Un gaz interdit par le protocole de Montréal fait un retour dans l’atmosphère

Illustration des frontière chinoises à partir d'une image prise de l'espace.
Photo : iStock
Prenez note que cet article publié en 2019 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
Les CFC, ces chlorofluorocarbones qui contribuent à la dégradation de la couche d'ozone, ont beau avoir été bannis, une étude publiée mercredi dans le journal Nature met en lumière une hausse des émissions d'un de ces gaz en provenance de Chine.
L’étude, intitulée Augmentation des émissions de CFC-11 dans l'est de la Chine sur la base d'observations atmosphériques, jette un éclairage nouveau sur un mystère rapporté pour la première fois l’année dernière.
De 2002 à 2012, la concentration de fréon 11 dans l’atmosphère était en constante baisse, conséquence du protocole de Montréal sur les CFC, menant à une interdiction complète de leur utilisation en 2010.
Toutefois, à partir de 2012, des chercheurs ont noté que les émissions de ce gaz utilisé notamment comme réfrigérant avaient augmenté. Quelqu’un, quelque part, produisait probablement des milliers de tonnes de fréon 11, malgré son interdiction au niveau mondial. La découverte signifiait non seulement la réapparition d'un gaz menaçant la régénérescence de la couche d'ozone, mais aussi celle d'un puissant gaz à effet de serre.
Une équipe internationale a cherché à déterminer la source de ces émissions en faisant appel à des observations atmosphériques à différents endroits en Asie.
Entre 2015 et 2017, 7000 tonnes de CFC-11 ont ainsi été détectées dans l’est de la Chine, soit l’équivalent de 40 à 60 % de l'augmentation notée.
« [L'augmentation] n’était pas une surprise, indique la chercheuse principale de l’étude, Sunyoung Park, de l’Université nationale Kyungpook, en Corée du Sud. [Mais auparavant], nos observations étaient basées sur des modèles par ordinateur. Nous, nous avons réussi à quantifier ces émissions sur le terrain », montrant qu'elles provenaient de l'est de la Chine.
Puissant gaz à effet de serre et ennemi de la couche d’ozone
Mis au point dans les années 1930, le fréon 11, ou CFC-11, est un chlorofluorocarbone utilisé comme réfrigérant, propulseur pour aérosols, solvant et agent gonflant pour les isolants en mousse de polymère. C’est aussi un destructeur important de la couche d’ozone.
« Cela aurait pu être du CFC-11 résiduel, mis en place avant les interdictions internationales et qui continue de se déplacer dans l’atmosphère, explique Ray Weiss, géochimiste au centre d’océanographie Scripps. Mais le nombre d’émissions supplémentaires était trop élevé pour n’être attribuable qu’aux émissions provenant d’isolants déjà en place. »
Selon une enquête du New York Times, cette nouvelle production est associée à des entrepreneurs agissant illégalement en Chine, de manière à faire avancer les politiques du gouvernement chinois pour réduire son empreinte écologique.
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La situation ne manque pas d’ironie : les efforts du gouvernement chinois pour réduire ses émissions de CO2 ont mené à l’utilisation d’un gaz ayant un potentiel de réchauffement global 4660 fois plus important que le CO2.
« [Depuis 2017] les Chinois ont pris des mesures pour arrêter cette production malhonnête. Je n'ai aucune preuve que le gouvernement ait intentionnellement appuyé cela », souligne le chercheur.
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Des hausses ailleurs dans le monde
Toutefois, l’est de la Chine n’est pas le seul endroit où une hausse des émissions de fréon 11 a été observée.
Au total, les chercheurs ont noté une hausse de 13 000 tonnes de CFC-11, des augmentations que l’équipe de recherche repère dans l’hémisphère nord.
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L’équipe de recherche, comprenant notamment le réseau de surveillance international AGAGE (Advanced Global Atmospheric Gases Experiment), la Division de la surveillance mondiale de l’Administration nationale des océans et de l’atmosphère (NOAA) et des chercheurs du centre d’océanographie Scripps, de l’Université de Californie à San Diego, tente maintenant d’améliorer son rayon de surveillance pour mieux cibler les sources de polluants atmosphériques.
« L’objectif est d’améliorer nos bases d’observation afin que nous ayons des échantillons représentatifs de toutes les économies du monde et, ainsi, d'avoir une meilleure idée de ce qui se passe », conclut Ray Weiss.
L’amélioration des techniques de recherche pourrait aider au bon fonctionnement du protocole de Montréal, mais aussi celui de l’Accord de Paris sur les changements climatiques, qui s’attaque lui aussi à des gaz difficiles à repérer avec précision dans l’atmosphère.
Ailleurs sur le web :
- L'étude Augmentation des émissions de CFC-11 dans l'est de la Chine sur la base d'observations atmosphériques (Nouvelle fenêtre) publiée dans le journal Nature (en anglais)