Une voisine odorante : l'usine de cannabis Hexo dérange à Gatineau

Ces citoyens se sentent laissés à eux-mêmes par les élus municipaux, provinciaux et fédéraux, puisque personne ne semble être en mesure de déterminer quand une forte odeur devient une nuisance.

Plusieurs résidents du chemin du Quai, dans le secteur de Masson-Angers à Gatineau, affirment que leur qualité de vie a dégringolé au cours des derniers mois. C’est surtout lorsqu’ils ouvrent les trappes [des serres] pour échanger l’air que ça sent, raconte Judith Charette, qui a vu les serres pousser devant sa résidence.

L’hiver dernier, Hexo Corp a plus que quadruplé sa superficie de production de cannabis lorsqu’elle a rasé une forêt, qui empêchait les voisins de voir et de sentir l’usine.

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Judith Charette regarde avec exaspération ses voisines, les serres de l'entreprise Hexo Corp.

Photo : Radio-Canada

Hexo Corp est également propriétaire d’un vaste terrain de l’autre côté du chemin du Quai. L’entreprise affirme cependant qu’elle n’a pas de plan actuellement pour son développement.

Hexo Corp a plus que quadruplé sa superficie de production de cannabis, en plus d’acquérir un autre terrain boisé.

Photo : Radio-Canada

Traîner une odeur de pot

Cette forte odeur gêne Mme Charette au-delà de sa demeure. Dans son travail d’éducatrice spécialisée, elle craint toujours de traîner avec elle une odeur de cannabis jusque dans les salles de classe.

Je travaille dans une école. Je ne fume pas de cannabis et je me fais dire que je sens le pot. Ce n'est pas un bon exemple à montrer, ajoute-t-elle, avec frustration.

Louis Vézina craint que l'odeur de l'usine d'Hexo puisse avoir des effets néfastes sur son poupon.

Photo : Radio-Canada

Un de ses voisins, Louis Vézina, ne croyait pas que l'expansion d’Hexo Corp prendrait une telle ampleur. Celui qui habite depuis quatre ans près des serres dit désormais maintenir toutes ses fenêtres fermées, pour éviter que l’odeur ne s'infiltre dans la chambre de son poupon de 10 mois.

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Comme tous ses voisins rencontrés par Radio-Canada, M. Vézina craint que la valeur de sa maison n’ait chuté, en raison des nuisances produites, selon lui, par l’usine.

« C’est comme fumer 50 joints à côté de toi »

À quelques pas de là, une autre voisine, Virginie Roussin, peine à cacher sa colère. Ça pue, ça pue, ça pue!, s’exclame la mère d’un petit garçon de cinq ans. C'est comme fumer 50 joints à côté de toi, poursuit-elle.

Chaque matin, son chien vient la rejoindre sur le lit et l’odeur du pelage finit par la réveiller. À 5 h le matin, ça donne mal au coeur, soupire-t-elle. Mme Roussin craint pour sa santé et celle de ses voisins, alors que personne n’a été en mesure de [la] rassurer chez Hexo.

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Mme Roussin craint elle aussi pour l’avenir de son fils. Toutes ses demandes auprès de la Ville de Gatineau et Hexo seraient restées lettre morte. Virginie Roussin soutient que le service 311 lui aurait répondu à de nombreuses reprises être impuissant.

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En conformité avec toutes les règles, soutient Hexo

Hexo Corp affirme répondre à toutes les exigences locales, provinciales et fédérales. Sa responsable des relations avec les médias, Caroline Milliard, soutient que les serres sont munies de filtres au charbon, qui diminuent l’odeur s’échappant des installations.

Je vous rassure. Les plants de cannabis ont une odeur particulière, mais l'arôme en soi ne présente aucun effet ni psychoactif ni thérapeutique, affirme-t-elle.

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Le ministère de l’Environnement n’a rien senti

Au Québec, c’est le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques qui doit enquêter et sévir lorsque les odeurs émises par les serres de cannabis ne respectent pas la réglementation.

Dans un courriel envoyé à Radio-Canada, la conseillère en communication du ministère, Sophie Gauthier, indique que deux inspections effectuées le 23 avril et le 17 mai 2019, à la suite d’une plainte envoyée au ministère, n’ont pas permis de constater une odeur de cannabis.

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« On nage dans le néant », dit Marc Carrière

Selon la Ville de Gatineau, le règlement municipal tolère les odeurs en zone agricole, comme celle du fumier.

C’est désolant. Je remercie les citoyens pour leur patience, mais Hexo, c’est 850 emplois et on n’a jamais vu ça dans notre quartier, répond le conseiller du district Masson-Angers, Marc Carrière. Il ajoute avoir reçu une dizaine de plaintes sur le sujet dans les derniers mois.

Le conseiller du district de Masson-Angers à Gatineau, Marc Carrière

Photo : Radio-Canada

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Le conseiller Carrière a demandé à l’entreprise d’organiser une rencontre citoyenne pour rassurer la population. L’élu rappelle toutefois que l’entreprise est encore toute jeune.

Des municipalités ferment la porte aux producteurs de cannabis

Les problèmes d’odeurs liés aux usines de cannabis ne sont pas uniques à Gatineau. À Mirabel, la situation est telle que la Municipalité considère maintenant d’imposer un moratoire sur la construction de serres de cannabis.

En Ontario, la Ville de Hamilton veut mieux encadrer les odeurs et Pelham a interdit l’installation de serres de culture de cannabis sur son territoire.

Mais pour le maire de Gatineau, il n'est pas question de s’inspirer de ces municipalités. Moi, je ne suis pas là du tout! Pour moi, la première étape, c’est de faire ce que l’entreprise veut faire, c’est-à-dire d’essayer de limiter ces odeurs-là, lance Maxime Pedneaud-Jobin.

Tout comme l’entreprise Hexo Corp, le premier magistrat constate que la technologie n’est pas encore existante pour éliminer complètement ces odeurs. Il faut laisser le temps au temps, conclut M. Pedneaud-Jobin.

La ministre canadienne de la Santé, Ginette Petitpas-Taylor, a refusé notre demande d’entrevue. Son bureau nous a adressé au ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé, Bill Blair. Or, l’emploi du temps de ce dernier aurait été bousculé par le passage de la tornade à Ottawa, dimanche.