org, un site de « nouvelles et analyses anarchistes et antiautoritaires ».
« Il y a quelques nuits, nous sommes tombées sur un véhicule de la compagnie Englobe », écrivent ses auteurs. « Nous avons détruit son pare-brise, lacéré chacun de ses pneus et taggé sur son flanc "No Migrant Prison ". C’était une manière spontanée et plutôt facile d’exprimer notre colère contre ceux et celles qui sont impliqué-es dans la construction de cette prison. Nous espérons que ça aura empêché au moins un-e travailleur-euse à se rendre au travail le lendemain. »
« C’était peut-être un petit geste, mais il était facile à faire », concluent-ils, avant d’invectiver tous ceux qui participent à la construction des prisons.
Englobe n’a pas voulu accorder d’entrevue à ce sujet. La firme de génie-conseil a toutefois confirmé par courriel que l’un de ses camions avait été vandalisé. Elle s’est aussi réjouie du fait qu’aucun employé n’ait été blessé.
Une série de méfaits
C’est au moins la troisième fois, au cours des 13 derniers mois, qu’une entreprise engagée dans le projet de nouveau centre de détention des immigrants de Laval est visée par un acte de vandalisme.
La firme d'architecture Lemay, qui a conçu les plans de la future prison, a notamment été victime d’un coup d’éclat en mai 2018 lorsque des militants ont lâché des criquets vivants à l’intérieur du siège social de l’entreprise.
Les locaux de l’entreprise d’excavation Loiselle, qui s’est pour sa part chargée de décontaminer l'emplacement, ont également été vandalisés en février dernier. La façade de son siège social, à Salaberry-de-Valleyfield, a été barbouillée de peinture blanche. On pouvait aussi lire sur un graffiti : « Non à la prison pour migrants ».
« Le SPVM fait enquête sur les événements survenus », a confirmé le Service de police de la Ville de Montréal vendredi. « Toutefois, afin de ne pas nuire aux démarches de l'enquête, nous ne pourrons fournir d'informations additionnelles. »
Une prison similaire à l’ancienne
La construction d’un nouveau centre de surveillance des immigrants (CSI) à Laval a été annoncée en août 2016 par le ministre canadien de la Sécurité publique, Ralph Goodale, en même temps que celle d’un centre de détention similaire à Surrey, en Colombie-Britannique.
Le nouveau CSI de Laval remplacera le centre actuel, un établissement construit dans les années 1950 qui ne permet pas l’accès sur place à des audiences de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada.
Sa superficie de 8400 mètres carrés sera légèrement plus grande que le centre de détention actuel, qui occupe 8080 mètres carrés d’espace. Le nombre maximum de lits passera quant à lui de 144 à 158.
La future prison lavalloise sera érigée au 600, montée Saint-François, dans le secteur Saint-Vincent-de-Paul – soit à moins d’un kilomètre du centre existant et de l’établissement Leclerc, un centre de détention provincial. Le lieu sert actuellement de centre de formation à Service correctionnel Canada.
Bon an mal an, il y a en moyenne de 450 à 500 personnes qui sont détenues en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Il s'agit de personnes dont le statut au Canada est techniquement illégal, pour des raisons d'identification, de sécurité publique ou de sécurité d'un autre ordre.
Le nouveau CSI de Laval, dont la livraison a déjà été repoussée de 2020 à 2021, est évalué à 56,1 millions de dollars.
L’appel d’offres pour la construction du centre est expiré depuis le 1er avril. L’identité de l’entreprise choisie devrait donc être révélée sous peu.
Des documents publics de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada montrent qu’au moins six fournisseurs se sont montrés intéressés par l’appel d’offres. On ne sait toutefois pas combien d’entre eux ont déposé une soumission.

Aux dernières nouvelles, le futur centre de surveillance des immigrants de Laval devrait voir le jour en 2021.
Photo : Lemay
Le projet génère par ailleurs une certaine opposition dans la société civile. Deux manifestations se sont déroulées coup sur coup les 17 et 20 février derniers : la première devant le siège social de Lemay, à Montréal, la seconde devant le centre de surveillance de l’immigration, à Laval.
De plus, une cinquantaine d’organismes, dont Solidarité sans frontières, la Fédération des femmes du Québec et l’association des étudiants de premier cycle de l’Université Concordia, ont annoncé le mois dernier qu’ils s'engageaient à faire front commun pour bloquer la construction de la future prison lavalloise.
Un geste cautionné
L'organisme au cœur de la contestation, « Ni frontières, ni prisons », n'a pas condamné la dégradation du camion d'Englobe, vendredi. Au contraire.
« Nous tenons à souligner que nous supportons complètement ce genre d'action qui s'inscrit pour nous dans une lutte plus large contre la détention de migrants et tous ceux à qui ça peut profiter », a-t-il écrit dans un courriel transmis à Radio-Canada vendredi soir.
Les entreprises qui désirent s'impliquer dans des projets comme ceux-ci devraient garder en tête que des actions du genre peuvent survenir contre elles, résultat direct de leur implication.
« Il nous apparaît que de ne rien faire face à ce développement représente une violence plus grande que les actions de résistance qui s'y opposent et nous encourageons donc tout le monde à agir, de toutes les manières possibles, afin d'arrêter la construction de cette prison pour migrant-es », concluent les auteurs du courriel, qui ne se sont pas identifiés.